17ème séance de l’académie des vins anciens au restaurant La Cagouillevendredi, 1 juin 2012

La 17ème séance de l’académie des vins anciens se tient au restaurant La Cagouille. A 16h30, je suis à pied d’œuvre pour ouvrir les vins. Il y en a 50, dont 27 de ma cave. L’opération durera près de deux heures et demie, malgré l’aide de quelques académiciens venus plus tôt et le soutien moral d’un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1989 apporté par Julien, superbe champagne évoquant de belles pâtisseries dorées, très gourmand et joyeux.

Nous sommes 38 répartis en trois groupes. Je n’ai pas compté, mais il est probable que notre séance respecte une parité hommes-femmes très républicaine. Nous avons un fort contingent très jeune car j’ai réservé huit places à des élèves de l’école supérieure du marketing du luxe (Sup de Luxe). Probablement plus de la moitié des participants sont des nouveaux. Mais il y a aussi des académiciens de la première heure, ceux de la réunion inaugurale de l’académie à l’hôtel de Crillon en 2005.

Nous prenons l’apéritif sur la terrasse extérieure du restaurant et nous avons le choix entre : Chardonnay Spumante Casa Valdugar 130 Brésil sans année – Champagne Janisson Baradon Brut Sélection – Champagne Le Brun de Neuville Cuvée Chardonnay Brut – Champagne Pierre Gerbais cuvée de réserve – Champagne Besserat de Bellefon – Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1996 et le Champagne Léon Camuzet de Vertus. Le dernier cité est le champagne historique de ma famille depuis mon grand-père et c’est celui qui a formé mon goût au champagne quand j’étais adolescent. C’est un peu une madeleine de Proust, et j’apprécie beaucoup sa belle fraîcheur enjolivée par l’âge, car il doit avoir une bonne douzaine d’années. Cette réminiscence me pousse à ne boire que lui pendant cet apéritif debout.

Nous passons à table et voici les vins des trois groupes.

Groupe 1 : Champagne Pierre Péters Cuvée Les Chétillons magnum 2000 – Champagne Pierre Péters magnum 1985 – Ipsheimer Burg Hoheneck Bacchus trocken Franken 1990 – Château Doisy-Daëne sec 1986 – Château Pavie 1973 – Château La Couspaude Saint-Emilion 1955 – Château Pape Clément 1962 – Château Canon 1970 – Château Monbousquet Saint-Emilion 1949 – Fixin Les Clos Vincent et Denis Berthaut 1985 – Volnay 1er Cru Bouchard Père & Fils 1953 – Hermitage La Sizeranne cuvee 167 NM Chapoutier (1961,1962 ET 1963) – Domaine de la Trappe Algérie blanc 1955 – Château Chalon Bouvret Père & Fils 1971 – Château La Graville Sainte Croix du Mont 1953 – Chateau d’Arche Pugneau 1935 – Maury 1959

Groupe 2 : Champagne Pierre Péters Cuvée Les Chétillons magnum 2000 – Agneau Blanc Baron de Rothschild 1948 – Château Doisy-Daëne sec 1986 – Château Guiraud Pavillon sec 1964 et 1965 sur le bouchon – Vin de l’Etoile Coopérative Vinicole de l’Etoile 1955 – Château Latour 1973 – Château Lynch-Bages 1985 – Château de Sales Pomerol 1970 – Château La Mission Haut-Brion 1964 – Château Montrose 1950 – Nuits-Saint-Georges Rémy Gauthier sans année – Aloxe Corton Les Chaillots Louis Latour # 1955 – Château Salins Rions 1ères Côtes de Bordeaux 1941

Groupe 3 : Champagne Pierre Péters magnum 1985 – Champagne Pierre Péters 1979 – Agneau Blanc Baron de Rothschild 1948 – Château Doisy-Daëne sec 1986 – Château Guiraud Pavillon sec 1964 et 1965 sur le bouchon – Pouilly Fuissé Ph. Bouchard 1938 – Château Figeac 1975 – Chateau d’Arsac Margaux 1925 (Latrille & Cie illisible) – Château Canon Saint-Emilion 1966 – Château La Tour du Guetteur Saint Emilion 1964 – Santenay Grivelet P & F 1976 – Volnay Chauvot-Labaume 1967 – Chambolle Musigny Jean Bouchard 1959 – Château Luzies Barsac 1955 – Cru d’Arieste Sauternes 1934 – Maury 1959.

