111ème dîner de wine-dinners au restaurant Ledoyen jeudi, 22 janvier 2009

Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1988

Champagne Krug 1988

Château Haut-Brion blanc 1966

Château La Gaffelière Naudes 1959

Château Brane-Cantenac 1921 (on note la mention de "Berger" sur la capsule)

Volnay Clos des Santenots Domaine Prieur 1945 (la bouteille a été cirée par la maison Calvet & Co, et l'étiquette à l'ancienne est tapée à la machine)

Nuits-Saint-Georges Camille Giroud 1928 (on note "Trade Mark" sur la capsule. L'embouteillage ou l'habillage est récent)

Chateauneuf-du-Pape Audibert & Delas 1949 (superbe niveau d'une bouteille d'origine)

Château Loubens Sainte Croix du Mont 1928 (embouteillage récent d'une bouteille achetée à la propriété)

Château Sigalas Rabaud 1959 (bouteille sans étiquette dont on voit l'année en soulevant les jupes !)

bouteille de secours : Haut-Brion 1974

Parce que ça me faisait plaisir, j'ai rajouté un vin : Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1956

 

Un Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 impromptu jeudi, 15 janvier 2009

Un jeune journaliste a fait un reportage sur le plus grand collectionneur de vins de la Romanée Conti, Champlain Charest, restaurateur canadien et bon vivant. Il m’a adressé un extrait de ses prises de vues et souhaite m’associer sous une forme ou sous une autre à la série de ses interviews et reportages.

Je lui donne rendez-vous près de ma cave.

Je suis allé acheter un petit frichti sans plat chaud : tranche de jambon de parme, foie gras, Saint-Marcellin, Brie de Meaux et tarte aux pêches.

Comme j'arrive un quart d’heure avant mon visiteur il me faut un vin qui ne nécessitera pas de longue aération après sortie de cave, et je prends un Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961. Chaque fois que j'ouvre ce vin, c'est un immense vin. Le niveau avait baissé plus que de coutume (environ 4,5 cm sous bouchon), suite à un choc sur le dessus de la capsule. Le bouchon est sec en haut, bien imbibé en bas, et sort entier. La couleur commençant à légèrement tuiler montre l'âge. Mais ni le nez ni la bouche ne montrent le moindre début de faiblesse. Le fruit est vivant, et j’aime le côté velouté séduisant. Le vin est légèrement doucereux. C'est un vin de bonne mâche. Comme nous parlions vin, ce chambertin était un pur plaisir, vin de joie toujours au rendez-vous.

réveillon dans le sud mercredi, 31 décembre 2008

Nous partons dans le sud pour les fêtes de fin d’année. Les mets et les vins sont dans les soutes à bagages. Nous serons quatre pour le réveillon de la Saint Sylvestre, avec un couple d’amis qui vivent à l’année dans la belle région d’Hyères, amateurs de vins peu familiers des vins anciens.

Lorsque j’ouvre les bouteilles, je constate les niveaux assez exceptionnels. La Mouline Guigal 1984 a moins de trois millimètres entre le liquide et le bouchon, et lorsque le bouchon s’extirpe, la dépression formée par l’expansion rapide de l’air crée un geyser de liquide. Le Vega Sicilia Unico 1960 a un niveau de près d’un centimètre à l’intérieur du goulot. Même le sauternes plus que centenaire a un niveau presque au goulot. Ces trois niveaux sont étonnants et montrent que la possibilité de niveaux inattendus existe. Je fais cette remarque pour les amateurs de vins anciens qui sont, comme moi, dubitatifs quand un niveau paraît trop beau pour être vrai.

Lorsque j’ai prélevé dans ma cave la bouteille de sauternes au sein du lot important que j’ai acheté récemment d’une cave murée où figuraient des Lafite 1900 et des Ausone 1900, j’ai lu la petite étiquette manuscrite scotchée par les vendeurs : « Château Guiraud 1904 d’après livre de cave », suivie d’un numéro. L’étiquette d’origine est totalement illisible et la capsule qui devait être dorée est recouverte d’une couche de poussière grise. Je devine une armoirie et des lettres que l’on pourrait lire si l’on grattait doucement le haut de la capsule, mais je pense que le bouchon m’en dira plus. Le bouchon d’origine de cette bouteille soufflée permet de lire très distinctement qu’il s’agit de Château Sigalas-Rabaud 1896. Nous boirons donc un vin plus vieux de huit ans que ce que j’envisageais. Les odeurs des vins sont parfaites. Je les laisse s’épanouir.

Nous écoutons les vœux du Président de la République où j’ai cherché sans le trouver un style nouveau, et nos amis arrivent. Le Champagne Substance de Jacques Selosse a été dégorgé en mars 2008. Il serait normalement préférable d’attendre un peu plus de temps après le dégorgement, mais ce champagne se révèle au sommet de son art. Le mot qui me vient pour le caractériser serait : « champagne de personnalité ». Car tout en lui interpelle. Il est puissant, vineux, d’une complexité rare et d’une force impérieuse. C’est un vin d’une technique parfaite, traité par un perfectionniste. Mon épouse a eu l’idée de trois amuse-bouche qui s’accordent divinement pour mettre en valeur le champagne à la longueur infinie : cake figues et parmesan, palets au parmesan, et gougères. On se repaît des saveurs généreuses de ce champagne hors du commun.

Nous passons à table et sur un très original pot-au-feu au foie gras de canard, je sers un Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 1989.  Ce vin est extraordinaire. Je retrouve la précision qui m’avait enthousiasmé lors du dîner de vignerons avec le 1986 bu en magnum. Ce 1989 me semble meilleur que le 1990 bu à Noël. Ce vin au nez de miel, à la minéralité réelle se caractérise par une immense fraîcheur. Sa longueur est extrême et sa complexité n’a d’égale que sa générosité. C’est surtout sur la sauce délicate, sorte de bouillon, que le vin chante de sa plus belle voix.

Le cuissot de chevreuil à l’émulsion de févettes est  copieux, la chair est tendre. Le vin servi en premier est la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1984. Mes amis sentent que le vin montre son âge mais ils l’apprécient beaucoup. Généreux et précis comme les Mouline, il est un peu plus calme que certaines années. Le vin servi quelques minutes après, pour accompagner aussi le cuissot est Vega Sicilia Unico 1960. Sa puissance est dévastatrice. Il semble à peine cuit, sur des notes de pruneaux, mais son final tonitruant est fait de framboises et de cassis, les fruits roses et noirs s’entremêlant dans une étreinte ininterrompue. Et paradoxalement, c’est le vin espagnol qui est le meilleur faire-valoir de la Mouline. Quand on a bu le 1960, on trouve dans le 1984 une grâce, une émotion romantique, une délicatesse qui signent un très grand vin. Et ces deux vins très dissemblables se boivent sans se neutraliser. Comme nous avons le temps, même si les douze coups approchent, nous disséquons les raisons des plaisirs de ces deux vins. C’est pour moi le final extrêmement fruité du Vega qui retient mon attention, et la délicatesse raffinée de la Mouline. Les deux vins se complètent bien.

Nous comparons deux camemberts que nous mangeons avec les deux rouges, sans que cela n’apparaisse inadéquat. La Tarte Tatin délicieuse une fois de plus accompagne le Château Sigalas-Rabaud 1896. Pour mes amis, c’est un saut dans l’inconnu, et nous cherchons dans nos histoires familiales aussi bien que dans la marche du monde à quoi s’accroche cette année 1896. C’est en 1896 que furent organisés les premiers jeux olympiques et que Becquerel découvrit la radioactivité naturelle. Le vin commence par avoir 112 ans dans nos palais, puis, quelques embrassades plus tard, il en a 113. Son nez est discret et délicat. Le vin a digéré son sucre. Il est assez léger, et les notes de pamplemousse rose abondent. Lorsqu’on s’habitue, car il le faut, on constate que ce vin est très agréable, que c’est un vrai vin et pas seulement une mémoire de vin. Chacun y prend du plaisir. Un signe qui ne trompe pas : ma femme l’apprécie. C’est pour moi un brevet important. Le vin s’accorde bien à la tarte, qui lui renvoie des saveurs en écho. Lorsque le lendemain je goûterai à nouveau ce sauternes, presque à température de pièce, le vin apparaîtra plus puissant et surtout plus sucré. Il s’affirme plus et s’offre une belle longueur. Je l’ai sans doute servi trop froid au dîner. En ce deuxième essai le vin me paraît être un très grand sauternes aux goûts d’agrumes, avec un joli final devenu charnu.

