Un Richebourg DRC à multiples facettesvendredi, 13 janvier 2006

Une réunion d

Une réunion de banque au Jockey Club. On apprend des choses définitives sur l’évolution financière du monde. Un participant semble sympathique : « on devrait déjeuner ensemble / on partage /j’apporte une bouteille ». On se retrouve au restaurant Laurent.

J’arrive en avance

J’arrive en avance pour ouvrir une bouteille de Richebourg du Domaine de la Romanée Conti 1956. Décidément, certaines années sont propices aux niveaux bas. Je m’attends à sentir l’odeur de terre de la cave de la Romanée Conti. Nenni. Le haut du bouchon est sec et sent la poussière. Le corps du bouchon est gras, et sent atrocement le vinaigre. Le vin senti au goulot exhale des senteurs qui promettent d’intéressantes perspectives, complètement opposées au message du bouchon. Nous verrons.

Mon convive commande tête de veau et pied de porc, la tête et les jambes, je commande escargots et pieds de porc, tout cela est particulièrement français. J’appelle à la barre, puisqu’il faut un témoin de poids un Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 1976. L’odeur est magnifique, d’une classe folle. La couleur est d’un or jaune réjouissant. Je suis un peu étonné qu’en bouche, la trace citronnée appuyée occulte le message de Riesling. Je n’en dis rien, mais le vin est effectivement un peu limité, loin des perfections que ce millésime m’a déjà réservées. Le cromesquis servi en amuse-bouche est absolument délicieux.

Quand apparaissent les pieds de porcs, il serait peut-être temps de penserau Richebourg, mais je voudrais que le Riesling ait l’occasion de briller, car je le sens – rien qu’en voyant l’assiette – fait pour le plat. Et c’est un accord de rêve. Sur le dernier quart du plat (un porc a toujours quatre pattes), je verse le Richebourg. Un nez assez envoûtant de bourgogne ceint d’une tenture lourde. Le vin est objectivement fatigué, mais il raconte des histoires de Bourgogne. Il y a de la poussière, surtout du sel, mais on sent en filigrane l’autiste qui voudrait parler. Il y a un message qui ne demande qu’à être lu. Alors, selon que l’on sera rigoriste ou bienveillant, on aura un bourgogne fatigué ou un parchemin qui guide vers un trésor. Ce message balbutié m’a plu.

J’avais promis à Patrick Lair de lui faire goûter, mais le service n’attend pas. Aussi, après le service, nous voilà, Philippe Bourguignon, Patrick, Guislain, devant le dernier vestige, le plus concentré, et Olivier Poussier, qui était de passage, nous rejoint. J’avais pris la précaution de dire : « voici le témoignage d’un vin en fin de vie ». Or à ma grande surprise, chacun de ces grands palais va vanter les mérites de ce vin, l’un lui trouvant un beau fruit, l’autre s’extasiant devant la pureté du message. Philippe est manifestement surpris de le voir si beau. Le vin avait survécu, et bien. Il faut bien se méfier des impressions hâtives.

J’avais donné rendez-vous à un ami expert en vins après ce déjeuner. Je lui fais goûter le Riesling. Comme moi, il trouve le parfum d’une race immense, mais le palais un peu court, pas assez à l’image de cette icône. Et l’odeur du Richebourg, puisqu’il ne restait plus que ça, l’a subjugué. Ce vin, en dégustation comparative, serait mis au placard. Seul, on l’écoute, et l’on voit qu’il raconte de belles histoires bourguignonnes. N’est-ce pas le principal ?