Le menu conçu avec André Robert, le sympathique propriétaire des lieux, empêché, hélas, d’être avec nous : coques en grande assiette creuse à partager / deux huitres boudeuses / langoustines vivantes pochées minute / couteaux grillées beurre citronné / casserons rôti / blanc de bar poché / rouget et safran / fromage / dessert aux agrumes / noir au noir.

Rodolphe Péters nous a fait la gentillesse d’apporter quelques champagnes de sa maison de Mesnil-sur-0ger. Le Champagne Pierre Péters Cuvée Les Chétillons magnum 2000 est frais, d’un bel équilibre, très plaisant. Mais avec le Champagne Pierre Péters magnum 1985 on marque une étape significative. Il y a un accomplissement, une noblesse dans ce champagne blanc de blancs qui est absolument remarquable. Un ami sympathique m’apporte un verre du Champagne Pierre Péters 1979, d’une maturité sereine. Le 1985 est plus tendu, plus vif, mais le 1979 a énormément de charme. Ces trois champagnes sont un beau parcours dans le monde de cette maison de champagne à la forte personnalité qui connait un grand succès hors de nos frontières. Et on mesure l’impact extrême du mûrissement par l’âge.

Le Ipsheimer Burg Hoheneck Bacchus trocken Franken 1990 est un intéressant vin allemand combinant un caractère sec à une légère douceur citronnée. Très frais, il est agréable à boire. Le Château Doisy-Daëne sec 1986 est une belle surprise, car le vin est bien formé. Sa couleur est d’une étonnante jeunesse. C’est un beau bordeaux sec que l’âge rend cohérent avec une acidité citronnée bien mesurée. Il est très classique. On vient m’apporter un vin de ma cave dont j’ai mis deux bouteilles aux deux autres tables. Il est amusant pour deux raisons : c’est le Château Guiraud Pavillon sec 1964 qui d’une part est millésimé 1965 sur le bouchon, ce qui est visible nettement à travers le verre, et n’aurait jamais dû échapper à un contrôle, même peu sourcilleux, et aussi bien l’étiquette que la capsule insistent sur le fait que Guiraud est un premier grand cru de sauternes, alors que cette précision ne concerne en aucun cas le vin sec. Le vin est d’une belle couleur de pêche. Il est vif, agréable à boire, très chaleureux.

J’avais fait la grimace quand j’avais vu la bouteille trop foncée du Pouilly Fuissé Ph. Bouchard 1938, de plus marquée d’un bas niveau. J’en avais fait la remarque à son apporteur qui, très fier, est venu me montrer que son vin foncé non seulement tient la route, mais en plus est plébiscité par la table qui le boit. D’une table voisine on m’apporte le Vin de l’Etoile Coopérative Vinicole de l’Etoile 1955, vin dont je suis amoureux, qui montre une jeunesse spectaculaire malgré ses 57 ans. C’est un grand vin dont je suis fou.

Nous passons aux vins rouges sur les petits encornets. Le Château Pavie 1973 est une agréable surprise, car il n’est pas marqué par le temps, ni par la petitesse de l’année. C’est un saint-émilion délicat. Le Château La Couspaude Saint-Emilion 1955 démontre une fois de plus que 1955 est une année brillante, de plein épanouissement. Le Château Pape Clément 1962 est agréable, mais ne m’a pas marqué, alors que le Château Canon 1970 est d’une vivacité, d’une charpente et d’une élégance qui méritent les compliments.

Vient maintenant le vin que j’ai ajouté au dernier moment et dont je souhaitais faire mon champion. Le Château Monbousquet Saint-Emilion 1949 est exactement au niveau que j’espérais, vif, claquant comme un fouet, mais sachant se faire civil. Il est dans un état de perfection remarquable, velouté et puissant. Toute notre table l’a adoré.