Nous avons devisé en ce début d’année 2009, fiers de l’avoir commencée sur un vin de 113 ans. J’avais choisi des vins que j’aime pour que ce réveillon soit marqué par la joie de vivre.

Bulletins 2008 – De 255 à 300 mercredi, 31 décembre 2008

(bulletin WD N° 300 081230) Les sujets du bulletin 300 : Déjeuner avec Jacques Le Divellec en son restaurant, 106ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent. (bulletin WD N° 299 081223) Les sujets du bulletin 299 : Suite de la première journée du Grand Tasting, dîner au restaurant Taillevent avec Romanée Conti 1981, deuxième journée du Grand Tasting. (bulletin WD N° 298 081216) Les sujets du bulletin 298 : Dîner de l’Académie du Vin de France, première journée du salon « Grand Tasting ». (bulletin WD N° 297 081209) Les sujets du bulletin 297 : Casual Friday au restaurant de Gérard Besson, déjeuner au restaurant de l’hôtel Les Crayères, déjeuner au restaurant La Marlotte. (bulletin WD N° 296 081202a) Les sujets du bulletin 296 : Apéritif au château de Bricourt, dîner au restaurant Surcouf à Cancale et dîner au restaurant d’Olivier Roellinger. (bulletin WD N° 295 081125) Les sujets du bulletin 295 : un étrange achat de champagnes, un déjeuner au Petit Nice,la remise du prix Edmond de Rothschild, et la présentation du Château de Fargues au Press Club à Paris. (bulletin WD N° 294 081118) Le sujet du bulletin 294 : le 105ème dîner de wine-dinners au restaurant de Gérard Besson, avec des vins riches en surprises. (bulletin WD N° 293 081112) Les sujets du bulletin 293 : déjeuner d’amis au restaurant Paris de l’hôtel Lutétia, déjeuner de famille avec des 1937, déjeuner à la table d’Eugène, « les Mots et les Vins » au George V avec Château Palmer, Rhône en Seine au George V et déjeuner à la Villa 9.3. à Montreuil. (bulletin WD N° 292 081104) présentation de dix ans du Château Haut-Bailly au restaurant Taillevent, dégustation des vins de Trimbach, 104ème dîner de wine-dinners au restaurant de la Grande Cascade. (bulletin WD N° 291 081028) Déjeuner au restaurant de la Grande Cascade,déjeuner au restaurant Paris de l’hôtel Lutétia, achat d’une cave d’une irréelle rareté et déjeuner avec les vendeurs. (bulletin WD N° 290 081021) Dîner dans le Sud, célébration de mariage chez des amis, une fois de plus chez Yvan Roux, Livres en Vignes au château de Clos-Vougeot avec dîner au château de Beaune, déjeuner au château de Gilly, dîner de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin et déjeuner au restaurant « Chez Guy » à Gevrey-Chambertin (bulletin WD N° 289 081014) Le bulletin 289 raconte : Dégustation des vins du domaine Liger-Belair au restaurant Taillevent, rendez-vous de vignerons pour une signature aux Caves Legrand, déjeuner au Carré des Feuillants avec un vigneron. (bulletin WD N° 288 081007) Le bulletin 288 raconte le 103ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent. (bulletin WD N° 287 080930) Le bulletin 287 raconte : Repas gastronomique dans le sud, dîner au restaurant de Matthias Dandine, dîner à la table d’hôte d’Yvan Roux, dîner à la table d’hôte d’Yvan Roux (bis). (bulletin WD N° 286 080923) Le bulletin 286 raconte : repas chez Yvan Roux, dîner Jazzy au restaurant de Matthias Dandine, et de nombreux repas de vacances avec des vins joyeux. (bulletin WD N° 285 080916) Le bulletin 285 raconte le 102ème dîner de wine-dinners avec un éblouissant Yquem 1900 au restaurant Astrance. (bulletin WD N° 284 080909) Les sujets racontés dans le bulletin 284 : dîner à la table d’hôte d’Yvan Roux, dîner à la table d’hôte d’Yvan Roux (bis), dîner à la table d’hôte d’Yvan Roux (ter), barbecue, barbecue (bis), barbecue (ter), barbecue (quater), déjeuner au restaurant Laurent. (bulletin WD N° 283 080902) Les sujets du bulletin 283 : Dîner au restaurant de Mathias Dandine, soirée de dégustation aux Caves Legrand, dîner d’amis chez un collectionneur de vins anciens. (bulletin WD N° 282 080826) Le bulletin 282 raconte : Dîner de famille et amis au restaurant Astrance, repas de famille, déjeuner au restaurant Agapé, déjeuner au restaurant de Guy Savoy, déjeuner au restaurant La Tante Marguerite, déjeuner au restaurant d’Alain Senderens. (bulletin WD N° 281 080708) Le bulletin 281 raconte le dîner chez Laurent qui fait une suite presque ininterrompue avec le déjeuner raconté au bulletin 280, une visite à la maison de champagne Krug, un déjeuner au restaurant des Crayères à Reims, une dégustation de Krug chez un caviste, et la rencontre inouïe d’un amour de mon père. (bulletin WD N° 280 080701) Le bulletin 280 évoque des événements familiaux et amicaux où le vin a sa place : dîner surprise chez mon fils, mariage de mon fils en trois repas, déjeuner d’amis au restaurant Laurent. (bulletin WD N° 279 080623) Le contenu du 279ème bulletin : Dîner à la table d’hôte d’Yvan Roux. Dîner au restaurant de Matthias Dandine au Lavandou, 101ème diner de wine-dinners au restaurant Laurent (bulletin WD N° 278 080616) Le contenu du 278ème bulletin : dîner au restaurant de Michel Troisgros à Roanne avec des amateurs d’un forum. Dîner chez un ami amateur à Roanne sur la cuisine de Jean-Philippe Durand. (bulletin WD N° 277 080609) Le contenu du 277ème bulletin : Dîner à l’hôtel les Crayères à Reims, un joli vin de Suresnes bu devant une caméra au musée du vin, visite au domaine Leflaive et déjeuner au restaurant Le Montrachet, déjeuner à l’hôtel Lutétia, dîner chez mon fils. (bulletin WD N° 276 080602) Le contenu du 276ème bulletin est important : c’est le récit du 100ème dîner de wine-dinners. Il raconte aussi un déjeuner aux Crayères à Reims. (bulletin WD N° 275 080526) Le bulletin 275 raconte un très intéressant dîner au Domaine de Chevalier avec des vins dont les millésimes finissent par « 3 », un dîner au restaurant de l’hôtel Crillon avec des vins de première grandeur, une visite au champagne Selosse, et un déjeuner suivi de l’ouverture des vins du 100ème dîner de wine-dinners au château de Saran. (bulletin WD N° 274 080519) Son contenu :Dîner au restaurant Laurent, lancement de Salon 1997 au siège du champagne Salon, déjeuner au Saint-James à Bouliac, dîner à la Poudotte à Pujols, visite au château Climens et déjeuner au restaurant Darroze à Langon. (bulletin WD N° 273 080513) Son contenu : le 99ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent, présentation des vins du « Quatuor de Bordeaux », le bar du Crillon. (bulletin WD N° 272 080505) son contenu : la journée des vins clairs à Bollinger, un dîner chez un ami fou de vins anciens et divers événements familiaux ou privés. (bulletin WD N° 271 080428) son contenu : Présentation des vins de Bouchard Père et Fils à l’hôtel Meurice, des salons du vin, la 8ème séance de l’académie des vins anciens. (bulletin WD N° 270 080421) Contenu du bulletin n°270:1 – Déjeuner d’amis au restaurant Laurent avec Royal Kébir 1923 - 2 – déjeuner à la Truffe Noire avec La Tâche 1956 - 3 – dîner au restaurant de l’hôtel Bristol avec Clos du Mesnil 1988 et bien d’autres vins. (bulletin WD N° 269 080415) Contenu du Bulletin n°269:1 – Déjeuner au restaurant le Petit Verdot – 2 – déjeuner au restaurant Dessirier – 3 – déjeuner au restaurant la Cagouille – 4 – déjeuner au Cercle Interallié – 5 – rencontres vinicoles – 6 – dégustation des vins du Domaine de Vogüé – 7 – préparation du 100ème dîner au château de Saran. (bulletin WD N° 268 080407) Contenu du Bulletin n°268:1 – 97ème dîner de wine-dinners au restaurant de l’hôtel Bristol – 2 – 97ème dîner de wine-dinners au restaurant de l’hôtel Bristol (bulletin WD N° 267 080330) Bulletin n°  267     :   1 - Dégustation au domaine Armand Rousseau,  - 2 - dégustation au domaine de Montille,  - 3 - dégustation et dîner au château de Puligny-Montrachet,  - 4 - déjeuner avec des vignerons,  - 5 - dégustation au domaine J.F. Mugnier (bulletin WD N° 266 080326)

