dîner wine-dinners du 19 février – vins – photos jeudi, 19 février 2009

Champagne Dom Pérignon Œnothèque en magnum 1990 (photo des deux champagnes sur fond d'ardoise)

Vouvray sec Caves Prunier 1959

Chassagne Montrachet Moillard Grivot (Tasteviné en 1951) 1947

Chablis 1er Cru Fourchaume Joseph Drouhin 1962 (en sécurité)

Château Pontet Grand Cru Saint-Emilion 1955

Château Tertre Daugay Saint-Emilion 1955 (en sécurité)

Cos Labory Saint-Estèphe 1928

Moulin à Vent Chanson Père et Fils 1945

Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée Conti 1983

Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1969

Château d'Yquem 1966

112ème dîner de wine-dinners au restaurant Astrance jeudi, 19 février 2009

Le 112ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Astrance. J’arrive un peu avant 17 heures pour ouvrir les bouteilles. Il faudrait que je m’applique à noter plus de détails sur cette opération cruciale. Pour m’échauffer, car la qualité superbe des bouchons devrait me faire démarrer par une ouverture facile, je choisis en premier l’Yquem 1966. Mais, oh surprise, le bouchon s’émiette en mille morceaux, ce qui est étonnant. L’odeur du vin est sensuelle et explose de mangue. C’est un modèle absolu de la perfection du parfum d’Yquem. J’ouvre ensuite La Tâche 1983. Avec autant d’imprévu que dans un film de John Wayne, le haut du bouchon sent une fois de plus avec une forte intensité la terre de la cave du domaine de la Romanée Conti. Le bouchon est superbe, sain, de grande qualité. Le nez du vin a l’émotion des vins du Domaine. La capsule du Pontet 1955 est plusieurs fois trouée et quand je l’enlève je constate que le bouchon a baissé d’un bon centimètre. Comment ne pas l’enfoncer dans le vin ? Archimède disait : « donnez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde ». Il me fallait pouvoir piquer dans le bouchon sans le pousser. J’y suis arrivé. Le bouchon est un peu sec sur la partie supérieure et bien souple sur le reste. Le niveau est à mi-épaule. L’odeur est saine. Le bouchon du Cos Labory est de la charpie. L’odeur est saine, aussi n’ai-je pas besoin d’ouvrir le bordeaux de réserve. Le bouchon du Moulin à Vent 1945 est une petite merveille. Parfaitement sain et souple il est venu en une fois, entier. J’admire sa qualité. Il pourrait être une leçon pour des appellations plus prestigieuses.

Le Vouvray sec 1959 a de la cire, cassée sur le dessus par un croisillon métallique comme on en trouve pour les pétillants. Mais ce croisillon n’a pas pour mission de retenir le bouchon. C’est de la décoration. Le bouchon se brise en mille morceaux et montre sa texture particulièrement déplorable. Le Chassagne-Montrachet 1947 et le Chablis 1962 ont des bouchons conformes à ce que je pouvais attendre. Le Chablis a été ajouté car les couleurs des deux autres blancs suggèrent une forte madérisation. Son odeur est engageante.

La taille maximale d’une table étant de huit, nous sommes huit, dont trois vignerons, l’un de champagne, un autre de Bordeaux et le troisième de Bourgogne. Il n’est pas prévu que l’on boive les vins des vignerons sauf pour les champagnes, car il est difficile de faire boire à un champenois autre chose que son enfant. Nous sommes entre hommes, la table étant complétée par des habitués amateurs de vins anciens.

Le menu de Pascal Barbot est fondé sur les produits du moment : Brioche tiède, beurre à la truffe noire, copeaux de poire / Cappuccino de champignons, fondue de parmesan / Coquille Saint Jacques dorée, poudre de cèpe et pomme / Sole meunière, épinard et pâte de citron jaune, noisette grillée / Agneau grillé, aubergine laquée au miso, jus de cuisson / Pigeon cuit au sautoir, fondue d’oignon très légèrement épicée / Fricassée d’abat de canard / Mangue caramélisée et madeleines.

Le Champagne Dom Pérignon Œnothèque en magnum 1990 se présente dans un flacon d’une rare élégance. Le nez du premier versement est extrêmement minéral. Le vin est d’une grande personnalité. Comme nous le découvrons sans nourriture, nous sentons le besoin de manger, car le champagne brillera. Et la brioche à la truffe propulse le champagne au firmament. Il devient opulent, assis, sans puissance excessive, avec le frémissement romantique de la bulle propre à Dom Pérignon. Les petits copeaux de poire excitent son caractère de fruit blanc. Le champagne change complètement de personnalité sur l’émulsion de champignons, gagnant en rectitude et en synthèse. Et quand le parmesan de fond de plat prend le pouvoir, il estompe le champignon, donnant un troisième aspect à ce grand champagne sans une once d’acidité et à la puissance mesurée.

Lorsque j’avais choisi les vins de ce dîner, je les avais rangés dans une case qui leur est affectée. C’est au moment de prendre les photos des bouteilles que je me suis rendu compte des couleurs très foncées des deux blancs secs prévus. Aussi ai-je ajouté un chablis. Ne sachant pas ce qui se passera, les trois blancs sont servis ensemble.

Le Vouvray sec Caves Prunier 1959 est très ambré. Son goût est plus qu’acceptable et les deux plats vont le mettre en valeur. C’est un vin déroutant, car ce type de goût avancé est relativement peu habituel, mais le vin se comporte bien, se montrant un compagnon des deux plats qui suscite notre intérêt.

Avec le Chassagne Montrachet Moillard Grivot 1947 (Tasteviné en 1951) lui aussi fort ambré, on sait que l’on a quitté la planète de Chassagne-Montrachet. Le vin n’est plus dans sa définition théorique, c’est un objet vineux différent. Il s’améliore dans le verre au point d’être aisément buvable, mais n’a pas beaucoup plus d’attrait que celui de la curiosité.

Par contraste, le Chablis 1er Cru Fourchaume Joseph Drouhin 1962 apparaît d’autant plus jeune. Sa belle couleur est d’un jaune vert, plein de jeunesse et son goût est chatoyant et multiforme avec un joli final citronné. L’un des convives dit qu’il a la force des vins de la région de Chassagne-Montrachet.

J’avais demandé à Pascal Barbot d’introduire les deux vins ambrés avec des petits dés de foie gras, pour atténuer un éventuel gout de madère. Ce petit viatique vient en fait entre les deux plats de poissons, mais c’est une pause agréable et justifiée, le Vouvray réagissant merveilleusement sur le foie gras délicieux.

Les deux plats de poisson mettent en valeur chacun des vins avec au moins l’une de leurs composantes, la poudre de cèpe et pomme s’alliant au Vouvray et au Chassagne pendant que la coquille fait de l’œil au chablis. La sole plaît aux trois vins, la petite pâte de citron jaune, signature de Pascal Barbot réussissant au Vouvray.

