Visite à la maison de champagne Mummvendredi, 27 février 2015

Lors d’un dîner de la fondation Michel Chasseuil j’avais rencontré une femme politique très intéressée par les sujets de gastronomie. Elle m’a mis en contact avec une personne en charge, dans le groupe Pernod-Ricard, d’une enquête sur le luxe et la gastronomie. J’ai répondu à ses questions. De fil en aiguille il fut décidé que nous nous retrouverions tous les trois au siège de la maison de champagne Mumm, qui fait partie de ce groupe depuis 2005, pour une visite et un déjeuner.

Nous sommes accueillis par Didier Mariotti, œnologue et chef de caves de Mumm qui nous entraîne dans les caves creusées dans la craie qui couvrent vingt kilomètres de travées. C’est assez impressionnant. Les murs sont tantôt en craie brute, tantôt recouverts de petites briques. Au fond d’un des bras de ces innombrables tentacules, une sculpture en craie représente la nouvelle étiquette de la cuvée R. Lalou qui fait suite à la légendaire cuvée René Lalou à la si belle bouteille biseautée, dont le moule n’appartient plus à la maison Mumm et devrait, à mon avis, lui revenir. Pour l’histoire.

Sur un tonneau sont placés une bouteille et un magnum. Nous commençons à boire le Champagne Mumm Cuvée R. Lalou 2002. Son nez est de miel. L’attaque est un peu rêche mais c’est la première gorgée de la matinée. Je ressens en buvant ce vin de la pâtisserie, du pain d’épices, de la nonette. Il y a de beaux amers qui donnent de la longueur en bouche. Ce champagne a beaucoup d’équilibre, une belle matière. Il enrobe la bouche. Je vois aussi apparaître des fruits confits, alors que Didier Mariotti nous impressionne en citant des myriades d’évocations. Je sens ce champagne très gastronomique.

Le Champagne Mumm Cuvée R. Lalou magnum 1999
a un nez très puissant et expressif. On sent des fruits frais, un panier de fruits. Le 1999 est très différent du 2002. Je le trouve plus strict, plus évocateur de l’automne. Il est aussi plus fluide. Didier le trouve plus gourmand. Je sens des noisettes qui corroborent l’impression d’automne. Mon cœur va plus du côté du 2002.

Nous nous rendons en voiture au moulin de Verzenay
qui est implanté au sommet d’une colline qui offre un panorama exceptionnel. Le moulin qui déploie ses ailes, contrairement à Valmy, est reconstitué. La petite maison adjacente offre une salle à manger qui sur trois côtés laisse voir la Champagne à perte de vue. Nous sommes accueillis par un Champagne blanc de blancs Mumm Cramant magnum sans année qui souffre un peu de passer juste après des R. Lalou, mais ça ne dure pas car il est agréable et de belle fraîcheur. C’est un champagne de soif. Les petites cuillers d’apéritif, d’un saumon au caviar ou de foie gras conviennent bien au champagne et lui donnent de l’ampleur.

Le menu composé par la charmante cuisinière de l’endroit est : amuse-bouche / dos de cabillaud cuit vapeur, petits légumes croquants, pesto de cresson à l’huile de citron / veau en croûte de nougatine de truffe, sablé de parmesan, tombées de légumes de saison / vieux comté et parmesan / Tatin de pomme, quenelle de calisson.

J’ai apporté avec moi un Côtes du Jura blanc Bruno Vincent 1982
à la magnifique couleur dorée. Je demande qu’il soit servi avec les champagnes du repas pour que l’on voie la complémentarité gustative des champagnes et du vin du Jura qui se fécondent et s’élargissent de leurs différences.

Le Champagne Mumm Brut Sélection sans année
est fait de cinq grands crus sur une base de vins de 2008 et de vins de réserve allant jusqu’à 2002. Il a une belle ampleur et un joli corps. Il est servi en même temps que le Champagne Mumm millésimé 2006
qui est subtil et joyeux, dans les fruits rouges.

Le Côtes du Jura a une magnifique acidité et des évocations de noix comme un vin jaune. Mais il est plus fluide qu’un vin jaune, moins oxydatif et crée des ponts fascinants avec les deux champagnes, lorsque l’on passe de l’un à l’autre et le cabillaud d’une cuisson très réussie est un merveilleux révélateur des goûts des champagnes.

Didier avait pris en cave pendant notre visite un Bouzy Mumm 1959. Sa couleur est clairette. Ce vin est magnifique. Le nez est cendré, poussiéreux mais cela disparaît. La bouche est agréable, très typée, aigrelette avec un formidable caractère. C’est un vin de connaisseur car beaucoup de gens seraient rebutés par sa fragilité si subtile. A l’aveugle, que de contresens seraient commis ! Il me plait énormément.

A côté de lui, on nous sert un champagne « de compétition », le Champagne Mumm magnum 1961. Sa couleur est magique, d’un or jeune et glorieux. En bouche il est puissant, serein, équilibré et très réconfortant. Il joue avec le vin du Jura une danse de séduction. Sur le veau, c’est le Bouzy qui s’exprime le plus. A noter que le 1959 et le 1961 cohabitent ensemble sans se nuire.
C’est alors qu’arrive un vin tout simplement exceptionnel. Le Champagne Mumm magnum 1953
marque un saut qualitatif gigantesque par rapport au 1961 qui nous plaisait tant. Il fait prendre conscience de ce qu’est la perfection. L’année 1953 n’est pas une année légendaire mais ce Mumm est dans un état de grâce qui m’émeut. Il est invraisemblable d’émotion, car on ne peut pas le boire sans penser qu’il représente une forme de l’absolue perfection. Tout y est, acidité, mâche superbe, fruits suggérés, longueur infinie. Que du plaisir.

Alors, le Champagne Mumm Carte Classique magnum sans année, vin assez doux qui accompagne le dessert passe inaperçu, d’autant qu’il a un léger goût de bouchon.

Le moins que l’on puisse dire c’est l’honneur qui nous fut fait de goûter autant de vins de si belle qualité. Chacun des vins avait son intérêt, y compris le Mumm de Cramant. Le 1961 est un grand champagne, de très grande jeunesse et de bel équilibre, et le R. Lalou 2002 est un grand champagne qui vieillira bien. Et l’illumination de ce beau jour, c’est le fantastique 1953. Et je mettrai en second le si expressif Bouzy.

Nous avions avec nous le responsable marketing de plusieurs unités du groupe Pernod-Ricard et notamment en charge de l’implication de Mumm en Formule 1. Cette image associée à Mumm ne doit pas faire oublier qu’un champagne qui peut produire un 1953 de cette stature est incontestablement un très grand champagne.