Bulletin n°  266     :   6 - dîner au château de Beaune avec la maison Bouchard Père & Fils

 

(bulletin WD N° 265 080317)

Bulletin n°  265     :   1 - Voyage en Bourgogne, apéritif à l’hôtel,  - 2 - dîner chez Jean-Nicolas Méo,  - 3 - rencontre étonnante à l’hôtel de Beaune,  - 4 - dégustation à la Romanée Conti,  - 5 - déjeuner au restaurant Ma Cuisine,


(bulletin WD N° 264 080310)

Bulletin n°  264     :   1 - repas de famille à mon domicile - 2 - repas chez des amis - 3 - 96ème dîner de wine-dinners au restaurant de Gérard Besson


(bulletin WD N° 263 080303)

Bulletin n°  263     :   1 - déjeuner au restaurant le Petit Verdot  - 2 - dîner danois chez des amis dans le Sud - 3 - déjeuner avec des américains chez Patrick Pignol - 4 - déjeuner à l'Arpège avec un ami - 5 - visite et déjeuner à Château Latour


(bulletin WD N° 262 080225)

Bulletin n°  262     :   1 - dîner à l'Arpège avec Richard Geoffroy - 2 - déjeuner au George V avec des australiens - 3 - déjeuner à la Villa 9-trois - 4 - dîner au restaurant Taillevent en hommage à Jean Claude Vrinat - 5 - déjeuner de conscrits au Yacht Club de France


(bulletin WD N° 261 080218)

Bulletin n°  261     :   1 - 95ème dîner de wine-dinners au restaurant de l'hôtel Bristol - 2 - dîner à mon domicile avec un négociant chinois


(bulletin WD N° 260 080211)

Bulletin n°  260     :   1 - Déjeuner à La Cagouille avec Frédéric Engerer - 2 - verticale de Pommard Epenots du Domaine Parent


(bulletin WD N° 259 080204)

Bulletin n°  259     :   1 - Déjeuner du 31 décembre - 2 - réveillon du 31 décembre,  - 3 - lendemain de réveillon,  - 4 - repas de famille dans le Sud  - 5 - repas de famille en Ile de France.


(bulletin WD N° 258 080128)

Bulletin n°  258     :   1 - Déjeuner chez Yvan Roux - 2 - dîner d'amis - 3 - réveillon de Noël - 4 - repas d'après Noël


(bulletin WD N° 257 080121) Bulletin n°  257     :   1 - dîner au château de Fargues - 2 - dîner pour Bipin Desai au restaurant Laurent (bulletin WD N° 256 080111) Bulletin n°  256     :   1 - 93ème dîner de wine-dinners au restaurant de Patrick Pignol. - 2 - Dîner d’amis au restaurant l’Astrance. (bulletin WD N° 255 080104) Bulletin n°  255     :   1 - Deuxième journée du Grand Tasting,   - 2 - déjeuner avec ma fille,  - 3 - repas en famille avec Latour 1907.  - 4 - Septième séance de l’académie des vins anciens au restaurant Macéo.  

plus belles bouteilles de l’année mardi, 30 décembre 2008

Sur un forum, on demande quelles sont vos plus belles bouteilles de l'année. Voici ma réponse

Voici mes bouteilles de l'année par région ou type :
en champagnes : Dom Pérignon rosé 1978, Dom Pérignon 1962, Moët 1921, Dom Ruinart rosé 1961
en Bordeaux : Latour 1934, Margaux 1959, Petrus 1967
en Bourgogne : Nuits Cailles Morin 1915, La Tâche 1969 et Romanée Conti 1972 et 1981
en Rhône : La Mouline Guigal 1978
en Provence : Rimauresq rouge 1989
en blanc : Montrachet DRC 2005
en Alsace : Gewurz SGN Hugel 1934, Clos Sainte Hune VT 1989
en Loire : Vouvray Le Mont Demi-Sec domaine Huet 2002
en Jura : vin blanc d'Arlay Bourdy 1888
en Languedoc Roussillon : Rivesaltes vers 1890
en liquoreux : Yquem 1900, 1904 et 1959
en vins mutés : Chypre 1845

repas de Noël en famille mercredi, 24 décembre 2008

Le jour de Noël, tout le monde fourbit ses cadeaux et un faux Père Noël fait luire les yeux des enfants qui y croient encore. Sur des toasts au foie gras, un champagne Louis Roederer 1966 est assez exceptionnel. Il est fortement ambré, et sa maturité est beaucoup plus assumée que celle du Salon 1982. Plus naturelle, elle nous emporte vers des saveurs romantiques, très douces. La variété des saveurs est extrême.

Sur des coquilles Saint-Jacques crues au caviar de Russie, le Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1990 développe un parfum envoûtant. Le nez est d’une puissance rare. Avec mon fils, nous nous souvenons du 1986 bu en magnum tout récemment d’une perfection absolue. Celui-ci n’a pas l’immensité du 1986, mais on retrouve la grandeur de ce grand vin blanc. Puissant, fruité, avec une très longue trace en bouche et une palette de saveurs très large, c’est un vin qui se marie merveilleusement bien avec le plat.

Le Clos de la Roche Grand Cru Domaine Armand Rousseau 1999 est une nouveauté pour moi. J’ai eu envie d’essayer, même si ce vin est très jeune. Le nez est d’une subtilité rare. En bouche, on est conquis par la pureté d’un vin qui n’est pas extrêmement puissant, mais qui combine complexité et grâce. Mon gendre a cuit à peine des gambas qu’il a léchées d’un arôme de rose qui fait écho au vin, et le soupçon de cacao maigre élargit l’un des plus beaux vins jeunes que l’on puisse boire.

Le plat suivant est un pigeon farci au foie gras, émulsion de mogettes de Vendée. Le Vega Sicilia Unico 1941 a un nez puissant, lourd, torréfié. Le vin est noir et évoque le café. Mon gendre et mon fils sont ravis de ce vin qui me gêne un peu par sa lourde trace après celle gracile du Clos de la Roche. On reconnaît toutefois la solidité de ce vin espagnol qui évoque certains vins lourds du Rhône.

