Santiago et Valparaisolundi, 4 janvier 2010

Voyage de Silke et François Audouze janvier 2010

 

Ce compte-rendu de voyage a été rédigé pour garder la mémoire des événements qui nous ont marqués. Il n’a normalement pas sa place sur le blog, puisqu’on n’y parlera pas de vin. Il ne sera pas inclus dans les bulletins. Il a été mis dans l’année 2001, pour ne pas dévier du contenu qui est destiné au vin.

 

Le texte ajoute aux milliers de photos que nous avons prises. Pour celui qui lira ce texte, tout n’a pas autant d’importance que pour nous. Mais c’est la loi du genre, comme pour les photos de vacances, qui font moins exploser de rire ceux qui n’y étaient pas.

 

Il est recommandé de lire dans l’ordre du voyage.

 

Santiago et Valparaiso

 

3 janv.-10

 

Pour aller à l’aéroport, j’ai adopté un principe de précaution d’une magnitude qu’on aimerait trouver chez Eurostar quand il neige. J’imaginais que les retours de vacances de Noël bloqueraient les routes. Tout est fluide. Je pensais que le durcissement des contrôles de sécurité allongerait les files d’attente. C’est l’inverse. C’est donc avec quatre heures d’avance que nous sommes à l’aéroport, toutes formalités accomplies.

 

Après un examen succinct des boutiques de luxe de l’aéroport, que faire ? Nous nous présentons au salon d’Air France prévu pour les voyageurs de première classe. L’agent obséquieux, que l’on verrait volontiers en gants blancs, nous reçoit et examine nos cartes d’embarquement. Sa morgue instantanée démontre que nous ne sommes pas de ces gens-là. Il nous rend nos papiers comme s’ils portaient le virus H1N1. Il est vrai que dans le salon dévolu aux voyageurs en classe affaires, tout fait franchement plus « peuple » que « people ». La différence tient en une seule lettre, un « u » au lieu d’un « o » dans peuple.

 

Air France devrait faire un examen de la valeur diététique de ce qui est proposé aux voyageurs en salle d’attente. Il n’y a que des chips et des petits gâteaux sucrés, dont chaque gramme multiplie les calories par un facteur dix. Autour de nous de jeunes couples ou des collègues de travail tous très jeunes qui voyagent en groupe.

 

Nous embarquons dans le Boeing 777 en partance pour Santiago.

 

Le personnel de cabine est d’une gentillesse et d’une serviabilité qui méritent mention.

 

Quatorze heures de vol, c’est assez long, mais supportable. Au moment où le soleil n’a pas encore pointé son nez mais teinte l’horizon d’un rouge puissant qui lutte avec le bleu foncé du ciel, je peux voir un fleuve qui raie tout l’espace visible en serpentant. Il me paraît si large qu’il doit s’agir de l’Amazone. Cette pensée provoque une émotion évidemment intense. Quand ensuite nous survolons la Cordillère des Andes, aux paysages arides, dont le point culminant, l’Aconcagua, est presque au même niveau que notre avion, l’impression d’être embarqués dans une belle aventure est totale.

 

4 janv. 10

 

Les aéroports américains du nord n’ont pas le privilège des attentes aux contrôles douaniers, et la lenteur à l’obtention des bagages montre qu’il y a une universalité dans cette disgracieuse habitude.

 

J’avais parié un repas avec Silke que deux sur quatre de nos bagages seraient perdus. Ce qui est perdu, c’est mon pari.

 

Nous sommes attendus par Lise-Marie, notre guide, qui se fait appeler Luz et par George le chauffeur. Nous apprendrons plus tard que nous avions un tel retard qu’ils allaient partir, croyant que nous avions raté notre avion. Nous nous rendons à Valparaiso. Luz est bavarde et plutôt que de parler de nature, de géologie ou de botanique, elle se lance dans un plaidoyer appuyé sur les mérites du général Pinochet. Quand on a veillé trente heures, quand le désir d’une douche est assez fort, les mérites politiques de l’ex-président chilien n’entraînent pas la vibration qu’elle eût souhaitée.

 

Lorsque nous traversons une plaine riche en vignes qui ressemblent à celles de la Napa Valley, Luz veut me démontrer que les vins chiliens sont les meilleurs du monde. Je me dis que je n’ai pas fait 12.000 kilomètres pour qu’on me parle de vin. J’essaie de faire dévier la conversation.

