Saint Vincent de vignerons à l’Assiette Champenoise avec 5 chefs totalisant 14 étoilesmercredi, 22 janvier 2020

Un groupe de vignerons comprenant les maisons Alexandre Chartogne, Bérêche et Fils, Frédéric Savart et Pierre Péters organise la célébration de la Saint-Vincent au restaurant de l’Assiette Champenoise à Tinqueux. Les vignerons invitent leurs distributeurs, des professionnels du monde du vin et leurs amis pour des dégustations à partir de 17 heures, un apéritif à partir de 19 heures et un dîner dans la grande salle du restaurant.

Pour la cuisine, les organisateurs ont fait très fort, car le menu est réalisé par cinq chefs étoilés cumulant 14 étoiles ce qui est assez impressionnant. Il y a Arnaud Lallement, le chef du restaurant qui nous reçoit, Arnaud Donckele le chef du Cheval Blanc Saint-Tropez et bientôt du Cheval Blanc Paris à la Samaritaine, Christophe Bacquié le chef de l’hôtel du Castellet, Emmanuel Renaut le chef du Flocon de Sel à Megève et Olivier Nasti le chef de l’hôtel Le Chambard à Kaysersberg.

Je suis invité par Rodolphe Péters qui organise à partir de 17 heures une dégustation des champagnes rosés de sa maison. Nous pouvons boire les Champagnes rosés Pierre Péters sur des bases de 2014, 2013, 2012, 2010, 2008 et 2007. Il y a donc six champagnes différents qui ne renferment pas de pinot noir dans leur construction, pour garder l’esprit du Mesnil, Mecque du blanc de blancs. Ces champagnes ont été dégorgés au bout de deux ans pour les trois plus anciens et au bout de trois ans pour les plus récents.

De cette dégustation je retiens le 2014, qui me plait pour sa fraîcheur joyeuse et sa spontanéité, et le 2008 pour la richesse de sa construction. Autour de moi beaucoup ont aimé le 2013 qui est très prometteur mais demandera quelques années pour s’exprimer. Tous ces rosés montrent des aptitudes gastronomiques certaines, du fait de leur précision.

A l’apéritif qui suit on peut boire le Champagne Ambonnay Grand Cru Bérêche et Fils 2014, le Champagne Accomplie Frédéric Savart sur base 2009 et le Champagne Chemin de Reims Alexandre Chartogne 2013. Il y avait tellement de gens à rencontrer et avec qui discuter que je n’ai pas eu une attention suffisante aux bons champagnes qui nous ont été proposés. J’ai le souvenir d’avoir été très favorablement impressionné par le Chartogne. J’ai discuté avec des invités du Canada, de Suède, des Etats-Unis vivant en France, des asiatiques vivant aussi en France, des restaurateurs de Montpellier, un vendeur de vins de Monaco, un gestionnaire d’hôtels des Maldives et beaucoup d’autres encore.

Nous passons à table et nous sommes 62 répartis généralement en tables de huit. Je suis à la table de Rodolphe Péters et son épouse où il y a une majorité féminine. Avant le repas, les vignerons font ensemble un discours de bienvenue en se présentant et ensuite chaque chef annonce le plat qu’il a conçu. Le menu ne sera donné qu’en fin de repas, aussi est-ce l’aventure malgré les présentations initiales.

Voici le menu avec entre parenthèses le chef qui a conçu chaque plat : endive en pleine terre D. Grifffon, condiment fruits secs, jus de saké (Arnaud Lallement) / langoustine royale, citron caviar M. Bachès, nage réduite (Arnaud Lallement) / homard bleu, miel de châtaignier et romarin, artichauts et grenailles délicates au jus (Arnaud Donckele) / cardon épineux de Plainpalais, comme un risotto, truffe noire du Périgord (Emmanuel Renaut) / merlu de ligne en filet, cuisiné au beurre mousseux, pomme de terre ratte aux éclats de truffe noire (Christophe Bacquié) / dos de biche des chasses d’Alsace, griottes, sauce rouennaise (Olivier Nasti) / gnocchis de pomme de terre, vin jaune, comté (Arnaud Lallement) / faisselle de Megève, fine coque de meringue suisse, salade de fruits et légumes (Emmanuel Renaut) / vanille, feuilletage craquant (Grégory Masse de Reims).

Ce fut un festival de talents variés. Avec trois ‘trois étoiles’, un ‘deux étoiles’ et trois MOF (meilleur ouvrier de France) sur les cinq chefs, on a la crème de la crème de la gastronomie française. L’endive est une magnifique réussite, savoureuse tout en étant fortement typée et le Champagne Les Montjolys Grand Cru Pierre Péters magnum 2012 se marie très bien au plat dans un accord viril.

