un beau Chambertin chez Jacques Le Divellecmercredi, 18 octobre 2006

J’invite à déjeuner un journaliste gastronomique pour le simple plaisir de parler de gastronomie. Je réserve chez Jacques Le Divellec, car l’assassin revient toujours sur le lieu de ses crimes : j’y ai fait un des plus mémorables de mes dîners. Subodorant que notre expert en restauration, auteur d’un guide connu, n’est pas forcément un accro des vins anciens, je fais déposer une bouteille ancienne, mais pas trop, pour que ma persuasion soit efficace.

Après de délicieuses crevettes grises (la crevette grise partage avec quelques produits, dont le saucisson une propriété : « quand c’est pas bon, c’est pas bon, mais quand c’est bon, qu’est-ce que c’est bon ») et deux petits amuse-bouche marins, de belles huîtres fines de claires d’Oléron d’un petit calibre vont cohabiter avec champagne Bollinger Grande Année 1997. Ceux qui ont de l’année 1997 une image de tendresse délicate vont devoir réviser leur calendrier. Ce champagne est impérieux, puissant, vineux. Son année lui donne effectivement une caresse particulière. Mais c’est imposant. Avec l’huître, la cohabitation est parmi les plus pacifiques.

Nous goûtons ensuite un des plus classiques de Jacques Le Divellec, le foie gras en terrine fourré de langoustine. Cette ajoute ne s’impose pas, car le mariage avec le Bollinger, qui marche agréablement, n’est pas nécessaire à ce stade.

Pour mon vin, Jacques a adapté la recette de son bar en créant une sauce légère au bourgogne (un Marsannay). Le Chambertin Clos de Bèzes Pierre Damoy 1961 ouvert depuis quatre heures, au niveau parfait, au bouchon exceptionnel d’homogénéité, à l’étiquette de vin à deux sous, est absolument phénoménal. Son nez est impérial. Il attaque sur un fruit de bambin, s’impose par sa puissance, et montre, comme par magie, combien les vins anciens ont un structure inégalable. Ce vin a un équilibre, un fruité qui sont inimaginables. Olivier, le sommelier et Jacques, le chef, le boiront avec un plaisir indicible. Notre journaliste aura senti que les certitudes des sceptiques des vins anciens sont à remettre en cause. Ai-je réussi ma démonstration ? J’ai pris avec ce vin à l’aspect roturier un plaisir de première grandeur.