 

La ville de Valparaiso a été classée au patrimoine mondial de l’humanité. L’urbanisme est une surprise, car cette ville, rescapée d’un fort tremblement de terre en 1906 a vu pousser les maisons en chaque recoin possible. De nombreuses maisons sont à pic sur d’improbables falaises et s’écrouleront dès que la terre toussera.

 

Comme dans d’autres villes de la planète, quand les maisons n’avaient pas de numéros dans les rues, le repère était la couleur vive du crépi. Cette ville est donc un patchwork de couleurs agrémenté en de nombreux endroits d’une grande vétusté et d’une belle saleté. Mais l’on sent les efforts depuis le classement de l’Unesco, d’autant que le gouvernement a offert la peinture et les peintres pour revitaliser ces quartiers.

 

Notre hôtel est situé en hauteur et l’on y a une belle vue sur le port de marchandises.

 

Nous y arrivons à midi et nous n’avons qu’une envie, plonger sur le lit ou sous la douche. La jeune femme de la réception nous annonce que les chambres ne seront libres qu’à 15 heures.

 

Tout d’un coup, la fatigue tombe sur mes épaules comme une chape de plomb. Il va falloir attendre sur la terrasse qui surplombe le port que la chambre soit enfin libérée.

 

Peu avant l’heure dite nous prenons possession de notre chambre charmante qui possède sa propre terrasse face à la baie de Valparaiso. Après une douche réparatrice, nous partons visiter la ville. Les rues sont en pente forte. Un funiculaire vétuste nous fait peur. Est-ce celui que nous emprunterons demain avec notre guide ?

 

Les immeubles des abords du port sont d’une laideur absolue. Sur la rue la plus passante, de petites échoppes vendent de tout et de rien, nourriture, articles de bureau, téléphones. Il y a des agences de voyage, des banques dans des immeubles cossus qui contrastent avec la grisaille de beaucoup de commerces. Dès qu’on quitte les grands axes, la vieille ville est charmante. Les couleurs des maisons sont belles, avec des harmonies ravissantes. Beaucoup de maisons sont taguées par de vrais artistes aux codes internationaux. De minuscules boutiques vendent des articles de mode, des bijoux ou de l’art qui dénotent un goût certain. Cela m’évoque certains quartiers de San Francisco ou Greenwich Village à New York. La visite est intéressante.

 

Nous revenons à notre hôtel pour reposer nos pieds mis à mal par ces chemins pentus. Le dîner ne laissera aucune trace dans nos esprits, tant l’envie de compliquer les plats pour faire semblant d’être un grand chef achoppe sur l’exécution.

 

Demain, visite guidée de Valparaiso

 

5 janv. 10

 

La nuit, il faut fermer tous les rideaux et tous les persiennes. Car le port de marchandises fonctionne 24h sur 24 et l’espace est éclairé pour la sécurité au travail.

 

Le matin, un beau soleil éclaire la baie et le port. Le petit déjeuner est sympathique, tout annonce une belle journée.

 

La douche ! Ah, il y aurait un livre à écrire sur les douches d’hôtel. Ici, baignoire et douche ne font qu’une. Une paroi de verre fixe couvre la moitié de la baignoire, ce qui implique quasi automatiquement que l’on va créer une petite inondation si l’on utilise la douche. Il me semble que les designers des douches ne doivent jamais prendre de douche. Ils doivent fonctionner comme ces architectes qui font des maquettes des ensembles qu’ils projettent dont l’objet est de flatter l’ego des signataires du gros chèque plutôt que de donner du confort de vie aux futurs habitants. Car la pomme de douche extra large est fixée à un tuyau fixe et non souple comme l’on faisait jadis. Et bien sûr, quand on veut régler la douche, les gouttes froides nous guettent. Le soi-disant modernisme et le design ont tué le plaisir des douches.

 

A l’heure dite nous retrouvons George et Luz qui est étonnée de voir que nous avons déjà visité tant de sites. Dans la même vieille ville nous continuons à explorer de belles maisons, de beaux tags, et, d’un mirador, terme qui désigne un joli point de vue, nous voyons arriver le « Sea Princess », un gigantesque bateau de croisière qui fait la navette, si l’on peut dire, entre Buenos-Aires et Santiago. Sa manœuvre d’une lenteur majestueuse dans le port est impressionnante.

