Quelques repasjeudi, 3 février 2005

Chez des amis, un Gruaud Larose 1982 ouvert tard est assez froid. Malgré cela, de belles évocations d’un vin qui a déjà une maturité engagée pour un vin théoriquement encore jeune. Par contraste, un flamboyant Lafite-Rothschild 1988 montre une jeunesse pimpante, un bois présent et un structure dense du plus grand plaisir. Voilà un grand vin, qui mettra quelques années encore pour trouver sa vraie trace gustative.

J’ouvre un champagne que j’ai acquis dans des conditions dont j’ai perdu la mémoire. Il s’agit d’un champagne Mailly 60ème anniversaire Grand Cru 1983. Habillé d’une étiquette de fête et d’une capsule barrée de bleu blanc rouge, cette bouteille a un petit coté rétro années 30. Elle était gardée dans une boite métallique octogonale. Le bouchon est chevillé et s’extrait plutôt facilement. La couleur est magnifique de pêche blanche. L’odeur est délicatement miellée, et en bouche, c’est un champagne de grande classe. Très vineux, ce champagne imprègne la langue de façon fort convaincante, en laissant même un peu d’espace à de la légèreté. Moins tenace que des Salon ou des Krug il dénote cependant une forte personnalité et donne un grand plaisir.

Le Château de Sales, Pomerol de 1970, a atteint un stade d’accomplissement de véritable bonheur. Bouchon bien sain, bon niveau, odeur délicieuse dès l’ouverture, ce vin avait tout bon avant de passer l’examen oral. Et c’est bien. Typé Pomerol, il a une sérénité qui fait penser à des 1934 mais jeunes. Je l’ai trouvé à un niveau de performance particulièrement élevé.

Je peux confirmer que j’ai le palais forgé aux vins anciens. Car en prenant contact avec un Haut-Marbuzet 2002 que je servis à la suite, je me dis « ouille, ouille, ouille, que c’est dur ». Or l’un de mes convives me lance : « oh que c’est bon ». Particulier contraste de sensations. En me concentrant, je retrouvai en fait le charme du Haut-Marbuzet, vin de franchise et d’opulence spontanée, qui avait, il y a sans doute quinze ans, peuplé mon ordinaire, car c’est lui que je buvais quasi quotidiennement au cercle où je déjeunais, trouvant dans sa puissance une exception au paysage traditionnel bordelais. Je le goûtai avec plaisir, mais le passage de la sérénité d’un vin de 1970 à cette exubérante jeunesse n’est pas très simple pour moi.