Ma femme ayant prévu un dessert et moi un vin, le mariage ne paraît pas possible aussi mon gendre essaie-t-il la crème au chocolat caramel sur le Vega Sicilia. Je n’essaie pas, car ça ne peut pas marcher, aussi ce dessert est-il une pause. Le Château Coutet Barsac 1934 avait un niveau bas. A l’ouverture, un nez d’orange confite m’avait rassuré. Nous buvons ce noir liquoreux, couleur café, sur des pamplemousses roses. On reconnaît bien sûr les attraits des sauternes, mais celui-ci, marqué d’un petit défaut métallique, ne me plaît pas plus que cela.

Nous avons plébiscité le Clos de la Roche Armand Rousseau comme plus grand vin suivi du Corton Charlemagne. Nous différons ensuite. Mon troisième est le Louis Roederer 1966 et le quatrième le Mont-Redon 1978. Beaux moments familiaux avec des vins variés de grand intérêt.

dégustation des 7 vins de 2005 de la Romanée Conti et dîner chez Parick Pignol mercredi, 17 décembre 2008

La société Grains Nobles organise chaque année une dégustation des vins de la Romanée Conti en la présence d’Aubert de Villaine, copropriétaire et gérant du prestigieux domaine. Michel Bettane et Bernard Burtschy sont à ses côtés. La dégustation se tient dans une belle cave voûtée du Paris historique et le propriétaire des lieux et de Grains Nobles nous dit que cette cave doit dater des 12ème et 13ème siècles. Aubert dit qu’elle pourrait faire une belle cave bourguignonne même si la forme ronde n’est pas la forme anse de panier de la cave bourguignonne.

Cette année, on goûte les 2005, année prestigieuse s’il en est. Aubert qui est très occupé par beaucoup de projets prenants s’est muni de ses fiches de 2006 et pour lui, 2005 est déjà du passé. N’ayant pas beaucoup de données précises sur le 2005 qu’il commentera verre en main, il en profite pour donner des nouvelles de 2008. Année difficile dans sa gestation au point que l’on se demandait si elle serait millésimée, elle a été sauvée le 13 septembre par l’apparition d’un vent du nord qui a soufflé pendant un mois, a effacé le botrytis et a accéléré le mûrissement. Les baies ont vu leur volume réduit de deux tiers ce qui a entraîné une baisse de rendement mais une belle maturité. La vendange fut de la « haute couture » avec un écrémage important. Le rendement est de 15 à18 hectolitres à l’hectare ce qui est bas. Ce qui a été choisi sera très beau. Les blancs n’ont pas connu les mêmes problèmes.

Aubert de Villaine tient un propos très fort : « on ne doit plus parler de petites et grandes années. Il y a des années différentes, avec de gros écarts de personnalité, mais il n’y a plus de petites années. »

Il ajoute une phrase qui ne peut que me réjouir car elle épouse ce que je ressens : « ce n’est que depuis 1985 que l’on a les moyens de faire des vins du calibre de ce qui se faisait dans le passé ». Et il parle du « génie des anciens ». Ce grand vigneron, à la pointe de la recherche dans tous les domaines de ce qui peut améliorer la qualité du vin, au lieu de se croire au sommet de l’histoire, se place dans la continuité de l’expérience des anciens qui ne possédaient pas la science actuelle. Cette sagesse me touche beaucoup.

Aubert évoque l’année 2005 que nous allons boire et dit que les raisins avaient un état sanitaire parfait. Sur les tables de tri les raisins étaient magnifiques avec une maturité très homogène, ce qui a entraîné de forts rendements. Il dit que le tri est un élément essentiel mais n’est pas la clef unique. Une autre clé, c’est le rendement raisonné. Il répétera de nombreuses fois que ce qu’il cherche, c’est d’arriver à une « finesse de maturité ». Il indique que la biodynamie aide maintenant à cette finesse de maturité et Michel remarque que le réchauffement climatique est, pour le moment, favorable au vin de Bourgogne.

Les 2005 ont été mis en bouteilles en 2007, en période de lune descendante.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2005 qui nous est servi est d’un rouge assez clair, légèrement trouble. Le nez est extrêmement riche et charnu, très expressif de poivre, cassis et framboise. En bouche on note la fraîcheur, le caractère vert, astringent et une touche de framboise.

Le Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2005 a un rouge pur, aussi légèrement clair. Le nez est un peu plus strict mais très profond et l’on sent du poivre. En bouche, il est plus rond, plus charmeur, plus complet. Il y a de l’astringence, une belle longueur et une belle trace. L’Echézeaux est plus frais quand le Grands-Echézeaux est plus long. Le Grands-Echézeaux est plus tendu, avec une forte densité des tannins. D’une belle pureté, on sent un grand potentiel de garde. Michel Bettane s’extasie et il reviendra pour plusieurs vins sur la qualité des bois neufs. Le final du Grands-Echézeaux est fait de beaux fruits. On peut aimer ces deux vins sans forcément les hiérarchiser, même si le second est plus noble.

Le Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2005 est d’un rouge de même nature que celui du précédent. Le nez est discret et de poivre. En bouche, c’est le cassis et la framboise qui s’imposent. Je trouve ce vin d’une grande structure et d’une forte trace en bouche. Je suis assez sensible à sa perfection.

Les vignes de ce vin sont plus vieilles de dix ans que celles du Grands Echézeaux, cinquante contre quarante en moyenne. Il est merveilleux à boire maintenant, pur, frais, joyeux, fruité, au beau final frais. Ce beau vin est d’une élégance rare.

Il forme un grand contraste avec le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2005 qui est d’un rouge plus sanguin, d’un nez plus arrondi et plus cohérent mais qui en bouche fait strict, militaire. Il y a une force énorme dans ce vin qui est beaucoup moins prêt à boire que le Romanée Saint-Vivant. Michel parle de classicisme dans la densité. Ce vin solide plus minéral doit attendre. Il sera grand.

La Tâche, Domaine de la Romanée Conti 2005 est d’un très beau rouge sombre. Le nez est très fin, complexe. Il y a du poivre, mais c’est un parfum quasi indéfinissable. L’attaque en bouche est spectaculaire. Le final est d’une race extrême. Ce vin est un vrai raffinement. Il provient de très vieilles vignes. Là aussi, c’est un vin qui devra attendre avant d’être bu. Aubert signale qu’il est dans une période fermée et qu’il s’ouvrira bientôt. Il dit qu’il aime boire les vins jeunes.

La Tâche a de l’astringence, du poivre, un côté minéral. Michel recommence à s’extasier sur la qualité du boisé. Son final est assez impressionnant mais je dois dire que je préfère aujourd’hui le Romanée Saint-Vivant qui est infiniment plus charmeur que ces deux vins fermés et prometteurs.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2005 qui nous est servie est un privilège extrême. Un peu plus de 5.500 bouteilles ont été faites. Ce vin est le plus cher de la planète. On ne peut pas ne pas ressentir la rareté de cet instant. La couleur est celle de La Tâche. Le nez est discret. L’attaque est délicieuse de fruits roses. Aubert nous dit que le secret de la Romanée-Conti, en général, c’est son côté légèrement vert. Il a un goût de pétale de rose, qui passe par la phase poivron vert.

En goûtant, je constate effectivement que le final est vert. Le vin claque. Il se caractérise par la finesse et la fraîcheur. Il est élégant et a aussi du corps. Le nez devient parfumé et très riche avec des accents de feuille de cassis. Il est très envoûtant. On sent que c’est un vin spécial. Il y a du rouge et du vert, du fruit et de la feuille. La verdeur signalée par Aubert est là. La fraîcheur impressionne.

La dernière gorgée est très intense, car je me demande si ce vin que j’ai dans ma cave, je le goûterai à nouveau de mon vivant.

