Visite à Chateau Margaux, Mouton et diner à Kirwanmardi, 17 avril 2007

Quittant le château d’Yquem avec le sentiment d’avoir partagé un moment œnologique unique, notre petit groupe qui se réduit de dix à six part pour d’autres cieux bordelais. Nous arrivons à Château Margaux où nous sommes très aimablement accueillis. Tina nous fait visiter les chais, explique le processus de vinification et nous sommes reçus au « musée », salle où Corinne Mentzelopoulos avait reçu à dîner il y a deux ans un groupe d’américains pour un repas à l’émotion rare dont j’ai raconté les magnums de Château Margaux qui coulaient à flot. Paul Pontallier, directeur général de Château Margaux nous explique brillamment, avec une extrême précision, tout ce qui permet de comprendre les vins que nous buvons. C’est Le Pavillon rouge de Château Margaux 2006, brutal retour à la réalité puisque le dernier vin que nous avions en bouche est son aîné de 161 ans ! C’est ensuite Château Margaux 2006, vin de grande classe très plaisant malgré son jeune âge et prometteur, qui ne souffre pas trop d’être suivi du Château Margaux 2005, vin qui sera dans peu de temps un véritable trésor. Malgré son charme qui s’esquisse, Le Pavillon Blanc 2006 est d’un choc trop brutal. Il faut une souplesse d’échine au palais (si je peux dire) que je n’ai pas, pour accepter un tel blanc après ceux d’hier soir. Nous avons fait cette dégustation en même temps qu’un meilleur sommelier danois qui prépare le concours de meilleur sommelier du monde et sera en compétition avec Andreas Larrson, meilleur sommelier suédois que j’avais retrouvé au Club des Professionnels du Vin. Des anglais sont entrés dans la salle, avec qui j’ai bavardé de mes dîners et qui ont montré un intérêt certain car ils sont négociants en vins rares.

Nous filons vers Mouton-Rothschild. Au bureau des visites, six charmantes hôtesses sont tout sourire. Je leur montre le menu de la veille avec les trois vins de Mouton ce qui les assomme comme un coup de marteau. Nôtre hôtesse est sans voix. Nous voyons le petit film d’accueil de Philippine de Rothschild. La visite du musée est un grand moment d’émotion. Philippe Dhalluin est tout sourire, car tout le monde du vin bruisse de la réussite de Mouton 2006. Il nous reçoit pour la dégustation. Nous goûtons les vins de la propriété en 2006. Le château d’Armailhac, le Château Clerc Milon, le Petit Mouton et enfin Mouton-Rothschild 2006 qui est éblouissant de promesses. C’est un vin de très grande classe. Nous évoquons la récente vente de Sothebie’s à New York qui a consacré un jéroboam de Mouton 45 (ce que nous avons bu hier, mais en bouteille), avec un prix de 310.000 $.

Ces glorieux châteaux sont assaillis de demandes de visites et les groupes se succèdent comme dans les musées. Je suis donc particulièrement heureux que Paul Pontallier et Philippe Dhalluin aient pu nous consacrer de leur temps précieux pour présenter leurs 2006. C’est un honneur qu’ils nous faisaient.