Sur l’agneau, les deux bordeaux sont servis ensemble et ce qui frappe immédiatement c’est la jeunesse de leurs couleurs. C’est assez spectaculaire. Le sang de pigeon, le rouge bien prononcé sans la moindre trace d’orangé caractérisent ces deux vins. Le Château Pontet Grand Cru Saint-Emilion 1955 est très saint-émilion. D’une année en pleine possession de ses moyens, il bénéficie du support de l’agneau pour se présenter avec charme.

Le Cos Labory Saint-Estèphe 1928 est beaucoup plus charpenté et structuré, même s’il est un peu rigide. Epanoui comme un 1928 sans trace de fatigue, il ravit l’ensemble de la table, y compris le vigneron bordelais qui le classera premier dans son vote. J’ai apprécié un peu moins que d’autres l’aubergine au miso, un peu pâle face aux vins.

Alexandre, sommelier de talent, devait servir les deux vins qui accompagnent le pigeon avec quelques minutes d’écart, pour qu’ils ne se nuisent pas. Pour des questions d’organisation Alexandre n’a pas décalé les deux services, ce qui, comme je le craignais, ne fut pas à l’avantage du Moulin à Vent Chanson Père et Fils 1945. Ce beaujolais est un grand vin, à la belle structure généreuse et agréable à boire. Mais il ne peut rien faire quand on le met à côté de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983. L’année 1983 n’est pas considérée comme une année de réussite au Domaine de la Romanée Conti. Mais cet exemplaire que nous buvons fera mentir les archives. Car ce vin est absolument divin. Richard Geoffroy crie presque : « mais c’est de la rose », car l’évocation de pétales de rose est particulièrement affirmée, ainsi que la salinité excitante des vins du domaine. Le pigeon est magique de tendreté et le vin de Bourgogne s’épanouit sans contrainte, avec une longueur qui pianote sur la langue. C’est un grand moment.

Pour faire plaisir à Richard Geoffroy, j’ai demandé à Pascal Barbot de créer pour le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1969 un accord de confrontation. Il fallait que ça boxe dans les papilles. Et les abats de canard ont répondu présents, pour croiser les gants avec le splendide champagne de 1969, d’une personnalité affirmée et d’une trace profonde. C’est un immense champagne à l’acidité plus marquée que celle du 1990.

L’association mangue et sauternes commence à me coller aux basques. Car quand j’évoque les liquoreux, on sait que j’aime les associer aux mangues. Le Château d'Yquem 1966, à l’ouverture, avait ce parfum intense de mangue. Et voici qu’au moment où on nous le sert, il semble avoir perdu de son sucre au profit de suggestions de thé. Il dément donc l’odeur initiale. Et le dessert meringué au thé vert fait par surprise par Pascal Barbot donne un coup de poing à l’association mangues et Yquem, qui paraît plus fade et plus convenue. L’Yquem est grand, et j’adore cette forme d’expression où le thé corrige le doucereux.

Il est temps de voter. Nous sommes huit pour dix vins dont un magnum. Assez logiquement deux vins n’ont pas de vote, du fait de leurs voisinages, le Chassagne-Montrachet et le Moulin à Vent, ce dernier n’ayant démérité d’aucune façon. La Tâche reçoit huit votes, ce qui est un carton plein et un joli score pour une année supposée petite. Cinq vins ont le privilège d’être nommés premiers : La Tâche, le Dom Pérignon 1969 et le Cos Labory deux fois chacun et le Vouvray (mais oui) et l’Yquem chacun une fois.

Le vote du consensus serait : 1 - La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 - Cos Labory Saint-Estèphe 1928, quasi ex-æquo avec Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1969, 4 - Vouvray sec Caves Prunier 1959.

Mon vote : 1 - La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 - Château d'Yquem 1966, 3 - Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1969, 4 - Chablis 1er Cru Fourchaume Joseph Drouhin 1962.

Pascal Barbot est venu nous rejoindre en fin de service pour discuter des accords. Sa sensibilité est extrême, sa bonne humeur, son sourire joyeux me ravissent. En m’amusant je lui ai dit que sa crème meringuée au thé gagnait par KO sur la mangue, et je l’ai chaudement félicité. Les dés de foie gras que j’avais fait ajouter se justifiaient. Pascal nous a dit que le menu servi à chaque table avait été personnalisé, les plats de notre table n’ayant été créés que pour nous. J’ai pour la cuisine de ce chef une immense affinité. Les saveurs exprimées avec justesse et simplicité sont idéales pour les vins. Ce fut du grand art.

Les vins de ce soir étaient de niveaux très différents, de petites appellations ou de petits crus voisinant avec de plus grands. Dans une ambiance joyeuse, animée et amicale, nous avons passé un grand moment de découverte gastronomique et vineuse.

Demain je vais atteindre mon cœur de cible jeudi, 12 février 2009

Demain je vais atteindre mon cœur de cible si l’on veut prendre une locution à connotation marketing. En quoi consiste mon cœur de cible ? Je voudrais pouvoir ouvrir certaines de mes bouteilles rares avec des amateurs qui désirent partager des bouteilles de même calibre. Et demain ce sera le cas avec deux personnes dont les parcours d’amoureux du vin excitent mon intérêt. L’un est un grand amateur, qui est relativement peu éloigné de ma génération, qui a bu certains vins que je pense ne jamais pouvoir boire. C’est un chasseur de trophées. Certains pourraient penser que c’est un buveur d’étiquette, ce qui serait un contresens absolu. Il est le contraire de cela : amoureux de certains grands vins comme Pétrus ou Lafite, il veut avoir bu toutes les années dont les bouteilles existent encore et il a bu un nombre de millésimes du 19ème siècle à côté duquel ce que j’ai eu l’occasion de goûter ressemble à un poids coq voulant faire trébucher un sumo. Il a décidé de ne plus avoir une cave étendue et se concentre sur les achats de pièces rarissimes dont il est informé. Le troisième de notre table sera un jeune amateur qui est beaucoup plus dans la ligne de ce que je fais. Il boit des trophées mais ne boit pas que cela. Et son blog abonde de dégustations qui ressemblent à celles que j’organise avec mon ami collectionneur américain. Je ne le connais que par le web, et nous nous rencontrerons demain pour la première fois. Le jeune apporte Château Latour 1918. Son aîné apporte Pétrus 1936, d’une année incertaine, mais que la curiosité impose de goûter. J’apporterai un Château Pichon Longueville Baron 1904 et une bouteille qui est mon Graal, un Constantia d’Afrique du Sud du début du 19ème siècle, vin qui fut pendant plusieurs siècles considéré comme le plus prestigieux de la planète. Quand je l’ai pris ce matin en cave, j’ai constaté une goutte qui fuit du haut de la bouteille. Je l’ai touchée et ma peau est imprégnée d’un parfum indélébile. Les Chanel, Jicky et autres Mitsouko sont de l’eau de rose à côté de l’explosion de poivre et d’épices de cette petite goutte, prometteuse d’un nirvana demain.