Une surprise nous était réservée car le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2005 annoncé n’était pas inscrit sur nos feuilles de dégustation. Or il arrive dans sa splendeur. Aubert nous dit qu’il y a deux types de Montrachet. Ceux des années à botrytis, opulents mais de durée de vie assez faible, et ceux qui ont été épargnés par le botrytis, moins riches et plus minéraux, qui sont des vins de longue garde. Le 2005 est de la deuxième catégorie. Le nez est magique, incroyablement fort, minéral et riche. En bouche, il est minéral, tendu, pur, noble. Il a un fort picotement de poivre. Aubert dit qu’il a encore des ferments. Il rappelle qu’à la vendange, on cherche à recueillir les grains à maturité extrême. Michel s’extasie de son élégante fraîcheur sans une once de lourdeur.

Aubert signale qu’à l’aveugle total, c'est-à-dire sans voir le verre, presque personne ne sait reconnaître qu’il s’agit d’un vin blanc. Michel dit qu’aucun autre Montrachet n’arrive au niveau de celui-ci. Sa fraîcheur est invraisemblable et j’avoue que je suis totalement conquis. On est pour moi au septième ciel.

Il est assez difficile de procéder à un classement à ce stade de la vie des vins, mais je trouve que le Montrachet est à mon goût largement au dessus des rouges. Ensuite, je pense que moins les vins sont gradés et meilleurs ils sont à ce stade de leur vie. Aussi, sans préjuger de leur qualité intrinsèque ni de ce qu’ils seront quand on pourra les boire, mon classement est : Montrachet / Romanée Saint-Vivant / Romanée Conti / La Tâche / Grands Echézeaux / Echézeaux / Richebourg. Ce classement ne préjuge en rien de ce qu’il sera plus tard. J’ai eu plus de sympathie pour les vins les moins gradés, car plus ils sont grands, moins ils sont prêts à boire. Le nez le plus beau était celui du premier car il y avait l’effet de surprise d’entrer dans ce monde divin des vins du Domaine de la Romanée Conti.

Grains Nobles nous a fait bénéficier d’une occasion unique de boire ces vins côte-à-côte, car quand on boit au domaine les vins en fût, on passe d’un fût à l’autre, sans jamais avoir les sept vins ensemble. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Un ami fidèle qui assiste à la réunion me dit : « allons dîner ensemble ». J’ai un programme chargé aussi, alors que je ne sais jamais dire non, je décline. Puis je me souviens que je devais livrer une bouteille au restaurant de Patrick Pignol pour un futur déjeuner où je vais ouvrir Lafite 1900, déjà livré. J’appelle le restaurant pour porter la bouteille et je hasarde : « auriez-vous quelque chose à grignoter ? ». On me répond oui, aussi immédiatement j’appelle mon ami déjà sur la route en lui disant : « veux-tu m’y rejoindre ? ». Il acquiesce.

Arrivé avant lui je raconte à Nicolas, le fidèle sommelier, ce que nous venons de boire. Le fait d’avoir fini sur le Montrachet à la trace indélébile impose un vin fort. Il me propose un Condrieu. Je n’ai pas envie et je jette mon dévolu sur un Corton Charlemagne Jean-François Coche-Dury 2003. Nicolas me dit que c’est un peu jeune, ce qui sera l’avis de mon ami. Mais ayant bu sept vins de 2005, j’estime qu’il vaut mieux rester sur une jeunesse typée. Pour gagner du temps, et comme il est tard, je commande le menu pour nous deux : cuisses de grenouilles façon meunière, échalotes grises, cresson de fontaine, dentelles de sésame et la côte de veau, saveur première et la cueillette du moment.

Il est certain qu’avec le goût en bouche du Montrachet, ça n’aide pas le Corton Charlemagne. Mais le palais s’habitue vite à un vin très riche, fruité, varié, salin et minéral. Je vois en lui une myriade d’évocations de fruits jaunes, et un final très pur. Sa jeunesse ne me déplait pas après ce que nous avons vécu. Les deux plats trop copieux à cette heure tardive sont parfaitement adaptés. C’est un grand Corton Charlemagne, mais il n’aurait pas fallu le boire après la perfection insolente du Montrachet 2005 de la Romanée Conti.

Grains Nobles est la seule structure française où Aubert de Villaine accepte de présenter ses vins. Nous avons vécu un moment d’une grande rareté.

8ème dîner des amis de Bipin Desai avec 11 vignerons au restaurant Laurent mercredi, 10 décembre 2008

Pour la huitième année consécutive, je suis chargé d’organiser ce qu’il est convenu d’appeler le « dîner des amis de Bipin Desai », grand collectionneur et amateur américain, au savoir inégalable, qui réalise d’immenses dégustations verticales des plus grands vins de la planète. C’est l’occasion pour moi de convier des grands vignerons qui sont le plus souvent des amis. Ceux, rares, qui ne l’étaient pas, le sont devenus ce soir. Le dîner se tient au restaurant Laurent dont la capacité de réaction est légendaire.

Chaque vigneron a apporté un de ses vins, le plus souvent en magnum, et des habitués qui ne pouvaient venir se sont fait représenter par une bouteille. Didier Depond des champagnes Salon-Delamotte et Jean Hugel m’ont envoyé des vins, aussi quand Aubert de Villaine empêché m’a proposé d’en envoyer un je lui ai dit que nous étions en excès d’apports, ce qui est d’une grande abnégation car bien évidemment la présence d’un vin du domaine de la Romanée Conti m’eût comblé de joie.

Bipin Desai m’avait demandé quelque temps après de prévoir une place pour un grand commissaire priseur américain, spécialiste du vin, aussi, pour que nous ne soyons pas treize à table, j’ai rappelé un vigneron à qui j’avais dit non. La veille du dîner Bipin me prévient que son ami américain ne vient pas et me demande de convier un vigneron bordelais. La veille pour le lendemain, c’est mission impossible aussi est-ce mon fils qui fera office de quatorzième.

Pour citer les présents, je les nommerai dans l’ordre de leurs places à table, dans le sens contraire des aiguilles d’une montre : Bipin Desai, Anne Claude Leflaive du domaine Leflaive, Richard Geoffroy du champagne Dom Pérignon, Jean Charles de la Morinière du domaine Bonneau du Martray, Frédéric Audouze mon fils, Etienne de Montille du domaine de Montille, Pierre-Henry Gagey de la maison Jadot, François Audouze, Florence Cathiard du château Smith-Haut-Lafitte, Jean Nicolas Méo du domaine Méo-Camuzet, Olivier Bernard du Domaine de Chevalier, Sylvain Pitiot du Clos de Tart,  Olivier Krug des champagnes Krug et Jean Pierre Perrin du Château de Beaucastel, voisin de gauche de Bipin Desai. La boucle est bouclée.

Au début de l’après-midi Bipin m’appelle pour me dire que son train venant de Toulouse et qu’il prend à Bordeaux, aura une demi-heure de retard. Je préviens par mail les convives mais ils sont tous partis de leur province. Alors qu’ils sont déjà arrivés au restaurant, Bipin me prévient qu’il est à la gare Montparnasse dans une file d’attente interminable, en quête de taxis qui sont rares. C’est l’occasion pour les présents de bavarder en l’attendant et de trinquer sur le Champagne Dom Pérignon rosé en magnum 1978.

J’avais été prévenu par Philippe Bourguignon qu’à part notre table, le restaurant était réservé par Jean Réno qui recevait ce soir la légion d’honneur de Nicolas Sarkozy. Pendant que nous bavardons dans le hall d’entrée nous pouvons voir arriver des personnes connues qui font normalement hurler d’hystérie leurs groupies. On pouvait s’attendre à un certain tumulte pendant la soirée. Il n’en fut rien.

Le champagne rosé dégorgé en 2003 est d’une couleur d’un rose de rose rose. C’est un rose que l’on montrerait volontiers comme la définition de la couleur rose. Dès la première gorgée, je suis conquis. N’étant pas naturellement un fan des champagnes rosés, je suis pris par le charme de ce champagne expressif, dont la première des qualités est d’être précis. Il est dessiné avec précision et laisse en bouche une trace profonde. C’est un champagne d’un charme rare et Geoffroy dira plusieurs fois : « c’est le pinot noir », comme le médecin de Molière disait : « le poumon ».