Nous avons rendez-vous au Château KirwanSophie Schÿller nous invite à dîner. Le temps a fraîchi et les délicates croupes de la propriété sont belles à voir au soleil couchant. Après une visite des chais où tout a une dimension plus humaine, plus préhensible que ces vaisseaux spatiaux que sont Margaux et Mouton, nous faisons une dégustation de Château Kirwan en remontant les sept millésimes de 2006 à 2000. Mes amis n’ont  pas l’habitude de ces dégustations comparatives où il n’est pas facile de projeter ce qu’un bébé de huit mois deviendra à dix-huit ans. Car c’est un peu de cela qu’il s’agit quand on juge un vin qui n’est pas encore au stade de la mise en bouteilles. Grâce aux explications du nouveau directeur général et au charme de Sophie, nous comprenons bien sur cette période les principes fondamentaux de ce vin et ses constantes. Une belle finesse d’approche, une précision élégante, un poivre assez soutenu lié à la proportion inhabituelle de merlot, et ce romantisme féminin propre aux grands Margaux. Sophie nous raconte divers sujets de fierté qui propulsent à juste titre Kirwan au niveau des grands. En deux mots, car mon avis sur les vins jeunes n’est pas déterminant, le 2006 sera un bon vin, le 2005 est superbe, le 2004 est très au dessus de ce qu’on dit de cette année, le 2003 est taillé pour une longue vie, le 2002 ne me parle pas, le 2001 me plait énormément et le 2000 est grand, sans être au niveau qu’on pourrait imaginer compte tenu des hyperboles qui ont enveloppé cette année. Ce sont de grands vins indéniablement.

Nous nous faisons beaux pour dîner dans la jolie salle à manger d’une maison annexe du château. L’élégance est féminine et je me rends compte que les trois propriétés que nous avons visitées aujourd’hui, Margaux, Mouton, Kirwan, sont des propriétés possédées et gérées par des femmes. Aucune parité dans nos visites ; nous sommes donc coupables. Nous l’assumerons ce soir car Sophie fut la plus délicate, attentionnée et amicale des hôtesses. Elle nous a reçus comme on reçoit ses amis les plus proches. Elle nous a raconté mille anecdotes passionnantes sur des histoires familiales, sur ses choix, sa vie riche en créations nombreuses et porteuses d’avenir. Marie, la cuisinière, a choisi seule le menu. Ce sera crème d’asperges, suprême de volaille aux champignons, fromages et tarte à la rhubarbe. Sophie nous a servi Signatures 2005, un  joli vin simple de négoce de la maison familiale fondée en 1739, il y a presque 270 ans. C’est son frère qui dirige cette organisation. Nous goûtons à l’aveugle Kirwan 1985 dont un de mes amis, d’un ton péremptoire, annonça le bon millésime. J’étais à un an près. Ce fut ensuite Kirwan 1982, que beaucoup trouvent plus charmant que le 1985. J’ai un faible pour le 1985 car une proportion plus forte de merlot lui donne un petit accent de Pomerol que j’adore. Je trouve au premier essai l’année du Kirwan 1966 car c’est une belle année pour les margaux, et il a un charme qui correspond à mon penchant pour les vins d’un certain âge. La gérontophilie est-elle héréditaire ? Je demanderai à l’un des candidats à la Présidence.

J’avais apporté en cadeau Yquem 1983. La tarte à la rhubarbe, délicieuse et peu marquée a bien accompagné l’Yquem majestueux, contrairement à ce que j’avais supposé. Très bel Yquem à la couleur orange, il a une longueur inimitable. J’ai versé un verre à Marie. Voir ses yeux qui brillent me réjouit le cœur. Sophie a réussi la démonstration qu’elle voulait faire de la grandeur de son Kirwan auquel elle se consacre avec une volonté que l’on sentait à chaque mot. Mais c’est aussi une musicienne et une source de projets passionnants dont la description nous a charmés. Nous étions comme à un repas de famille.

Après une douce nuit dans l’annexe du château nous nous sommes quittés avant de repartir vers nos domiciles, forts du souvenir d’une chaleur humaine inégalée.

 

Les chais et la cave des trésors à Chateau Margaux

des millésimes du 19ème siècle, et la tonnellerie à Margaux

Une jolie faïence dans la salle de dégustation à Margaux, et un faune nous accueille au musée de Mouton

 

Le mouton emblématique que l’on retrouve sérigraphié d’or sur la bouteille de Mouton 2000 et le chai légendaire.

la salle de dégustation de Mouton-Rothschild où nous fûmes reçu avec amitié.

 

Chateau Kirwan et la serre qui est classée.