J’arrive au restaurant Laurent pour apporter mes deux bouteilles et donner les consignes pour que ces précieux flacons soient ouverts selon mes désirs. Daniel qui m’a assisté pour de nombreux repas se chargera de cette opération à 9h30 demain. Je demande, car je suis gourmand : « auriez-vous un plat que je puisse grignoter rapidement, car j’ai un rendez-vous dans peu de temps ». Patrick Lair qui me connait bien suggère un pied de porc. J’acquiesce. Pendant que la transmission de consignes se fait avec Daniel dans une grande salle, je jette un œil sur des myriades de verres. On m’explique que le Grand Jury Européen de François Mauss avait tenu séance en ce lieu.

Je vais pour m’asseoir en salle et je reconnais deux grands amateurs de vins. Il est hautement probable qu’ils boivent du bon. Qu’y a-t-il devant leurs places ? Un Richebourg et un Grands Echézeaux tous deux du Domaine de la Romanée Conti et tous deux de 2005. Pour eux la vie est belle. Etant placé trop près d’eux, je change de table pour les laisser bavarder sans que je n’aie la tentation de les écouter. Ils seront plus libres. Et, quand je m’assieds, je vois du coin de l’œil que deux hommes déjeunent avec La Tâche du Domaine de la Romanée Conti dont le sommelier me dira qu’elle est aussi de 2005. Où est-elle la crise ? Je fais remarquer à Patrick Lair la folie de boire maintenant les 2005, purs monuments des vins de Bourgogne. Que le monde a changé !

J’avais demandé à Patrick Lair de ne boire que de la Chateldon, mais voici que Daniel me pose un verre de blanc. Je reconnais assez facilement qu’il s’agit d’un riesling. C’est un Riesling trocken Leitz 2005 qui titre 13,5°. Ce riesling allemand est un rescapé de la dégustation du Grand Jury Européen. Je le trouve goûteux, gouleyant et joyeux. C’est un vin d’une grande précision.

Sur le pied de porc à la crémeuse purée, c’est un verre de rouge qui est déposé sur ma table. C’est pour moi un bordeaux, plutôt jeune, dont aucune aspérité particulière ne me permet de situer le climat. Lorsque Daniel me dit qu’il s’agit du Château Haut-Marbuzet 2004, j’ai la réaction de l’inspecteur Bourrel : « bon sang, mais c’est bien sûr ! », car ce vin a fait mon ordinaire pendant plusieurs années au restaurant proche de mon entreprise où j’avais mon rond de serviette. A l’époque, il y a vingt ans de cela, le Haut-Marbuzet était souvent considéré comme le plus méridional des bordeaux. Aujourd’hui, du fait de la montée en alcool de tous les vins, il est dans la norme. J’aime son caractère velouté et bien construit, le tannin étant discret. J’aime un peu moins une simplification du message, qui en fait un vin trop policé.

Si un ami avait déjeuné tout seul, je serais allé lui porter un verre de mon vin. Sœur Anne ne voyant rien venir, je suis allé saluer mes amis pour goûter leurs vins. Il y a deux mois, j’ai bu les sept vins de 2005 du Domaine de la Romanée Conti. Si le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2005 de ce jour ne m’étonne pas, conforme à l’image que j’avais gardée, le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2005 est le contraire de ce que j’avais ressenti. Il est maintenant d’un épanouissement spectaculaire, d’un charme généreux et d’une rondeur qui m’étonne même d’un vin de la Romanée Conti.

Demain est un grand jour, astiquons nos papilles et faisons-nous beau !

La Tâche 1989 à l’hôtel des Roches samedi, 7 février 2009

Nous allons déjeuner au restaurant de l’hôtel des Roches à Aiguebelle au Lavandou. La pluie s’est arrêtée, la mer de ce côté de la côte est plus calme. Nous sommes en avance et j’ai le temps d’étudier la carte des vins. Dans un recoin secret, je repère La Tâche 1989. Mathias Dandine qui vient nous saluer avec un large sourire est immédiatement informé de ce choix pour qu’il compose un menu adapté. Ayant eu le réflexe conditionné de prendre une pastille rafraîchissante en voiture, il me faut une coupe de champagne pour reformater mon palais, comme on fait « reset » sur son ordinateur. C’est un champagne Taittinger millésime 2003 qui fait office de logiciel de redémarrage. Un peu dosé à mon goût, il joue parfaitement son rôle sur des amuse-bouche aux goûts appréciés. Le jeune sommelier ouvre La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1989 d’un niveau très haut dans le goulot. Il se sert généreusement du vin dans son verre de contrôle, sorte de prélèvement à la source dont j’aimerais bien être non-imposable.

Le vin a un parfum envoûtant. Il y a comme un concentré de fruits noirs mais aussi un fumé qui évoque tous les trésors de la Romanée Conti. L’approche en bouche joue comme une douche froide, car le nez annonçait les trompettes de la renommée et voici qu’un vin un peu fatigué se découvre. Ceci est dû à l’ouverture trop récente. L’intérêt que je vais montrer à son retour à la vie est directement lié au fait que c’est La Tâche. Car pour un autre vin, j’aurais fustigé son évolution certaine. Mais j’ai raison d’insister, car lentement mais sûrement, La Tâche va déployer tout ce que j’aime dans ce vin.

Nous commençons par une petite entrée non annoncée, composée de langoustine et de coquille Saint-Jacques crues ou quasi-crues, et de caviar d’Aquitaine. Le sucré de la coquille et le salé du caviar ont un effet réanimateur spectaculaire sur La Tâche qui prend une salinité que j’adore.

L’épanouissement va devenir définitif avec la brandade de morue généreusement noircie de tranches de truffes noires excellentes. La chair de la morue a une astringence qui épouse totalement celle de La Tâche. Et ce moment est un délice rare. Le sommelier me demande quelle est l’influence de la truffe dans l’accord. Mon avis est que la truffe qui apporte son parfum entêtant au goût du plat n’apporte rien à l’accord, car c’est la chair rêche de la morue qui sort de La Tâche toute son âme. Le vin gagne en longueur, gagne en race, et je retrouve vraiment tout ce que j’aime.

Le plat qui suit est un cochon noir en cocotte, piperade de poivrons confits, crème de haricots blancs, jus infusé au thym. Le plat est délicieux et la chair du cochon est chaleureuse, surtout dans ses parties grasses. Je n’ai pas touché à la piperade qui ne convient pas au vin. La Tâche est évidemment à l’aise, mais comme je l’ai expliqué à Matthias Dandine, je préfère les accords plus provocants comme celui créé par la brandade que ceux qui rendent la situation trop confortable pour le vin.