Nous passons à table à 21 heures sans Bipin qui nous rejoindra à la fin des amuse-bouche. Les rouelles de pied de porc et pomme de terre truffée absolument délicieuses sont à mon sens des amis des champagnes blancs. J’en avais fait la remarque à Philippe Bourguignon, et je voulais changer la place du Dom Pérignon rosé dans notre menu. Mais il eût fallu un plat de plus aussi avons-nous gardé cet ordre. La cohabitation du rosé avec le porc est possible mais limitée et on le mesure encore plus lorsque l’huître en gelée arrive. Elle fait briller le champagne rosé de façon admirable. Il gagne en longueur, en tension, et fouette la langue admirablement.

Sur la royale d’oursins dans un cappuccino, d’une douceur combinée à une sauvage trace iodée, nous avons deux champagnes. Le Champagne  Salon 1990 cadeau de Didier Depond non présent est un champagne puissant, extrêmement vineux. Mais il a un petit peu de mal à trouver sa place entre le rosé et le Champagne Krug 1979 en magnum. Le Krug est riche, au fruit large, à l’ampleur confortable. Le Salon fait un peu coincé à côté de lui mais ce que l’on remarque, c’est qu’aucun des deux ne diminue l’autre. Ils ont leur place. Le Krug est à peine moins vibrant que d’autres Krug 1979 que j’ai bus.

Sur un filet épais de turbot au naturel, les bardes enveloppées de laitue de mer et cuites vapeur, hollandaise au vinaigre de riz le Corton Charlemagne Bonneau du Martray en magnum 1986 me souffle immédiatement un mot : « parfait ». Tout en ce vin donne l’image de la perfection. Il est riche, charnu, profond, mais c’est sa présence indestructible qui impressionne. On le sent quasi éternel. A côté de lui, le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive en magnum 1992 servi un peu trop frais a du mal à trouver sa voie. On sent qu’il est désavantagé d’être en parallèle avec le Corton Charlemagne. Anne Claude Leflaive en est marrie. Quand on fait abstraction de l’environnement, on retrouve le charme de ce grand vin expressif. Mais l’occasion est un  peu manquée. Il eût fallu que le Chevalier Montrachet soit seul sur un plat pour qu’il délivre la pureté qu’il a en lui, car c’est un grand vin de belle plénitude.

Richard Geoffroy demande quelle serait la représentation architecturale et spatiale du Corton-Charlemagne. Je lance l’idée de l’Arc de Triomphe, ce qui contrarie certains car ils y voient un côté massif. J’y vois plutôt le côté solide et structuré qui montre la résistance au temps. Si l’on veut une autre image, je risquerais le Pont Neuf, le plus ancien pont de Paris, bâti pour l’éternité.

C’est encore sur deux vins que l’on goûte les croustilles de ris d’agneau et tapenade de champignons. Lorsque je suis servi du Domaine de Chevalier rouge 1928 j’hésite. Car le parfum de framboise est si fort que l’on attendrait cela d’un vieux bourgogne. Pourrait-il s’agir du 1961 que Daniel, sommelier qui officie souvent avec moi, aurait confondu ? Non, car le Château Smith Haut Lafitte en magnum 1961 servi juste après est la définition la plus pure de 1961. Olivier Bernard dit que son vin avait son bouchon d’origine. Force est de reconnaître que ce 1928 puissant et chaleureux échappe à l’image des 1928 bordelais que j’ai bus. Son charme fruité est étonnant et de grand plaisir. A l’inverse, le 1961 est totalement au centre de la cible. C’est un vin d’un charme énorme et qui respire à pleins poumons ce que 1961 doit être, c'est-à-dire au sommet. J’ai dit à Florence Cathiard manifestement heureuse de la prestation de son vin qu’il a l’aisance dans le charme d’un George Clooney.

Etienne de Montille est arrivé avec son Volnay Taillepieds Domaine de Montille en magnum 1976 qu’il avait débouché puis rebouché. Tel qu’il se présente sur la poitrine de pigeon rôtie en cocotte, pommes soufflées Laurent, il est absolument merveilleux et me plait beaucoup par son discours facile, simple, qui n’en dit pas trop. A côté de lui, le Clos de Tart en magnum 1988 offre un alcool un peu visible et n’est pas au mieux de sa forme, ce dont Sylvain Pitiot convient. Je remarque alors, et c’est intéressant, que notre table étant assez longue, une moitié de table préfère généralement le vin du vigneron assis de son côté. Aussi les jugements à ma gauche et à ma droite ne sont pas les mêmes. J’ai aimé le Volnay pour le travail qui correspond à la personnalité d’Hubert de Montille. Le caractère un peu bridé du Clos de Tart ne correspond pas à l’excellente rénovation que Sylvain Pitiot a donnée depuis à ce grand vin.

Le Vosne Romanée Cros Parantoux Domaine Méo Camuzet 1991 est du premier millésime que le jeune Jean Nicolas Méo a fait. Il est d’un style très opposé au Musigny Grand Cru Louis Jadot en magnum 1985. Les deux vins cohabitent sur des ravioles d’abattis de pigeon et foie gras de canard dans un consommé truffé. Le bouillon met en valeur le Musigny, très précis, très subtil, qui n’est pas affecté d’être associé sur le plat avec le généreux et puissant Vosne Romanée. Les deux vins, dont aucun ne fait de l’ombre à l’autre, sont, chacun dans son registre, de grands bourgognes, de deux années qui expriment bien leur personnalité.

Si je m’étais fait à l’avance une idée sur chacun des vins de Bourgogne, qui ne fut pas contredite par la réalité, je n’avais aucun repère pour le Château de Beaucastel Chateauneuf du Pape en magnum 1970 qui, lui aussi, est le premier millésime fait par Jean Pierre Perrin. Je suis totalement bluffé. Car jamais je n’aurais imaginé une telle présence d’un vin serein, apparemment simple mais à la complexité subtile. L’équilibre et la sérénité sont impressionnants. Sur le filet de chevreuil relevé au poivre de Sarawak, betteraves jaunes caramélisées au coing, millefeuille de pomme gaufrette au chou rouge, le vin qui jouit d’être seul sur scène est impérial. Il me ravit.

Daniel Cathiard, qui présentait ses vins non loin du restaurant, vient nous rejoindre pour la fin du repas. Il a pu profiter de la suite de la dégustation.

 N’étant pas vigneron, j’ai puisé dans les vins que j’aime. On ne s’étonnera pas qu’il s’agisse d’un Château Chalon Jean Bourdy 1928 qui se présente, ô surprise, sur un Comté de 18 mois. Beaucoup d’amis vignerons sont ravis de goûter ce vin qui figure rarement sur leurs tables. Ce 1928 est diaboliquement bon depuis ses effluves intenses jusqu’à son final glorieux après un passage en bouche sensuel et généreux. Ce vin à l’équilibre immense que seul l’âge peut donner ne marque pas du tout la bouche qui reste fraîche même si elle en garde la mémoire.

Jean Hugel non présent a curieusement offert un vin très jeune, le plus jeune, un Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Hugel 2005. L’accord sur le craquelin à la framboise et aux litchis est diabolique. C’est Satan qui mène le bal. On meurt de bonheur quand le litchi du vin embrasse le litchi du dessert. Très sucré mais aussi très frais ce vin se boit bien même si l’on imagine la perfection qu’il atteindra dans quelques années.

