déjeuner cosmopolite chez Yvan Rouxsamedi, 19 mai 2007

Un australien qui contribue (en français dans le texte) sur le forum de Robert Parker m’annonce sa visite en famille dans le Sud de la France. Il est prévu que nous l’accueillions dans notre maison du Sud en même temps qu’un amateur de vins hollandais d’un autre forum accompagné de son fils. Tout ce groupe arrive à l’heure de l’apéritif et j’ouvre un Champagne Salon en magnum 1995. Etait-ce l’importance du groupe, je n’ai pas trouvé dans ce grand champagne l’émotion que j’éprouve habituellement. Il lui manque sans doute quelques années de cave car il n’est pas impossible qu’il connaisse en ce moment un léger repli.

Yvan Roux nous a dressé une table face à la mer et nous a fait l’immense plaisir de n’accepter aucun autre convive. Nous allons être seuls à profiter de son talent. La cuisine étant ouverte sur l’espace qui nous est réservé, nous avons tout loisir d’admirer ce qu’Yvan a préparé avec sa générosité coutumière. Nous prenons force photos et Yvan nous coupe des tranches de Pata Negra qui accompagnent les restes des vins de la veille, le  Chateau Pibarnon Bandol 1990, doux, civilisé, soyeux, charmant, trouvant sa place exacte en bouche et le Châteauneuf-du-Pape Domaine du Vieux Télégraphe 1990 hautement expressif, talentueux, et vibrant de l’accord avec le jambon gras.

Nous nous asseyons à la grande table donnant à tous une belle vue sur les îles et la presqu’île, et nous commençons par Chateauneuf du Pape “Pure” domaine La Barroche 2004 sur des asperges et du poisson quasi cru. Le « Pure » est une bombe. Il a un taux d’alcool extrêmement élevé que je situerais au dessus de 15° mais il est élégant, franc, facile à vivre, et en aucun cas excessif. Comme je savais que mon ami hollandais Harry, qui prépare un livre sur les Châteauneuf-du-Pape, viendrait avec des vins surpuissants, j’ai apporté « R » de Rimauresq, Côtes de Provence 2003. Ces deux vins sont dans la même ligue, des vins à réveiller les maures. J’ai trouvé que le spectre aromatique du vin régional est plus large que celui du vin papal. Les deux vins sont bons, même s’ils n’appartiennent pas vraiment aux types de goûts que je recherche.

Nous avons sur table de fines tranches de poisson juste poêlées avec des fleurs de courgettes. Sur ce plat et sur le Saint-pierre, c’est l’occasion de goûter Ridge Monte Bello Cabernet Sauvignon 1981, cadeau de mon hôte australien et Châteauneuf-du-Pape Domaine de Saint Préfert 1990 de Mr Serre que j’ai pris dans ma cave. Le charme du Chateauneuf est certain, avec une belle personnalité, mais c’est le Ridge qui me conquiert, faisant de l’ombre au Saint-Préfert. Ce Ridge est si beau ! Il a de la douceur, du sucré, sur un corps solide et structuré. Ce nouvel ami ayant demandé que j’ouvre son second cadeau, le Dominus de Christian Moueix 1987, je le fis, mais ce ne fut pas un service à lui rendre, car le Dominus apparaît strict, fermé, sans référence californienne, offrant plutôt des accents de Pomerol, ce qui ne surprend pas.

Yvan nous prépara à ma demande des tranches de mangue juste poêlées qui firent avec Château d’Yquem 1986 un numéro de trapézistes coordonné au millième de seconde. Mes amis n’en reviennent pas.

Sur le dessert au chocolat, où la croûte solide enserre un fondant le Maury La Coume du Roy 1925 conclut cette « séance » où ce sont les accords qui comptent plus que les valeurs intrinsèques des vins.

Ce déjeuner ayant bien duré quatre heures, nous entreprîmes avec les enfants des uns et des autres de jouer au tennis ce qui acheva de me tuer. Les amis australiens nous quittèrent et nous restâmes avec nos hollandais. Il y avait assez de vins à finir. Le champagne Salon a gagné de l’ampleur, le Saint-Préfert est nettement plus épanoui et expressif, alors que le Dominus reste ronchon. Ma femme refit quelques tranches de mangue pour que nous nous pâmions de nouveau sur le reste d’Yquem 1986.

Ce fut intéressant de rencontrer des amateurs de vins avec qui j’échange sur la Toile. L’atmosphère est dans ces cas-là immédiatement chaleureuse, comme si nous nous connaissions de toujours. Le Ridge, qui m’évoque par certains aspects le charme de Vega Sicilia Unico fut la vedette de cette journée.