La fin de La Tâche s’est bue sur un saint-nectaire et le dernier verre, dont la consistance est entre nectar et marc, est un bonheur incommensurable. Après une entrée en matière sur un vin un peu fatigué, le final en fanfare m’a comblé.

Nous avons pris rendez-vous avec Matthias pour aller communier aux festivités rugbystiques prochaines. L’atmosphère de l’hôtel des Roches est amicale et motivée. Ce fut un grand repas.

Hôtel des Roches – les photos samedi, 7 février 2009

Champagne Taittinger millésimé 2003

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1989, pointée comme une canonnière pour protéger notre table !

Le bouchon est d'une exceptionnelle qualité

La petite entrée ajoutée par Matthias Dandine qui se trouve à ma droite quand je lui fais cette remarque : "est-ce le "N" de Nicolas Sarkozy ?". Du tac-au-tac il me répond : "c'est le "Z" de Zorro !"

La brandade de morue avec son ajoute de tranches de morue pures, sous une avalanche de truffes

Le cochon noir et sa crème de haricots blancs, jus infusé au thym

C'est cette partie du plat, piperade de poivrons confits, que je n'ai pas mangée en pensant au vin

Académie des vins anciens – 9ème séance – le récit vendredi, 30 janvier 2009

Les vins de l'académie, avec mes "outils de travail" et ceux d'un académicien.

La neuvième séance de l’académie des vins anciens se tient au restaurant Macéo. Dès 16 heures, je commence l’ouverture des quarante-quatre bouteilles apportées par les académiciens. Une petite vingtaine sont déjà ouvertes quand deux amis viennent m’aider pour cette opération cruciale. Les odeurs me paraissent particulièrement prometteuses, et cela me fait plaisir, car les apports des académiciens s’améliorent à chaque séance. Le seul vin en situation critique est un Corton-Charlemagne 1949 qui me paraît mort. Les plus belles odeurs sont celles du Tokay (Pinot Gris) Vendanges Tardives Hugel 1971, du Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1979 et du Château Suduiraut 1947. Ces vins de belles promesses nous combleront par leur réussite. Alors que je demande aux inscrits que les vins soient fournis un mois avant la séance, c’est à 18h45 que je reçois la dernière bouteille au bouchon particulièrement ingrat. Alors que je me suis changé et habillé de frais, cette ultime ouverture que j’exécute de bien mauvaise grâce est la plus difficile de toutes. La suite de la soirée, par ses enchantements, va effacer ce petit détail.

Nous sommes trente-huit annoncés mais seulement trente-quatre présents pour quarante-quatre bouteilles. Elles sont réparties en deux groupes, ce qui fait que chacun goûtera vingt et un vins ou plus. La liste est impressionnante. Voici ce qu’ont bu les deux groupes.

Groupe 1 - Champagne Besserat de Bellefon sans année - Champagne Besserat de Bellefon sans année - Champagne Delamotte blanc de blancs 1990 - Champagne Pommery Brut Royal années 80 - Puligny Montrachet maison Pierre Ponnelle 1957 - Puligny-Montrachet Les Pucelles Boisseaux-Estivant négociant 1959 - Château Carbonnieux  blanc 1962 - Château Lynch-Bages 1962 - Chateau Léoville-Poyferré Saint-Julien 1943 - Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1953 - Bonnes-Mares Chanson Père & Fils 1955 - Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1979 - Chateauneuf-du-Pape Domaine de Montredon 1957 - Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1/2 bt 1970 - Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1/2 bt 1970 - Rioja Siglo 1970 Felix Azpilicueta Martinez - Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1964 - Rioja Siglo 1959 Felix Azpilicueta Martinez - Rioja Federico Paternina Reserva 1928 - Vouvray moelleux Le Haut Lieu Huet 1964 - Chateau Pajot, enclave du Chateau d'Yquem, Haut-Sauternes 1923 - château Suduiraut 1947.

Groupe 2 : Champagne Besserat de Bellefon sans année - Champagne Besserat de Bellefon sans année - Champagne Fred. Leroux à Chigny brut 1964 - Champagne Pommery Brut Royal années 80 - Vouvray Clovis Lefèvre 1959 - Chassagne-Montrachet Henri Pillot 1949 - Corton Charlemagne Ropiteau Frères vers 1949 ou plus vieux - Bourgueil Domaine des Ouches Paul Gambier 1984 - Château Pape Clément 1970 - Chateau Beychevelle 1957 - Marquis de Saint-Estèphe, appellation Saint-Estèphe contrôlée 1964 - Château La Cabanne Pomerol 1962 - Grands-Echézeaux Domaine Gros Frère et Sœur 1976 - Charmes-Chambertin J. Mommessin 1946 - Chassagne-Montrachet rouge Joseph Drouhin 1959 - Gevrey-Chambertin Poulet Père & Fils 1964 - Santenay Remoissenet Père & Fils 1947 - Clos Vougeot Noirot-Carrière 1943 - Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta bt 1970 - Chateau Haut-Bergeron Sauternes 1978 - Tokay (Pinot Gris) Vendanges Tardives, Hugel, réserve personnelle de Jean Hugel 1971 - Porto Galo Réserve Spéciale sans année.

Lors de cette séance, peu de vins ont été échangés entre les groupes, et j’ai bu presque exclusivement les vins du groupe 1. La curiosité m’a poussé à goûter de l’autre groupe le Champagne Fred. Leroux à Chigny brut 1964 qui est un peu fatigué mais offre un goût extrêmement subtil, et le Tokay (Pinot Gris) Vendanges Tardives, Hugel, réserve personnelle de Jean Hugel 1971 au parfum diabolique et à l’expression d’une richesse et d’une généreuse complexité fruitée. Mais, revenons à ceux de mon groupe.

Le Champagne Besserat de Bellefon sans année que j’ai fourni pour l’apéritif me plait un peu moins que lors de la précédente réunion. Mais lorsqu’on s’habitue, ce champagne d’une dizaine d’années bien dessiné paraît fort plaisant.

Nous passons à table. Le menu conçu pour l’événement est le suivant : Crémeux concentré de châtaignes fumées au jus de truffes et fine tartine fruitée aux poires et foie gras / Noix de coquille Saint Jacques d’Erquy en brochette, émulsion ‘fenouil- endive’ et condiments olives / Noisette d’agneau du Bourbonnais, polenta moelleuse aux aromates,  tuile Parmesan cumin / Crème prise ‘chocolat bergamote’ et croustillant de clémentines et agrumes zestés. Pour un si grand nombre de vins, il n’était pas possible de chercher les accords mets et vins, mais le repas fut très bon.

voici le seul plat que j'ai photographié. Par la suite, j'étais trop accaparé par les vins sublimes

Le Champagne Delamotte blanc de blancs 1990 est de Mesnil-sur-Oger, ce qui implique une précision du vin et une belle élégance. Mais le Champagne Pommery Brut Royal années 80 est tellement délicieux que c’est lui qui capte l’intérêt. Ce champagne de ma cave est sans doute plus vieux que 1980. Il est doux, joyeux, et avec le foie gras, c’est un grand bonheur. Sa longueur est remarquable. Toute ma table est conquise par ce champagne de charme.

