Repas de famillemardi, 13 janvier 2004

On a parfois envie de fêter un événement, juste comme ça. On choisit alors de quoi se faire plaisir, simplement.  Les repas inopinés que l’on décide au dernier moment m’excitent toujours beaucoup. Le champagne Charles Heidsieck 1985 est un excellent champagne. Sa couleur devient plus profonde, il a pris une belle maturité qui densifie sa personnalité. Il ne faut pas chercher une typicité affirmée mais au contraire une belle rondeur de beau champagne bien fait. Sur une soupe aux lentilles et au foie gras, plat populaire mais populaire chic, il crée de belles excitations gustatives. Le Château Lafleur Pétrus 1969 serait incapable de cacher une seule seconde qu’il est Pomerol tant cela transpire. Très affirmé, légèrement torréfié, avec des tannins puissants, il montre que 1969 n’est pas encore à ranger au vestiaire. Il y a cette fois-ci de belles évocations de 1955. Le lapin à la moutarde n’est pas forcément le territoire de chasse des Pomerols, mais le vin a pu tirer quelques belles cartouches. Sur un crumble aux pommes traité « façon pommes » avec grande délicatesse, un château d’Yquem 1979 a montré une brillance plutôt exceptionnelle. Belle couleur qui commence à sentir le soleil. Un nez quasi inexistant, mais en bouche une densité qui n’appartient qu’à Yquem. Plombant la langue, il s’affirme, prend possession de la personnalité. Il n’est plus question de penser à autre chose, car il vous envoûte. Les saveurs de pâtes de fruit, de fruits confits, d’agrumes, si caractéristiques des Sauternes denses se retrouvent là. J’ai même eu des évocations de pamplemousse rose qui le rendaient sec (ce que j’adore), l’espace d’un instant. Ce qui m’a le plus impressionné, c’est qu’on puisse trouver autant de plaisir avec un Sauternes qui n’est pas encore âgé. On explore alors de nouvelles pistes intéressantes. Ce vin se boit ensuite sans plat, comme un alcool dont on cherche à chaque gorgée le nouveau message envoyé par un liquide si loquace.

En reprenant maintenant ce bulletin et en ne regardant que ce qui est écrit en rouge, on constate l’extrême variété des régions et des niveaux explorés. C’est cela qui est passionnant. Et vraiment, est-ce qu’on ne parle ici que de vieux vins ?