 

Nous partons visiter le musée de Pablo Neruda, maison qu’il a habitée, située en hauteur, équipée comme un bateau et jouissant d’une vue exceptionnelle. Cette minuscule maison de cinq étages ressemble à un bateau. Là sont rassemblés des milliers d’objets d’art qui ont jalonné la vie de l’écrivain ambassadeur. Dans le salon un oiseau de paradis empaillé déploie ses ailes dans une bulle transparente en plastique. La visite est éclairante sur la personnalité de ce personnage important de l’histoire du Chili, qui a longtemps séjourné en France.

 

Nous nous promenons ensuite dans un ensemble de maisons extrêmement intéressantes pour leurs formes architecturales, leurs couleurs et leurs tags. Les couleurs de cette ville sont d’une rare beauté. Nous prenons un funiculaire dont la cabine semble avoir plus d’un siècle.

 

Les visites qui suivent, faites en voiture ont nettement moins d’intérêt, car il s’agit de points de passage obligés qui ne sont pas marquants. La maison du parlement voulue par Pinochet est un gigantesque immeuble aussi beau qu’un hôpital de province. La place principale avec la statue du héros de la guerre de 1899 ne dégage aucune émotion.

 

Si notre Eiffel savait toutes les charpentes qu’on lui prête, il serait étonné, car le marché couvert aux fruits et légumes a une charpente métallique. De là à l’attribuer à Eiffel, il y a peut-être de l’extrapolation. Luz nous offre des fraises à croquer qu’elle achète à l’un des marchands aux étals éphémères.

 

A la pointe extrême de la ville nous prenons un funiculaire qui mène à un promontoire d’où la vue est saisissante sur la baie et sur le port. Comme au Sacré-Cœur, le lieu appartient aux marchands d’objets attrape touristes. Nous avons déjeuné avec Luz au « Café del Mirador » où la vue est belle et le poisson purée fort comestible pendant qu’un petit guitariste nous chante des œuvres à la gloire de Valparaiso avec un beau filet de voix.

 

Le soleil sournois a peint en rouge crabe le haut de mon crâne. Il me faut vite acheter un bob marqué « Chile » à l’un de ces marchands du temple. Assommé par le soleil, j’écourte la journée guidée.

 

Nous allons voir la mer d’un promontoire devant lequel des pélicans glissent dans les airs, planant sur le fort vent venant du large. C’est en ce lieu à la vue majestueuse qu’un cimetière marin est installé à l’espagnole, avec un alignement horizontal et vertical de cases tombales.

 

Nous passons devant le restaurant où nous irons ce soir, le restaurant « Turri ».

 

Après un peu de repos, nous allons à pied au restaurant Turri. Nous passons devant des galeries d’art qui attirent l’attention de Silke. Le vent étant tombé, nous pouvons dîner sur une terrasse face à la mer. Entre le restaurant situé sur un « mirador » et la mer, tous les immeubles sont laids. Notre guide avait vanté la qualité du restaurant. C’est une honnête cantine sans plus.

 

6 janvier 10

 

Le lendemain matin, après un petit-déjeuner toujours aussi agréable, avec du vrai jus d’orange, nous devons faire nos valises. Il faut scinder nos valises en deux contenus, l’un qui nous accompagnera à l’île de Pâques et l’autre que nous laisserons à l’aéroport en consigne. Il fait une chaleur intense, et les coups de soleil sont très vite brûlants. Une rapide collation à l’hôtel, avec un service toujours aussi approximatif, et nous quittons l’hôtel Casa Higueras. Cet hôtel a très peu de chambres, ce qui devrait signifier un service attentionné. Or en fait tout est marqué par de l’amateurisme. Il faut attendre vingt minutes pour avoir un thé sur la terrasse, le petit déjeuner annoncé dans dix minutes en prend trente, etc. Il est peu probable que nous reviendrons à Valparaiso, car cette visite suffit. Si nous revenons, nous choisirons un autre hôtel.

 

Luz et George sont en avance. Nous envisageons de laisser nos valises à l’Holiday Inn de Santiago où nous coucherons dans quatre jours à notre retour de l’île de Pâques. Les manœuvres que nous faisons subir à nos valises entre l’hôtel qui ne veut pas les prendre, la consigne qui n’est pas à l’étage où nous nous rendons, toutes ces allées et venues produisent en moi un stress difficilement contrôlé. Quand enfin nous avons passé toutes les formalités, il reste du temps pour que je retrouve mon calme avant le départ de l’avion pour l’île de Pâques.