Le Puligny Montrachet maison Pierre Ponnelle 1957 nous donne un coup de poing dans le cœur. Loin de tous les goûts actuels, il ouvre son propre chapitre dans l’histoire du goût. Le Puligny-Montrachet Les Pucelles Boisseaux-Estivant négociant 1959 est servi en même temps et les deux Puligny sont éblouissants. On ressent que le 1959 a une structure plus forte, et l’effet millésime est sensible, mais en fait, pour beaucoup d’entre nous, c’est le 1957 qui montre une émotion plus sensible. Nous sommes heureux d’une telle paire de vins réussis, qui vivent leur demi-siècle en délivrant des messages merveilleux. Ces vins complexes sont très difficiles à décrire tant leurs palettes aromatiques sont éloignées des goûts actuels, comme nous l’avons vu avec le « vieux » champagne. Nous ne savons pas si la soirée va se poursuivre à ce niveau, mais voilà un départ spectaculaire.

Le Château Carbonnieux  blanc 1962 nous ramène sur terre, car malgré une couleur avenante, le vin est fatigué. Un ami qui a attendu de le boire nous contera plus tard son retour à la vie. Mais sur le moment, le vin n’apporte pas le plaisir qu’il pourrait offrir.

Le Château Lynch-Bages 1962 est assez agréable, et un léger caractère poussiéreux ne devrait pas trop limiter son plaisir, qui croît au fil des minutes, mais il y a trop de désir du côté du Chateau Léoville-Poyferré Saint-Julien 1943, charmeur, doucereux, riche, mâchu. C’est un vin de très grand plaisir, avec, en fond de plais, un léger coulis de fruit rouge.

Le Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1953 livré à 18h45 et dont le bouchon m’avait fâcheusement résisté consent enfin à être poli envers nous, car il a une distinction et une race rehaussées par une année de première grandeur. C’est un grand vin, mais des trois bordeaux rouges, c’est le 1943 qui l’emporte avec un charme fruité de grand plaisir. Le velours du 1943 est remarquable.

Nous nous sommes bien amusés de l’attitude de l’ami qui a apporté le Bonnes-Mares Chanson Père & Fils 1955. Car il s’obstine à hésiter sur la valeur de son vin, alors qu’il est éblouissant. Il a un charme bourguignon serein. Son année est une grande année bourguignonne, au sommet de son art, et ce vin droit, direct, sans chichi et sans intellectualisme inutile, récite un beau texte fait de séduction naturelle. Et ce qui est remarquable, c’est que ce 1955 ne faiblit pas quand il est bu en même temps que le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1979. Ce vin au nez sublime est une expression aboutie et conquérante des vins du Domaine. Il y a la légère amertume, la salinité que j’adore, et cette évocation subtile des pétales de rose. Quel vin enthousiasmant ! L’académicien qui l’a apporté, qui pour sa première séance a réussi un coup de maître rêvait depuis trois ans de l’apporter à l’académie. La joie illumine son visage. Nous demandons que l’on ralentisse le service des vins tant la conjonction de ces deux bourgognes est un moment de plaisir rare, au même titre que les deux Puligny d’à peine une heure plus tôt.

Le Chateauneuf-du-Pape Domaine de Montredon 1957 tient bien sa place après ces deux merveilles. Accompli, avec la belle simplicité généreuse d’un Chateauneuf-du-Pape qui aurait pris des accents bourguignons, il donne un autre type de plaisirs, plus champêtres.

Nous allons maintenant aborder une belle série de vins espagnols, car deux académiciens ont acheté ensemble une importante cave de vins espagnols anciens. On reconnaît en chacun de ces vins un beau style espagnol parfois marqué par un alcool un peu insistant comme avec le 1964. N’ayant pas pris de notes, je ne peux détailler les impressions du Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1/2 bt 1970, du même en bouteille Rioja Siglo 1970 Felix Azpilicueta Martinez, du Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1964 et du Rioja Siglo 1959 Felix Azpilicueta Martinez qui, comme un vin français, exprime la beauté de son millésime.

En fait, le plus charmant et de loin, c’est le Rioja Federico Paternina 1928 qui nous réserve l’heureuse surprise d’évoquer la rose, comme le faisait le vin de la Romanée Conti. Ce vin espagnol a une subtilité et une finesse qui sont plus sensibles que celles des vins plus jeunes de sa région. C’est un vin absolument charmant.

A propos de Romanée Conti, je me souviens qu’Aubert de Villaine, lors d’un repas de vignerons que j’avais organisé, avait éreinté avec une insistance remarquée, car inhabituelle, un Haut-Brion blanc 1966 que j’avais apporté. Et voici que je me mets à enfler ma critique du Vouvray moelleux Le Haut Lieu Huet 1964. C’est certainement un grand vin, mais je me prends à le trouver court, limité dans ses expressions à une faible évocation de poire. Quand on connaît la complexité des sauternes, ce Vouvray me semble une ébauche, au plus. Bien sûr, je ne suis pas dupe et je me rends compte que j’exagère la critique, car le vin se justifie. Mon élan critique m’a surpris car ce n’est pas mon tempérament.

Le Chateau Pajot, enclave du Chateau d'Yquem, Haut-Sauternes 1923 est un vin que j’ai apporté pour qu’il entraîne dans son sillage les autres vins de l’académie. Je voudrais en effet que les vins de l’académie aient un âge canonique, car il faut boire les vins qui restent encore en caves. Cette bouteille rare est un message aux académiciens. Quand on me fait goûter, j’ai peur d’un goût de bouchon que je n’avais pas décelé au nez à l’ouverture. En fait le vin n’est pas bouchonné mais il a un léger défaut qui disparaît quand on l’associe aux quartiers de clémentines, qui effacent littéralement toutes les imperfections. Ce sauternes n’est pas puissant, il a mangé un peu de son sucre, mais son message subtil est une belle évocation d’un sauternes joliment évolué et la clémentine le dope judicieusement. Il m’émeut d’autant plus que c’est un autre sauternes de 1923, un Climens, qui a été le déclic de ma démarche passionnée envers les vins anciens, il y a maintenant plus de trente ans.

Le Château Suduiraut 1947, dont l’or magnifique est d’un acajou le plus pur, est synonyme de la perfection absolue du sauternes. Je suis amoureux de Suduiraut 1928 que j’ai bu très souvent, mais force est de reconnaître que ce 1947 est dans l’épanouissement le plus absolu du sauternes parfait. C’est la grâce et la jouissance à l’état le plus abouti. On se délecte de chaque goutte de ce nectar.

