Présentation de vinssamedi, 27 novembre 2004

Les ventes aux enchères se succèdent à un rythme fou en cette période de fin d’année. Pour faire la différence, les sociétés de vente choisissent des lieux flatteurs et des événements connexes. Artus, accolé à Chateauonline, fait une vente à l’Hôtel Meurice suivie d’un cocktail. J’en profite pour aller dire bonjour à Yannick Alléno dans son bureau en sous-sol, irrespirable tant de magiques truffes noires et blanches (une fortune étalée comme chez un diamantaire) explosent d’odeurs enivrantes. Je croque quelques hosties noires et contemple émerveillé les toutes dernières créations de la nouvelle carte. Quelle joie de vivre se dégage de ce chef enthousiaste et convaincu. Auprès de lui je me sens bien, rassuré que la grande cuisine soit incarnée par sa belle personnalité. Je remonte dans les ors et les stucs où des vignerons présentent de bien beaux vins expliqués par Jean-Michel Deluc, l’expert sommelier attaché à Chateauonline. Ce n’est pas la première fois que je l’entends expliquer les vins, et j’avoue que j’aime ses discours toujours positifs, qui savent avec sérénité faire apparaître les beaux aspects des vins. Le savoir est discrètement saupoudré pour ne pas lasser, les descriptions sont expansives, poussant à la limite de l’imagination les analogies. Car, avouons-le, comme j’aurais du mal à reconnaître certaines épices si on me les présentait seules, on comprendra que j’hésite à les trouver dans un vin. Mais c’est avec une belle élégance que Michel Duluc élargit notre champ de vision sur de beaux breuvages. Le champagne Delamotte non millésimé est très élégant. Il est de belle stature. J’ai un peu de mal à m’habituer à Salon 1995, tant ses aînés ont du talent quand le vineux s’exprime. Il va dans peu de temps se révéler magistral (je sens déjà une évolution depuis le dernier essai d’il y a deux mois). Mais c’est encore trop dur à boire, alors que Didier Depond l’aime déjà comme cela. Ce que je peux concevoir, sur une cuisine plutôt rebelle.

Olivier Humbrecht présente un très joli Pinot Gris Windsbuhl Zind-Humbrecht 2002 au nez d’une belle personnalité. Ce vin déjà goûteux va gagner une joie de vivre resplendissante avec quelques années. Ces beaux Alsace ont des choses à dire. Je ne comprends pas bien comment Jean-Michel Deluc peut préférer Clinet 2001 à Pétrus 2001. C’est évidemment un beau Pomerol, mais Pétrus est Pétrus. Comme c’est une question de goût, je peux l’admettre, mais ce Clinet puissant n’est pas, pour l’instant, dans les goûts que je chante.

Taylor’s présente trois vins de Porto de types radicalement différents. Mon Dieu que ces vins ont des choses à dire. Quelle expression, quel charme, quelle jouissance sous-jacente. Bien sûr l’alcool aide. Mais l’impression de ces fruits noirs que l’on croque avec gourmandise, que c’est bon. Si un 20 ans d’âge est rassurant, c’est le coté canaille d’un Quinta de Vargellas vintage 2001 qui me surine de sa brutalité interlope. Antonin Rodet présentait hors programme un bourgogne ordinaire vanté par Jean-Michel Deluc. Franchement je n’ai pas compris ce choix. Un ésotérisme qui m’échappe. Ce qui ne dévalorise en rien cette grande maison.

Je quittais cette belle assemblée car un autre commissaire priseur m’attendait au Fouquet’s. Là, on avait prévu de biens bons petits fours, mais on avait sans doute oublié que l’on recevait des collectionneurs de vins (ou au contraire on le savait), car aucun breuvage ne pouvait retenir l’attention. En revanche les collectionneurs rencontrés avaient du talent. C’est peut-être ce raffinement là qui était visé.