réveillon du 31 décembre avec des vins en grands formatsvendredi, 1 janvier 2021

Ayant prévu pour le réveillon du 31 décembre des flacons de grands volumes, j’ai commencé les ouvertures de trois magnums avant midi. Le nez du Lafite 2001 est noble et conquérant. Le nez de l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2007 est d’une subtilité raffinée et le nez du Vega Sicilia est une bombe de fruits gourmands. Vers 16 heures j’ouvre le jéroboam de Veuve Clicquot La Grande Dame 2008. Le bouchon demande de gros efforts pour l’extirper. Le pschitt est de belle énergie et le parfum est intense et prometteur.

A 20 heures les amis arrivent. Nous sommes neuf, dont huit buveurs, puisque ma femme ne boit pas, sauf l’Yquem 1989 que nous boirons au dessert, à la couleur d’un or joyeux et intense, et au parfum ensoleillé mais réservé, que j’ai ouvert en même temps que le champagne.

L’apéritif consiste en du cœur de saumon, des anguilles fumées découpées en petits morceaux, des tranches de foie gras qui seront recouvertes de fines lamelles d’un truffe odorante offerte par des amis. Il y aura aussi un pain fait à l’huile d’olive appelé la pompe, qui fait partie des treize desserts de la Provence pour le réveillon. Du gouda au pesto et des palets au parmesan complètent la variété de ce que l’on grignote sur le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame Jéroboam 2008. Sa couleur est claire et sa bulle est active. Ce champagne est très confortable tout en ayant une belle vivacité. Il convient bien au saumon, ce dont je n’étais pas totalement sûr, et mieux encore à l’anguille fumée. Mais c’est avec le foie gras, avec ou sans truffe, qu’il s’exprime le mieux.

Avant de passer à table, chaque convive doit trouver sa place en trouvant la solution d’une énigme relative à son prénom. J’essaie de créer des énigmes qui diffèrent chaque année et de les rendre hermétiques. Deux énigmes sur neuf ont été trouvées, ce qui est un très bon score.

Nous passons à table et le champagne va accompagner deux entrées au caviar. Des coquilles Saint-Jacques crues sont recouvertes de caviar osciètre prestige Kaviari. Le sucré des coquilles et le salé du caviar forment un accord d’anthologie. La seconde entrée est un œuf coque mollet recouvert de caviar. Cette combinaison, à mon goût, est encore plus raffinée que celle avec la coquille. Le champagne manque un peu de largeur face à ces deux entrées et c’est à cette occasion que je constate qu’il lui manque aux moins dix ans d’âge pour soutenir la vigueur de ces deux plats. Un Dom Pérignon d’une trentaine d’années eût mieux convenu.

Sur le boudin blanc truffé sur lequel on distribue des lamelles de truffe est servi le Château Lafite-Rothschild magnum 2001. Le parfum de ce vin est d’une riche noblesse. Il s’impose et ne se discute pas. En bouche, sa richesse impressionne. Il a une mâche, un grain d’une grande persuasion. Et progressivement, c’est son côté truffe qui prend le dessus. Ce vin est d’une grande élégance et d’une belle énergie. Il est brillant et tous les amis le trouvent exceptionnel.

Notre boucher traiteur fétiche m’avait dit que les tranches de filet de bœuf devraient être mis au four à 40 degrés pendant 45 minutes, pour que la viande soit chaude au moment où on la servira après être poêlée en « tourne et retourne ». La viande arrive parfaitement tendre sur nos assiettes et une amie restauratrice remarquera immédiatement ce petit détail si souvent oublié par des restaurateurs qui servent des viandes au cœur trop froid.

Les amis qui ne connaissaient pas le programme des vins sont impressionnés quand se présente l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti magnum 2007, car le domaine jouit d’un prestige unique. La couleur dans le verre est claire comparativement à celle du Lafite. Le vin exhale des senteurs subtiles et raffinées, envoûtantes. En bouche nous sommes tous subjugués par le charme du vin. Les marqueurs habituels des vins du domaine de la Romanée Conti ne sont pas encore très affirmés car le vin est jeune, mais son message est magnifiquement bourguignon. Il a la jolie râpe bourguignonne. Il est spectaculaire et dégage une émotion extrême. Un ami amateur de vins dit que c’est le plus grand vin qu’il ait jamais bu. L’enthousiasme est total comme on le verra dans les votes.