Je n’aurais jamais imaginé avant la réunion que nous eussions pu voir les vins de ce soir atteindre un tel niveau. C’est inespéré. On ne vote pas aux séances de l’académie car nous sommes en deux groupes et la collecte des votes serait difficile. Je ferai donc mon vote tout seul. La logique de la perfection me pousserait à mettre le Suduiraut 1947 en premier car il n’a pas l’ombre d’un défaut et une longueur irréelle. Mais le Richebourg 1979 s’est montré tellement charmant, subtil dans la retenue sans retenir son intensité que j’ai envie de le mettre en tête de mon vote. Le troisième pourrait être le champagne Pommery, porteur d’une grande jouissance, suivi du Puligny 1957 pour la surprise immense qu’il nous a donnée. Choisir ensuite entre le Rioja 1928 et le Bonnes-Mares 1955 est difficile.

Voici ce que mon vote serait : 1 - Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1979, 2 - Château Suduiraut 1947, 3 - Champagne Pommery Brut Royal années 80, 4 - Puligny Montrachet maison Pierre Ponnelle 1957, 5 - Rioja Federico Paternina Reserva 1928, 6 - Bonnes-Mares Chanson Père & Fils 1955.

La salle qui nous est réservée au restaurant Macéo est d’une taille parfaite. Le service est engagé et motivé. Le repas est très convenable, si l’on admet qu’il est impossible pour tant de vins de faire des mariages. Les vins ont été d’une incontestable qualité. Bien sûr, quelques vins ne mériteraient pas d’être apportés à ces séances. Nous allons travailler encore sur la qualité des apports, car le concept fonctionne remarquablement et nous devons progresser en qualité. Il n’est que de voir l’enthousiasme des participants, et leurs sourires ravis pour constater que cette séance de l’académie  des vins anciens fut une splendide réussite. On me presse de convoquer au plus vite la prochaine réunion. Le succès de ce soir m’y encourage.

académie du 30 janvier 2009 – les vins de la 9ème séance vendredi, 30 janvier 2009

Voici la liste à ce jour des vins de l'académie des vins anciens du 30 janvier 2009 (9ème séance) :

Chateau Pajot, enclave du Chateau d'Yquem, Haut-Sauternes 1923

Rioja Federico Paternina Reserva 1928

Chateau Léoville-Poyferré Saint-Julien 1943

Clos Vougeot Noirot-Carrière 1943

Charmes-Chambertin J. Mommessin 1946

Château Suduiraut 1947

Santenay Remoissenet Père & Fils 1947

Chassagne-Montrachet Henri Pillot 1949

Corton Charlemagne Ropiteau Frères vers 1949 ou plus vieux

Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1953

Bonnes-Mares Chanson Père & Fils 1955

Puligny Montrachet maison Pierre Ponnelle 1957

Chateauneuf-du-Pape Domaine de Montredon 1957

Chateau Beychevelle 1957

Chassagne-Montrachet rouge Joseph Drouhin 1959

Vouvray Clovis Lefèvre 1959

Puligny-Montrachet Les Pucelles Boisseaux-Estivant négociant 1959

Rioja Siglo 1959 Felix Azpilicueta Martinez

Château Lynch Bages 1962

Château La Cabanne Pomerol 1962

Chateau Carbonnieux blanc 1962

Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1964

Marquis de Saint-Estèphe, appellation Saint-Estèphe contrôlée 1964

Gevrey-Chambertin Poulet Père & Fils 1964

Vouvray moelleux Le Haut Lieu Huet 1964

Champagne Fred. Leroux à Chigny brut 1964

Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1/2 bt 1970

Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1/2 bt 1970

Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta bt 1970

Rioja Siglo 1970 Felix Azpilicueta Martinez

Château Pape Clément 1970

Tokay (Pinot Gris) Vendanges Tardives, Hugel, réserve personnelle de Jean Hugel 1971

Grands-Echézeaux Domaine Gros Frère et Soeur 1976

Chateau Haut-Bergeron Sauternes 1978

Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1979

Champagne Pommery Brut Royal années 80

Champagne Pommery Brut Royal années 80

Bourgueil Domaine des Ouches Paul Gambier 1984

Champagne Delamotte blanc de blancs 1990

Porto Galo Réserve Spéciale sans année

Champagne Besserat de Bellefon sans année

Champagne Besserat de Bellefon sans année

Champagne Besserat de Bellefon sans année

Champagne Besserat de Bellefon sans année

Pour 34 présents (38 annoncés), nous avons partagé 44 bouteilles. Un succès qualitatif extrême. 

académie des vins anciens 30 janvier 2009 – les vins 3 vendredi, 30 janvier 2009

Chateau Suduiraut 1947

Champagne Besserat de Bellefon brut sans année (quatre bouteilles pour l'apéritif)

Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1964

Chateau Haut-Bergeron Sauternes 1978

Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1979

Chateau Léoville-Poyferré Saint-Julien 1943 mis en bouteille par Godfroid distillateur à Verviers

Très belle étiquette et beau blason

Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1970 (deux 1/2 bt)

Château Pape Clément 1970

Rioja Siglo 1970

Rioja Siglo 1959

Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1970 (en bouteille)

Champagne Pommery brut royal, vers années 80

Charmes-Chambertin J. Mommessin 1946

la belle capsule de ce Mommessin 1946 :

Gevrey Chambertin Poulet Père & Fils 1964

Chateau Carbonnieux blanc 1962

Chateau Picon Longueville Comtesse de Lalande 1953

« les mots et les vins » avec Chateau Margaux mardi, 27 janvier 2009

Olivier Barrot et Eric Beaumard organisent un nouveau dîner sous l’enseigne « Les Mots et les Vins » au salon anglais de l’hôtel George V. De plus en plus, les participants sont des habitués, fiers de faire partie de ce cénacle. C’est Erik Orsenna qui nous parlera de son ouvrage « L’avenir de l’eau » et Paul Pontallier qui nous présentera les vins de Château Margaux. Le champagne Diebolt-Vallois brut sans année me paraît plus dosé que d’habitude, impression que partage un habitué amateur de vin. Les canapés qui sont proposés pendant l’apéritif pris debout sont délicats.

Je suis à côté de Béatrice Pontallier, épouse du directeur général de Margaux. A ma table, des amis de l’hôtel George V, d’Eric Beaumard, des amateurs de vins et Paul Pontallier qui nous explique qu’il est très rare qu’il présente ses vins en France, car il est beaucoup plus sollicité de le faire hors de nos frontières.