La langoustine royale est d’une cuisson exceptionnelle et d’une tendreté admirable. Le Champagne Heurtebise Alexandre Chartogne 2016 a déjà une maturité surprenante. C’est la première fois que je bois un champagne de ce millésime si jeune et je suis conquis. Beaucoup d’autres vins auraient convenu à ce plat emblématique.

Le homard bleu est d’une rare subtilité. Le Champagne Les Noues Premier Cru Frédéric Savart 2015 est agréable, mais le plat aurait demandé un champagne plus ancien ou un vin blanc vif.

Le cardon, légume ancien proche de l’artichaut m’a surpris, car il est coupé en minuscules dés, comme la truffe, et la mâche est difficile, ce qui ne rend pas le plat plaisant, du moins pour mon goût, avis partagé par plusieurs à ma table. Le Champagne Le Cran Premier Cru Bérêche et fils magnum 2008 est riche et plein mais à ce stade du repas, un champagne ancien m’aurait plu. Heureusement, il va venir.

Le merlu de ligne est présenté dans une énorme coque noire qui a conservé tous les arômes du plat délicieux, d’une belle cohérence. Jean-Marc Roulot, présent à cet événement, nous a fait un cadeau appréciable car toutes les tables ont été servies d’un Meursault Les Perrières Jean-Marc Roulot magnum 2009. Quel beau vin ! Il est riche, fluide, à la minéralité bien maîtrisée. Le format magnum lui donne de l’ampleur et son âge est idéal. L’accord est superbe car la présentation de la chair du merlu en gros pavé lui donne une mâche idéale.

Le dos de biche avec ses accompagnements est, à mon goût, le plus beau plat du repas car c’est le plus gourmand et généreux. La vigneronne toute menue et souriante qui est assise à la droite de Rodolphe Péters, Maria Teresa Mascarello, a apporté des magnums de Barolo Bartolo Mascarello magnum 2009 qui est un vin très féminin comme la vigneronne, d’une délicatesse extrême, comme la vigneronne, avec des accents superbement bourguignons. Tout en ce vin est subtil et fin. Il est ensorceleur.

Les gnocchis sont d’un goût virevoltant. Le plat interpelle et on l’adore. Le Champagne Réserve Familiale Blanc de Blancs Pierre Péters 1969 est magnifique, d’une grande personnalité et incisif et dompte les gnocchis pour un accord enthousiasmant. Accord subtil et grand champagne.

Le dessert à la fine meringue est frais et enjoué. Il est accompagné d’un alcool surprenant, une liqueur d’abricots, L’Abricot du Roulot. Et l’accord se trouve très bien avec la salade de fruits et légumes mais aussi avec la vanille.

J’avais apporté dans ma musette un Muscat Mas d’Eu mis en bouteille en 1889. J’ai fait préparer au bar une vingtaine de verres de ce muscat, afin qu’il soit bu par ma table bien sûr, mais aussi par tous les vignerons présents et par tous les chefs. Tous ceux avec qui j’ai parlé de ce muscat sont surpris de sa force, de sa puissance et de la richesse de ses évocations. C’est un muscat qui rappelle pour certains de très vieux madères. Ce vin a une longueur infinie. J’ai fait des heureux, ce qui était l’objet de mon apport.

Après le repas, les vins ont coulé à flot car les vignerons avaient apporté de très nombreuses bouteilles à partager. J’ai discuté avec quelques convives et je me suis éclipsé alors que d’autres convives insatiables ont continué à boire et à deviser jusque tard dans la nuit.

Que dire de cet événement unique à plus d’un titre ? Il faut tout d’abord signaler la générosité de ce groupe de vignerons, la générosité de Jean-Marc Roulot et de la charmante piémontaise Maria Teresa Mascarello. Ensuite la visible complicité entre des chefs talentueux, heureux de se trouver ensemble pour créer des plats formant un repas inoubliable. Ensuite encore le caractère cosmopolite de cette assemblée d’amis ou partenaires de vignerons. Ensuite encore l’implication de tout le personnel de cuisine et de service, car d’un part l’immense cuisine d’Arnaud Lallement, envahie par cinq chefs et leurs adjoints, ce n’est plus une ruche, c’est une manif ! et un service de 62 personnes lorsque les cuissons sont faites à la seconde près, cela implique un personnel de service surnuméraire pour que chacun profite de la cuisson parfaite des plats au même moment.

De tels événements font honneur à la gastronomie française. Tout fut amitié, complicité et talent. Vive la Saint-Vincent de ces chaleureux vignerons.


la dégustation des rosés de Pierre Péters

les vignerons et les chefs présentent le programme du dîner

mon apport

belle photo des chefs