Je prends la parole pour expliquer la présence de l’autre vin que j’ai apporté. Dans un récent bulletin, la photo de la première page était celle de cette bouteille et j’avais écrit : comme ce vin à 150 ans cette année, il faudrait le boire avant la fin de 2008. Quelle plus belle occasion pourrait exister que de boire ce Pajarette Arneaud 1858 avec des vignerons que j’apprécie ? Lorsque j’ai ouvert la bouteille avant le repas, j’aurais pu succomber de bonheur devant la richesse des arômes. Le parfum de ce vin est d’une force inégalable. En bouche, le vin est fort comme un muscat et ses évocations sont le poivre et le pamplemousse. Anne-Claude Leflaive dit et insiste qu’il s’agit de pépins de pamplemousse et elle a raison. Délicieux, frais, à la trace en bouche indélébile, ce vin dont le goût est inconnu de tous les vignerons présents est strictement au centre de ma recherche. C’est mon Graal, choisi pour plaire à mes amis.

Bipin Desai fait un discours dans lequel il remercie chacun. Il est évidemment ravi d’être honoré de cette belle façon. Dans ces dîners où des vignerons sont présents il n’est pas question de voter. Mais comme ce dîner a été fait à la façon de mes dîners et comme il portera le numéro 109, je vais quand même faire mon vote, dont on sait qu’il ne correspond qu’à mon goût, sans aucune prétention d’universalité.

Le premier sera le Pajarette 1858 parce qu’il est parfait, au centre de mes souhaits et parce que sa place dans l’histoire est porteuse d’une grande émotion. Je mettrai ensuite le Corton-Charlemagne parce qu’il m’a donné un sentiment de perfection tenace. Viendra ensuite le Beaucastel 1970 totalement inédit pour moi. Choisir ensuite devient plus dur, car j’ai adoré le Dom Pérignon rosé, l’image de conformité du 1961 du Smith Haut Lafitte, le charme du Volnay et la richesse du Vosne Romanée.

Comme il faut se décider, mon vote sera : 1 - Pajarette Arneaud 1858, 2 - Corton Charlemagne Bonneau du Martray en magnum 1986, 3 - Château de Beaucastel Chateauneuf du Pape en magnum 1970, 4 - Château Smith Haut Lafitte en magnum 1961, 5 – Champagne Dom Pérignon rosé en magnum 1978, 6 - Vosne Romanée Cros Parantoux Domaine Méo Camuzet 1991. 

Chacun des vins était très grand et de plus il avait été choisi pour des raisons où l’émotion n’est pas absente. La palme de l’accord, à mon goût, c’est le litchi et le Gewurztraminer, suivi du classique mariage Comté et Château Chalon, le 1928 ayant une rondeur et une personnalité apaisante de bonheur.

Le service fut parfait, toute l’équipe de Laurent étant ravie de retrouver tous ces grands vignerons qu’ils connaissent. Daniel a fait un travail de sommellerie parfait. Rires et communion ont caractérisé notre assemblée. Chacun de nous savait qu’il vivait un grand moment d’amitié. J’ai encore les yeux qui brillent en finissant ce compte-rendu.

Dîner de vignerons au restaurant Laurent – les vins mercredi, 10 décembre 2008

Les vins sont annoncés avec le nom de celui qui l'a ofert.

Champagne Dom Pérignon rosé en magnum 1978 (Richard Geoffroy)

Champagne Salon 1990 (Didier Depond non présent)

Champagne Krug 1979 (Olivier Krug)

Corton Charlemagne Bonneau du Martray en magnum 1986 (Jean Charles de la Morinière) (j'ai tourné la bouteille pour qu'on voit le "1,5 l")

Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1992 (Anne Claude Leflaive)

Château Smith Haut Lafitte en magnum 1961 (Florence Cathiard) (la bouteille, à l'étiquette illisible, n'a pas été photographiée)

Domaine de Chevalier rouge 1928 (Olivier Bernard)

Volnay Taillepieds Domaine de Montille en magnum 1976 (Etienne de Montille) (pas de photo, bouteille sans étiquette)

Clos de Tart en magnum 1988 (Sylvain Pitiot)

Vosne Romanée Cros Parantoux Domaine Méo Camuzet 1991 (Jean Nicolas Méo)

Musigny Grand Cru Louis Jadot en magnum 1985 (Pierre-Henry Gagey)

Château de Beaucastel Chateauneuf du Pape en magnum 1970 (Jean Pierre Perrin) (pas de photo, bouteille sans étiquette)

(photo prise dans ma cave)

Château Chalon Jean Bourdy 1928 (François Audouze)

Gewurztraminer SGN Jean Hugel 2005 (Jean Hugel non présent)

Pajarette Arneaud 1858 (François Audouze)

107ème dîner de wine-dinners au restaurant Le Divellec jeudi, 4 décembre 2008

Le 107ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant de Jacques Le Divellec. Ce grand chef qui a tout vu et tout connu est d’une folle jeunesse et d’un grand enthousiasme. Avec son équipe, il vit ces dîners comme de nouvelles aventures. Son amicale implication est rafraîchissante et plaisante.

Lorsque j’arrive vers 16h30, Olivier a déjà mis toutes les bouteilles en place pour la photo de groupe. Lorsque j’avais emballé les bouteilles dans ma cave pour les livrer au restaurant une semaine à l’avance, j’avais remarqué la sale couleur du Puligny 1955. Convaincu que le vin serait mort, j’avais pris un Chassagne de substitution. En ouvrant le Puligny, il ne fait aucun doute que le vin est mort, avec des odeurs d’entrailles de gibier et une sensation de suint. Habitué aux miracles, mais sans illusion, j’indique à Olivier que je goûterai le vin au moment du service afin de voir si l’on peut le faire essayer aux convives pour qu’ils apprennent ce qu’est un vin mort.

Mis à part le bouchon du Léoville-las-Cases 1945 qui s’est brisé en mille morceaux, je n’ai eu que peu de difficultés avec les bouchons, sauf avec celui de l’Hermitage 1978 qui m’a donné du fil à retordre. Au lieu de glisser dans le goulot, il a hoqueté son trajet, exactement comme les pneus d’une voiture qui a bloqué les roues lors d’un fort freinage. Les pneus ne glissent pas mais tressautent en fortes secousses. L’accouchement de ce bouchon ressemble à ces soubresauts.

C’est une entreprise qui m’a demandé de faire le dîner de ce soir, l’état-major de Chicago de Londres et de Paris recevant des clients potentiels parisiens. Nous sommes dix et la seule femme souriante vient des rives du lac Michigan. Le menu composé par Jacques Le Divellec est le suivant : Mousse d’avocat aux grains noirs et tapas maquereau à l’oignon rouge confit / Carpaccio de barbue au caviar / Huîtres Prat-Ar-Coum frémies au champagne / Saint-Jacques en cassolette aux truffes d’hiver / Bar braisé au Saint-Emilion, os à moelle rôti, céleri poêlé aux herbes / Brochette de ris de veau aux lentilles vertes, réduction de bouillon de poule / Râble de lièvre à la royale, purée aux truffes / Mangue caramélisée, amandes grillées.

La circulation ayant empêché les invitants d’être là à l’heure, les premiers arrivés patientent avec un champagne Taittinger non millésimé qu’Olivier ouvre pour nous. Assez aqueux, d’une largeur d’esprit érémitique, le champagne permet d’attendre patiemment. Après des mots de bienvenue nous passons à table. Il y a parmi les convives quelques grands amateurs, formés qui au champagne, qui au vin de Bourgogne.

Le Champagne Dom Pérignon 1993 a de belles évocations romantiques de fruits blancs et une longueur qui marque un saut qualitatif par rapport au champagne « d’attente ». La mousse d’avocat au caviar n’excite par le champagne, alors que le maquereau le fait vibrer. L’accord divin se forme avec le succulent carpaccio de barbue qui crée une continuité gustative avec le champagne qui est saisissante. La chair est belle et sa texture est parfaite. Seule, elle caresse le Dom Pérignon dans le sens de ses fruits blancs. Le caviar n’ajoute rien à l’accord et la petite crème rend le champagne plus doucereux mais plus court. Sur la chair seule, l’accord est éblouissant.