Eric Briffard a mis au point avec Eric Beaumard le menu : noix de Saint-Jacques normandes en tartare aux algues, bouillon de poule au foie gras, gingembre / truffe noire de Tricastin, mousseline de topinambours, copeaux de canard séché et artichauts / pavé de cabillaud nacré, sauve genevoise, chou fondant au carvi, nougatine de cèpe / épaule d’agneau du Limousin aux aromates, asperges vertes, gnocchi potiron, caillé de brebis / Viennetta glacé au café Blue Mountain, praliné croustillant.

Le Pavillon blanc du Château Margaux 2006 a un nez très citronné, mais on devine du fruit mûr sous le citron. Il m’évoque une groseille à maquereau. En bouche, l’attaque est calme, sans aucune acidité qu’annonçait le nez. Le vin est gras et fluide, avec un final de légume vert astringent. C’est un beau vin dont la beauté n’existe que parce que le vin est jeune. Quand le vin aura quelques années de plus il révèlera une autre beauté. L’ormeau qui voisine avec la coquille Saint-Jacques lui donne de l’émotion et c’est le bouillon de poule qui donne au vin blanc un charme merveilleux.

Le Pavillon rouge du Château Margaux 2004 est encore très jeune. Son nez est un peu amer. Le plat, trop subtil, ne le met pas en valeur. Il y a dans la truffe et l’artichaut trop de finesse pour un vin somme toute assez retenu. Il révèle une certaine astringence et s’exprime plus quand il est bu seul.

Le Château Margaux 1999 a un nez extrêmement subtil. On sent que ce vin a énormément de réserve et ne demande qu’à se livrer. Son fruité est particulièrement brillant. Le vin est merveilleux sur la chair du cabillaud, véritable exhausteur de goût. Le vin est d’une belle délicatesse.

Le Château Margaux 1989 est d’une grande puissance. Son parfum est gêné par mon verre qui sent le verre. Ce vin a une structure et un fruit qui nous font approcher de la perfection. Il y a un peu de râpe et de poivre qui sont des signes de jeunesse. Lorsque j’ai lu des comptes-rendus de dégustation, j’ai toujours hésité sur l’évocation de la mine de crayon, qui n’est pas un repère naturel pour moi. Et voici que je la sens dans  ce vin de grande verdeur. L’épaule d’agneau est sensuelle, d’un gras confortable qui permet au Margaux de s’exprimer dans la jouissance de la cuisine bourgeoise. Un dé de pastèque excite le vin, mais comme pour la truffe noire, c’est un exercice intellectuel plus que sensuel. L’astringence du vin annonce une longévité remarquable.

Erik Orsenna, brillant conteur, nous fascine par la simplicité de ses exposés. Paul Pontallier nous fait passer toute la flamme de sa recherche d’excellence. Eric folâtre dans le romantisme brillant des explications de ses accords. Eric Briffard a un talent consommé pour tirer la quintessence de plats simples. La délicatesse raffinée de ce beau dîner fut exemplaire.

111ème dîner de wine-dinners au restaurant Ledoyen jeudi, 22 janvier 2009

Le 111ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Ledoyen. A 17 heures, moment choisi pour l’ouverture des vins, la belle salle du premier étage est encore sens dessus dessous, car le restaurant venait d’accueillir le déjeuner du Club des Cent dont l’un des membres allait faire des heures supplémentaires en assistant à nôtre dîner. Géraud Tournier, le sympathique et compétent sommelier est très intéressé d’observer les vins que j’ouvre. L’odeur du Brane Cantenac 1921 est très particulière. C’est un coulis de framboise intense qui frappe nos narines. Quel sera le futur de ce vin ? Nous verrons. J’ai rajouté deux vins au programme annoncé dont un Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1956 dont le niveau est bas. Géraud et moi avons la même analyse : ce vin sent la betterave, sans l’ombre d’une hésitation. On pourrait douter de l’avenir du vin trop marqué par cette odeur handicapante, mais le pire n’est jamais sûr. Je suis plus inquiet du Volnay Clos des Santenots Domaine Prieur 1945, car on est dans un registre aqueux, tendance serpillère. Le Château La Gaffelière Naudes 1959, le Nuits-Saint-Georges Camille Giroud 1928 et le Chateauneuf-du-Pape Audibert & Delas 1949 ont des parfums puissants, signes de solidité prometteuse.

Les convives sont d’une ponctualité militaire, ce qui est particulièrement agréable. Je retrouve un jeune participant d’un récent dîner, deux de mes plus fidèles partenaires des dîners et des « casual Friday », accompagnés de quelques amis, un ami américain, ancien fournisseur de ma dernière entreprise et amateur de vins et le membre du club des Cent, propriétaire du plus ancien domaine d’Armagnac, qui récidive dans ce restaurant.

Le menu créé par Christian Le Squer comporte des plats traditionnels et quelques audaces qu’il me fait plaisir de partager avec mes amis amateurs de bonne chère : Huîtres en tartare et chantilly / Noix de St Jacques "acidulées à cru façon crispy" / Homard rafraîchi à la pistache / Gratinée de sole côtière aux noix et amandes fraîches / Canard sauvage: suprêmes aux mûres / Toasts brûlés d'Anguille, réduction de jus de raisin / Stilton / Ananas Victoria et mangue rôtie.

Nous sommes servis des huîtres extrêmement goûteuses, et lorsque nous buvons le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1988, nous ne buvons pas du champagne, nous buvons de l’huître. L’osmose est en effet extraordinaire. Une première huître avec une sauce épicée se marie moins bien que l’huître pure et l’huître avec sa chantilly particulièrement dans la ligne du champagne, gracile, souple, accompagnateur mimétique de l’huître.

Dès la première gorgée, on sent que le Champagne Krug 1988 est d’une puissance gigantesque par rapport au précédent champagne. Certains convives préfèreront la subtilité du Dom Pérignon. J’approuve la virilité affirmée du Krug même si le vin écrase un peu le plat qui se tasse un peu sur lui-même, car le crispy entrave l’expression délicatement acidulée de la coquille crue.

Lorsque j’ai ajouté au programme le Château Haut-Brion rouge 1974, ma première intention était de le mettre avec les autres bordeaux rouges. Le plat qui suit étant le homard, la tentation était grande de faire un essai osé : associer sur le plat les deux Haut-Brion, le rouge et le blanc. Nous commençons par le Château Haut-Brion blanc 1966, à la belle couleur ne montrant aucun signe d’âge. Le nez est puissant et affirmé. Le goût de ce vin est grandiose. Il a la maturité et l’accomplissement d’un grand blanc. C’est un régal. Je suis moins convaincu par le Château Haut-Brion rouge 1974 qui se présente poussiéreux. Un des convives, grand amateur de vins anciens, nous suggérera deux ou trois plats plus tard de goûter à nouveau ce vin. Toute trace de poussière a disparu et l’on retrouve un grand Haut-Brion qui fait mentir son année jugée faible dans les livres. Il eût donc fallu que j’ouvrisse ce vin quelques heures avant mon horaire habituel. Le plat est délicieux et l’usage de la pistache en glace, qui me faisait peur, se révèle particulièrement intelligent.

