Repas impromptu en des terres inconnuesjeudi, 10 février 2005

Je rencontre un ami écrivain du vin pour parler de l’Académie des vins anciens. Il me dit qu’il va visiter une cave, où il doit retrouver l’un de mes amis, qui organise des dîners pédagogiques d’exploration des vins par région. Je me joins au cortège et j’arrive dans une gentille cave parisienne créée par des vignerons bordelais, pour distribuer leurs vins et les vins de leurs amis. Je préfère ne pas citer de nom, ce qui limite évidemment l’information, mais je ne veux pas dire de mal. Un Bordeaux blanc 2001 ouvert sur une table de dégustation m’est proposé. C’est du blanc, c’est tout ce que cela m’inspire, sans aspérité et sans âme. Nous allons avec les propriétaires au restaurant Giufeli, gentille table de qualité où le saumon était du saumon et la joue de bœuf de la joue de bœuf (cette expérience justifie pleinement les guides, car si des gastronomes experts approuvent de telles adresses, cela évite des expériences malheureuses). Le vin rouge 2002 du même domaine que le blanc concourt avec lui dans le manque d’intérêt. Cent pour cent merlot, quatorze mois de fût neuf. Tout ça fleure bon le jus de copeau court et sans inspiration. Un château 2000 de la même lignée ne m’inspire pas beaucoup plus et il faut attendre le Saint-Émilion Grand cru 1998 de la famille pour qu’on boive enfin du vin. On comprend que je ne veuille pas citer de nom. Je ne suis pas du tout prêt à adhérer à ces vins qui sont du bois et de l’alcool. Cette tendance moderne est une impasse. Les Poulsard et Trousseau que j’ai bus dans le Jura n’ont peut-être pas encore gagné leur place sur ma table, contrairement aux jaunes, mais au moins ils expriment quelque chose de vivant, créé par leur terroir. Quand la technique et quelques mois de bois de plus tendent à excuser la pâleur du terroir, je ne marche pas. Je préfère un petit vin de pays à un vin qui veut jouer les grands, prétend faire comme eux et échoue dans la banalité (en anglais : « déjà vu »). On aura noté que je n’ai pas parlé de l’appartement des Gaymard, ce qui souligne l’originalité de ce message.