Le Fixin Les Clos Vincent et Denis Berthaut 1985 est d’une grande tenue. Il est un peu jeune pour figurer réellement dans le script de l’académie. Il retient peu l’attention car arrive un petit miracle : le Volnay 1er Cru Bouchard Père & Fils 1953. Son nez à l’ouverture était éblouissant, avec cette gouaille bourguignonne qui renverse les cœurs. Il a toujours ce beau parfum et en bouche, c’est un régal absolu. Vin magnifique de Bourgogne, d’une grande aisance et d’une cohérence extrême. Il est absolument réussi. C’est son authenticité bourguignonne qui me frappe.

Je ne connaissais pas l’Hermitage La Sizeranne cuvée 167 NM Chapoutier (1961,1962 et 1963) car je ne savais pas que Chapoutier faisait la même chose que les « Reserva Especial » de Vega Sicilia Unico où se mélangent trois millésimes. C’est un solide vin du Rhône, mais j’en attendais un peu plus.

Celui dont j’espérais le plus, c’est le Domaine de la Trappe Algérie blanc 1955 apporté par un ami, qui représente pour moi ce que l’on cherche à l’académie : des vins anciens prestigieux, mais aussi des raretés comme ce vin. Hélas, même si le message est appréciable, il n’y a pas la folie que j’espérais. Le vin est bien sec, mais un peu plat. Un Château Chalon Bouvret Père & Fils 1971 c’est toujours un succès assuré. Celui-ci est très classique, avec une vibration très polie, sans le panache qu’ont les plus anciens Château Chalon. Un vin bien agréable quand même.

Le Château La Graville Sainte Croix du Mont 1953 est aussi dans la cible de l’académie, car j’aime quand des liquoreux qui ne sont pas des sauternes jouent dans la cour des grands. Celui-ci est un peu simple mais plaisant. Il surprend par la vigueur de son fruit exotique. Le Chateau d’Arche Pugneau 1935 est un vin de bonheur. Il a les évocations d’agrumes et de mangue, déclinées avec élégance. Le Maury 1959 mis en bouteille au 21ème siècle est solide comme un Maury sait l’être. Joliment fruité dans les pruneaux, il est le compagnon idéal du dessert au chocolat.

Mes amis sont tellement généreux qu’on remplissait mes verres des vins des autres tables. Aussi ai-je pu aussi goûter au Château Montrose 1950, solide et à la trame très serrée, plus convaincant que ce que je craignais d’un niveau un peu bas. Le Château La Tour du Guetteur Saint-Emilion 1964, un vin confidentiel et très rare, ne tient pas ses promesses, son message étant assez fatigué.

Globalement, les vins se sont comportés mieux que ce que j’avais imaginé quand j’avais reçu les propositions des académiciens. Une amie d’enfance, invitée de la dernière heure, m’a proposé son classement : 1. Volnay 1er cru Bouchard Père et Fils 1953 2. Chateau Monbousquet Saint-Emilion 1949 3. Chateau Canon 1970 4. Chateau La Graville Sainte-Croix du Mont 1953…

Mon classement n’est pas très éloigné : 1 – Chateau Monbousquet Saint-Emilion 1949, 2 – Volnay 1er cru Bouchard Père et Fils 1953, 3 – Champagne Pierre Péters magnum 1985, 4 – Vin de l’Etoile Coopérative Vinicole de l’Etoile 1955, 5 – Château Canon 1970, 6 – Château d’Arche Pugneau 1935.

Les tables étaient enjouées, l’ambiance amicale et concernée par les trésors que nous partagions. Le service du restaurant La Cagouille a été particulièrement attentif et compétent. Les plats simples ont mis en valeur des produits de la mer de qualité. Tout a contribué à ce que nous vivions l’une des plus belles séances de l’académie des vins anciens.

les vins du groupe 1

les vins du groupe 2

les vins du groupe 3

les photos de quelques plats