La sole est un plat raffiné. J’avais demandé que l’on rajoute quelques pignons pour accompagner le plus vieux des deux bordeaux et c’est judicieux. Le Château La Gaffelière Naudes 1959 est merveilleux. Dès que l’on trempe ses lèvres, on est saisi par la perfection sereine de ce bordeaux accompli. Il est rassurant comme un cours de Raymond Barre, du temps où il était le professeur coqueluche de tous les élèves. A côté, le Château Brane-Cantenac 1921 fait « objet vinique non identifié ». Car les évocations de framboise sont indubitablement bourguignonnes, ce que j’avais constaté, mais en moins marqué, avec le Domaine de Chevalier 1928 d’Olivier Bernard. Le vin est bon, déroutant, curieux, et personne ne pourrait dire qu’il s’agit d’un Brane-Cantenac. La perfection de la sole et la perfection du saint-émilion sont un grand moment.

Le canard est doté d’une sauce aux fruits noirs idéale pour tenir le choc de trois bourgognes rouges qui forment une association d’une rareté absolue. A droite, nous avons le Nuits-Saint-Georges Camille Giroud 1928 d’une belle expression de la grandissime année 1928. Le vin a une légère acidité qui est plus difficile à accepter de la part des amateurs peu familiers des vins anciens, mais sous cette acidité légère se devine un beau message bourguignon de plaisir. Au centre, le Volnay Clos des Santenots Domaine Prieur 1945 dont l’odeur il y a six heures était incertaine est maintenant en pleine possession de ses moyens. Et le sentiment de perfection que j’éprouvais avec La Gaffelière Naudes se retrouve avec le Volnay. On est dans la belle sérénité bourguignonne et je trouve ce soir à 1945 plus de panache et de vivacité qu’à 1928. La bouteille toute recouverte de poussière durcie était fermée d’une cire marquée « Calvet » et son étiquette de négoce au nom du vin tapée à la machine à écrire à ruban, est d’un modèle de très vieilles étiquettes utilisées depuis un siècle. Sous cet emballage qui ne payait pas de mine se cachait un trésor de vin. A gauche, c’est le vin que j’avais ajouté, le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1956. Le nez  a perdu toute incertitude betteravienne. Il est redevenu Romanée Conti. Comme dit l’un de mes complices de table, dès que l’on sent la rose et le sel, on est à la Romanée Conti. Le vin est délicieux, subtil, objectivement un peu en sourdine du fait de son année. Mais ce qui est le plus beau, c’est de passer de l’un à l’autre comme en une machine à remonter le temps. Car les expressions des vins de trois décennies, même lorsqu’elles n’ont pas la perfection du 1945, apportent des éléments enrichissants d’un tableau quasi complet du miracle du vin bourguignon ancien.

Avant l’ouverture du Chateauneuf-du-Pape Audibert & Delas 1949, Géraud m’avait fait part de ses craintes du fait de la puissance du plat d’anguille. Je l’avais rassuré en lui faisant sentir le vin. Il se présente maintenant avec une force tranquille mitterrandienne, une joie de vivre certaine et une apparente facilité de vin du Rhône sous des accents insidieusement bourguignons. Par prudence, je demande aux convives de manger de toutes petites bouchées de l’anguille pour ne pas écraser le vin. Comme pour le choix entre les champagnes, deux camps se forment, celui des opposés à l’accord anguille et Chateauneuf, et ceux qui, comme moi, sont ravis de cette expérience. Je suis heureux qu’elle ait pu être faite, car elle se justifie. L’année 1949 a donné une douceur légèrement sucrée au Chateauneuf que l’on retrouve dans l’anguille dont le rhéostat est tourné vers le maximum de volume. Le Chateauneuf me plaît beaucoup, car il a la certitude des vins sereins.

Je vois les yeux qui s’illuminent lorsque mes amis découvrent le Château Loubens Sainte Croix du Mont 1928. Jamais ils n’imaginaient qu’un Sainte Croix du Mont puisse atteindre ce niveau de complexité. Le vin est superbe, et bien malin serait celui qui ne dirait pas sauternes en goûtant à l’aveugle ce vin. Le mariage avec le stilton ne pourra pas être cassé à Rome, car il est consommé dans la plus grande jouissance. 

Le Château Sigalas Rabaud 1959 est objectivement un vin de plus grande race que le précédent, car son sucre est plus cohérent. Mais je me garde bien de le dire, car il se trouve que chacun reste sur sa divine découverte des vertus insoupçonnées du Loubens et ignore presque le vin dont le goût est plus attendu. La mangue, comme chaque fois est un beau miroir pour révéler que le sauternes est le plus beau de ses compagnons.

Nous sommes onze à voter pour douze vins. Dix vins sur douze ont eu des votes, ce qui, je le répète souvent, est une grande satisfaction pour moi. Les deux seuls vins sans vote sont pourtant des cadors. Il s’agit du premier vin et du dernier, le Dom Pérignon 1988 et le Sigalas-Rabaud 1959.

Cinq vins ont eu l’honneur d’être cités en première place dans les votes : le Château La Gaffelière Naudes 1959 quatre fois, le Volnay Clos des Santenots Domaine Prieur 1945 trois fois, le Château Haut-Brion blanc 1966, le Nuits-Saint-Georges Camille Giroud 1928 ainsi que le Château Loubens Sainte Croix du Mont 1928 étant nommés premiers une fois.

Le vote du consensus serait : 1 - Château La Gaffelière Naudes 1959, 2 - Volnay Clos des Santenots Domaine Prieur 1945, 3 - Château Loubens Sainte Croix du Mont 1928, 4 - Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1956.

Avant de lancer la collecte des votes, j’avais fait une farce bien innocente en indiquant que je suis connu pour avoir le cœur qui penche vers les liquoreux. L’un des convives qui croyait anticiper mon vote en fut tout étonné, car mon choix est : 1 - Volnay Clos des Santenots Domaine Prieur 1945, 2 - Château La Gaffelière Naudes 1959, 3 - Chateauneuf-du-Pape Audibert & Delas 1949, 4 - Nuits-Saint-Georges Camille Giroud 1928.

Le plat le plus réussi est la gratinée de sole, le plat le plus original est l’anguille, suivi de l’intelligence de l’usage de la pistache sur le homard. Le plus bel accord est celui de la sauce du canard sauvage avec la trilogie des bourgognes, suivi de l’accord de l’huître avec le Dom Pérignon 1988.

Avec une implication totale de l’équipe de Patrick Simiand, un service des vins de Géraud et Frédéric parfait, une cuisine sensible de Christian Le Squer, une ambiance enjouée, et volontiers taquine, nous avons passé une soirée magique dont le point culminant est la conjonction de trois bourgognes rouges inoubliables.