Le Champagne Krug 1988 ne connaîtra pas le même sort, car le sabayon qui recouvre l’huître fort iodée est salé, et l’épinard assèche un peu le très beau champagne qui, dans des notes de fruits jaunes, est d’une complexité généreuse. Très long, quasi inextinguible, il sera passé à côté de la belle huître.

Olivier me sert maintenant le Puligny-Montrachet de Moucheron Tasteviné 1955. Je n’ai aucune illusion du fait de la couleur. Je sens, je goûte et à ma grande surprise, tout aspect giboyeux a disparu. Le vin a une belle acidité de fin de bouche, ce qui est étonnant. Je n’ai aucune envie de défendre ce vin, car il n’a plus rien à voir avec un Puligny, mais il faut comprendre qu’il serait buvable agréablement si l’on accepte cette déviation. Chacun a pu goûter sans faire de grimace ce vin qui a eu l’honneur de votes, ce qui n’a pas laissé de me surprendre.

Les coquilles Saint-Jacques aux abondantes truffes voisinent avec deux vins dissemblables, l’un de Bourgogne, l’autre de Bordeaux. Le Chassagne-Montrachet Morgeot Domaine Ramonet 1994 est d’une belle complexité. Chatoyant, polymorphe, ce vin s’adapte bien à la coquille, alors que l’ « Y » d'Yquem 1988, opulent, tutoyant les saveurs sucrées d’un Yquem, accapare les larges copeaux de truffe pour les apprivoiser.

Mes dîners n’ont généralement pas de thèmes mais ce soir, je voulais explorer trois grandes années de bordeaux de la décennie quarante. Sur le bar à la belle sauce épaisse, cohabitent les deux Saint-Emilion. Tout le monde est subjugué par la couleur invraisemblable des deux vins, d’un rubis sang de pigeon d’une jeunesse folle. Le Château Laroze Saint-Emilion 1947 est un symbole absolu de la perfection. Un convive dit qu’il n’a jamais bu un vin d’une telle perfection, plein en bouche et de longueur infinie. Je donne l’image qui me vient souvent, celle du Rubik’s Cube quand il est enfin résolu. Le Château Trottevieille Saint-Emilion 1943 a quelques infimes traces d’âge qui vont se corriger avec la crème anti-ride que représente le temps dans le verre. En passant d’un vin à l’autre, on prend conscience que ces deux vins représentent « la » définition wikipédiesque du goût du saint-émilion. Et l’on mesure la pertinence de l’accord de ces deux vins avec le poisson délicieux, peut-être cuit trois secondes de trop, délicieusement accompagné par l’os à moelle et le céleri.

Le Château Léoville-Las-Cases Saint-Julien 1945 affiche une couleur aussi vivace que les deux précédents avec peut-être une infime trace d’orangé sur le beau rubis birman. Le goût du vin est aussi jeune que celui des deux précédents avec peut-être une plus grande rondeur, liée à la différence des terroirs de deux rives opposées de la Gironde. L’accord avec le ris de veau est naturel, mais n’a pas l’intensité de celui du bar avec les deux saint-émilion. Pendant que mes convives s’émerveillent de ces trois vins, je ne peux m’empêcher de mesurer la chance d’avoir eu trois vins aussi parfaits de cette décennie. Est-ce l’histoire des bouteilles, la qualité de ma cave et peut-être aussi la méthode d’ouverture généreuse en oxygène salvateur qui expliquent la réussite de ces vins ?

Le lièvre à la royale est absolument charnel. Le goût est d’une richesse rare, sans avoir la lourdeur souvent attachée à ce plat. C’est lui qui va tenir le grand rôle devant deux beaux vins. Le Chambertin Clos de Bèze Domaine Armand Rousseau 1982 a un nez envoûtant de grand bourgogne. On reconnaît tout ce qui fait le charme des grands vins de cette région, avec une virilité marquée par un charme interlope et canaille. Mais c’est curieux, je bois ce vin comme lorsque je revois pour la centième fois « Chantons sous la pluie ». Le vin absolument précis est totalement conforme à mes attentes et me donne un goût de « déjà vu » (en anglais dans le texte). Le charme est là, largement attendu. Alors qu’au contraire l’Hermitage L. de Vallouit 1978, d’une bouteille banale à qui l’on donnerait trois francs six sous, délivre un message d’une chaleur rare. Il y a le message des grands vins du Rhône, fait d’une apparente facilité comme le geste du joueur de pétanque avant qu’il ne fasse un carreau. Mais derrière cette apparente facilité il délivre une  complexité chaleureuse, d’un charme rassurant.

Le repas, qui avait commencé sur un accord vibrant entre la barbue crue et le Dom Pérignon boucle sa boucle sur un accord époustouflant, celui du Château de Fargues Lur Saluces Sauternes 1989 avec la mangue. Ce sauternes a un peu « mangé son sucre », prenant des tendances de thé, avec des fruits fumés. Il est cuivré et assez sec. L’accord est déterminé par le glaçage qui marque subtilement la mangue. La continuité gustative est spectaculaire. Si l’on devait évoquer la jeunesse relative des vins, il parait évident que le Laroze 1947 est beaucoup plus jeune que le Fargues 1989. Car le Fargues a pris un train de sénateur, a épousseté son botrytis pour s’accoupler à la mangue. Mais son charme est là.

Alors que nous étions passés à table, un homme était arrivé et nous avait salués. C’est un ami canadien vivant aux Etats-Unis, qui a assisté à cinq de mes dîners dont un des plus grands à Yquem. Il avait dit trois ou quatre mots flatteurs et voici que quittant le restaurant, il se penche vers notre assemblée. Il harangue mes hôtes et jette tant de fleurs en brassées sur notre table que je tente de corriger : « vous savez, c’est un coup monté. Je lui ai demandé de dire cela en fin de repas ».

Il est temps de passer aux votes. L’un des convives a dû hélas s’éclipser car sa société, l’un des phares du CAC 40, subit les soubresauts de la politique internationale. Et le globe terrestre n’a pas isolé le fuseau horaire de notre dîner. Nous ne sommes que neuf à voter pour onze vins. Jamais je n’aurais parié que onze vins sur onze figureraient dans les quartés des votants. C’est un de mes plaisirs de constater que chacun de mes vins trouve un écho auprès d’au moins un convive. Que le Puligny soit inclus dépasse mon entendement.

Le château Laroze 1947 obtient cinq votes de premier et quatre vins obtiennent un vote de premier, le « Y » d’Yquem, le Chassagne-Montrachet 1994, le Trottevieille 1943 et le Fargues 1989. Le vote du consensus serait : 1 - Château Laroze Saint-Emilion 1947, 2 - Château de Fargues Lur Saluces Sauternes 1989, 3 - Chassagne-Montrachet Morgeot Domaine Ramonet 1994, 4 – « Y » d'Yquem 1988.

Mon vote : 1 - Château Laroze Saint-Emilion 1947, 2 - Hermitage L. de Vallouit 1978, 3 - Château Léoville-Las-Cases Saint-Julien 1945, 4 - Champagne Krug 1988.

Après les votes, notre américaine avoua qu’elle avait voté pour le Puligny par sympathie, trouvant que je l’avais trop éreinté alors qu’il était encore vivant.

Le plus beau plat est le lièvre à la royale, suivi de la barbue en carpaccio. Les deux accords de magie sont celui de la barbue avec le Dom Pérignon et de la mangue avec le Fargues. L’ambiance fut chaleureuse, chacun mesurant l’ouverture sur un monde inconnu de beaucoup, celui des vins anciens. Alors que le restaurant de Jacques Le Divellec fourmillait de repas dont le thème était la gastronomie, c’est au dessus de notre table qu’un petit nuage de perfection s’était installé, sans risque qu’un vent mauvais ne le chasse de notre aplomb.

Alors que Paris était déjà bien endormi, Jacques Le Divellec veillait encore et recueillit nos compliments. Grâce à trois bordeaux légendaires, à un service attentif et au talent d’un grand chef, nous avons vécu un repas mémorable.