Les fromages sont un saint-nectaire, un fromage Jort, un époisses et un Brillat-Savarin. Le Vega Sicilia Unico magnum 2007 est une bombe olfactive de fruits rouges et noirs. Le vin est vraiment jeune, et je suis un peu déçu, car j’attendais une aimable confrontation, mais il y a un écart de complexité très important entre les deux 2007. Le vin espagnol, du fait de sa jeunesse a un fruit encore trop dominant pour qu’on puisse lire ses complexités. Le vin a de l’avenir va beaucoup gagner avec l’âge, mais à ce stade, il n’a pas le niveau des deux vins qui l’ont précédé. Cela n’entame pas mon attirance vers ce grand vin.

Le dessert sera composé de Kouign-Amann et de mangue crue. Le Château d’Yquem 1989 a une couleur foncée d’un bel or ambré. Le nez qui était assez sage à l’ouverture s’est élargi et délivre les fragrances d’un grand Yquem de fruits dorés. En bouche c’est toujours un plaisir de goûter un élixir qui fond dans le palais, lourd, intense et de longueur infinie. J’avais lu dans de bonnes feuilles qu’on ne prend jamais de dessert sucré avec un sauternes. Le Kouign-Amann est une exception à la règle, et ce pourrait être dû au beurre abondant qui adoucit sans doute la force du sucre. Avec la mangue, le vin et le fruit se parlent comme des compagnons de régiment. Ce temps du repas est un temps fort.

Ma fille m’avait hier demandé de façon péremptoire d’ouvrir un Maury. Elle récidive en demandant que l’on serve la suite du Maury Mas Amiel Prestige 15 ans d’âge que j’avais acheté il y a sans doute trente ans. Il a accompagné ce qui reste de Kouign-Amann et des morceaux du cake aux fruits confits.

Il est temps de voter. Six vins sont en compétition et nous sommes huit à voter puisque ma femme ne vote pas. L’Echézeaux a obtenu sept votes de premier. Un seul autre vin a été nommé premier, le Maury. Devinez qui l’a élu ? Ma fille qui a vraiment un penchant pour ce vin doux.

Un ami fidèle a le même vote que moi et notre vote est le même que celui du consensus : 1 – Echézeaux DRC 2007, 2 – Lafite-Rothschild 2001, 3 – Yquem 1989, 4 – La Grande Dame VCP 2008, 5 – Vega Sicilia Unico 2007.

Ce dîner a été exceptionnel tant au niveau des accords mets et vins que des vins eux-mêmes. S’embrasser à minuit en se touchant les coudes seulement avec son coude, c’est une expérience que je n’avais encore jamais vécue. Nous étions si bien ensemble, car nous nous connaissons tous de longue date, que le réveil indiquait 3h30 lorsque je me suis couché.

Il est toujours intéressant de goûter les vins le lendemain lorsque les bouteilles ne sont pas vides. Il reste du Lafite et du Vega Sicilia Unico. Les vins restés sur place ont la température de la pièce alors que les vins hier avaient été servis sortant d’une armoire à 15°. Le Lafite 2001 a une énergie et une densité qui sont immenses et le parfum de truffe est encore plus fort. Le vin est grand.

La grande surprise est celle du Vega Sicilia Unico 2007. Je le retrouve comme je l’aurais souhaité, conquérant, complexe, et délivrant des notes mentholées dans le finale d’une adorable fraîcheur. J’aurais dû ouvrir ce vin un jour avant et surtout le vin aurait dû être servi à température de pièce. Il aurait alors délivré ce qui fait sa grandeur.

Cet essai du second jour me rend encore plus heureux de ce réveillon réussi et si chaleureux.

mise en place de la table

couleur de l’Echézeaux

apéritif

repas