déjeuner avec d’agréables 1904dimanche, 4 mars 2018

Quelques jours après le dîner au restaurant Akrame, étant dans le sud, je vais rendre visite aux parents de Viktoria. Leur résidence du sud est proche de Grasse sur une colline escarpée. Lorsqu’il fait beau, la vue est merveilleuse et le site magique. Lorsqu’il neige, la colline est coupée du monde car les voies sont impraticables. J’ai roulé sous la pluie, mais j’arrive chez mon ami sans problème. A peine arrivé il me demande d’ouvrir une bouteille pour notre déjeuner, Un Bellay 1904. La bouteille de forme presque bordelaise laisse voir à travers le verre poussiéreux une belle couleur claire et engageante. Le bouchon est tout petit avec une base en biais et me fait penser aux bouchons de mes vins de Chypre de 1845.

Viktoria est aussi descendue dans le sud. Elle me montre trois bouteilles de Bellay 1904. Une ouverte il y a plus d’un mois, une ouverte il y a dix jours et celle que je viens d’ouvrir dont la bouteille est plus large et haute que celles des deux autres, opaques et dont les étiquettes sont difficiles à lire. Nous les goûterons en fin de repas.

Nous passons dans la belle salle à manger et ce qui nous attend, c’est un pot au feu préparé avec beaucoup d’amour. Il y a deux sortes de viandes, l’une très douce et l’autre plus ferme, les légumes classiques, des os à moelle dont on verse le contenu sur des toasts, que l’on recouvre de gros sel, et une sauce crémeuse originale avec de l’anchois et de l’ail.

Le choix est possible entre un blanc et un rouge pour accompagner le pot au feu. Le Rully blanc Monopole Clos de la Folie, Domaine de la Folie 2016 est extrêmement expressif, au-delà de ce que je pourrais imaginer. Surtout, on ne sent pas sa jeunesse car il a trouvé une belle forme d’équilibre. Il a un beau fruit, une belle profondeur et se comporte très bien avec le plat, particulièrement avec la moelle.

Le Rully rouge Clos Marey Domaine de la Folie magnum 2010 est moins percutant et il manque un peu de rythme et de personnalité. Le choix est donc en faveur du blanc.

Mais sur un Mont d’Or, fromage qui a été légèrement réchauffé pour le rendre plus moelleux, le rouge prend une dimension qu’il n’avait pas. Il devient vif et agréable. On en profite beaucoup mieux.

Les desserts sont délicieux, une glace bien crémeuse et un gâteau préparé par Lenôtre. C’est le moment d’essayer les trois 1904.

Celui qui a été ouvert il y a plus d’un mois s’élimine de lui-même car il est éventé. C’est un alcool doux mais devenu plat. La première gorgée du deuxième Bellay 1904 ouvert il y a dix jours me transporte dans un imaginaire qui me plait. C’est un alcool mais peu marqué. Il est doux, frais et porte des fruits roses. C’est un bonheur très frais, très Fragonard ou Vigée-Lebrun. C’est un alcool délicat, léger sans grande longueur mais cela ne gêne pas.

Le Bellay 1904 que j’ai ouvert en arrivant a un nez de vin sec. En bouche c’est un vin sec et je ne penche pas vers un alcool. Il est agréable, lui aussi sans grande longueur mais franc. Et ce qui est étonnant c’est qu’au fur et à mesure de sa dégustation je vais voir apparaître des notes d’alcool, comme celles d’un marc très peu alcoolisé. Tout est aussi délicat mais celui qui m’apporte le plus d’émotion, c’est le 1904 précédent. Alors, d’où proviennent ces vins ? La première idée qui m’est venue est que celui qui a écrit les étiquettes a fait une faute d’orthographe et voulait signifier les vins du Bellet, région proche de Nice où l’on fait d’agréables vins blancs à base de cépage rolle, appelé en Italie vermentino. Mais est-ce compatible avec le fait que les vins semblent alcoolisés ? Une autre hypothèse est qu’il existe des vins de Saumur qui portent de nom du Bellay. Ce serait plus logique, mais dans la famille de mon ami on a plutôt conservé des vins locaux. Et le nombre important de vins de 1904 dans sa cave indique plutôt des achats locaux. On ne saura pas mais ce qui est sûr, c’est que ces 1904 aux bouteilles variables, très naturellement, sont des vins / alcools d’une rare fraîcheur et d’un grand intérêt gustatif.

Ça fait plaisir pour des vins de 114 ans. Ces vins ont ponctué un agréable repas amical.

le 1904 ouvert le jour même

le 1904 ouvert il y a dix jours. Sur l’étiquette difficile à lire on peut reconnaître « llay »

les deux 1904