Chambertin 1929 samedi, 25 avril 2020

Pour le dîner d’anniversaire, ma femme a prévu un poulet et des oignons fourrés cuits au four. Et je finirai un saint-nectaire. J’étais descendu en cave hier. J’avais en tête d’ouvrir un Château Latour 1934 qui demande urgemment qu’on l’ouvre, mais ayant oublié le livre de cave, je tâtonne et je prends en main, par curiosité, une bouteille qui immédiatement me dit : « ce sera moi ». Il s’agit d’un Chambertin Coron Père & Fils 1929. La bouteille est très lourde, le cul est profond avec une petite boule. Tout indique qu’il s’agit d’une bouteille très ancienne de réemploi.

Me vient alors un souvenir qui conforte ma décision de prendre ce vin. Au 31 décembre 1999, à 23h55, j’ai servi à table pour le réveillon un Musigny Coron Père & Fils 1899 pour que l’on passe ce changement d’année avec un vin de juste 100 ans. Ce passage est extraordinaire puisque c’est la seule année de toutes nos vies que le millésime, en changeant, change aussi chacun de ses quatre chiffres, aucun n’étant commun avec ceux de l’autre année. C’était aussi à ce moment que tous les ordinateurs devaient s’arrêter, dans une peur comme celle de l’an 1000 (mais pas pour les ordinateurs…). Ce 1929 que je prends en main est vraiment la bouteille qu’il faut pour mon anniversaire. Je la mets debout la veille et à 16h le jour dit je la remonte pour l’ouvrir.

La capsule est belle et saine. Il y a très peu de poussière sous la capsule. Le verre du goulot est extrêmement épais ce qui fait que le diamètre du bouchon est particulièrement petit. Je plante le tirebouchon limonadier pour soulever le bouchon, mais il ne relève qu’une moitié de bouchon, très noire. Je plante la longue mèche avec douceur pour ne pas enfoncer le bouchon. Il remonte sans problème et je vois que le bas du bouchon est très sain. L’intérieur du goulot n’est ni gras ni sali.

La première odeur du vin est une magnifique promesse. C’est doux, discret, mais je sens la subtilité qui ne demande qu’à éclore. Je redescends la bouteille en cave pour que le vin reste au frais et s’épanouisse lentement.

Au moment prévu pour la cuisson idéale du poulet, je vais chercher le vin en cave. Je verse et la couleur me paraît très jeune. Il y a du rouge sang et à peine un peu de tuilé. Le parfum est superbe, c’est exactement ce que je souhaitais, un bouquet tout en suggestion subtile. Ma femme sent le vin. Elle est du même avis. Ce parfum est d’une précision extrême. En bouche le vin est frais, fluide et marqué par une incroyable jeunesse. Si on disait que le vin est de 1979, on ne pourrait critiquer cet avis, alors qu’un demi-siècle le séparerait de la réalité. C’est une des caractéristiques de cette année magique, 1929.

Le finale est long et précis. Je crois qu’on peut parler de vin parfait. Si je devais faire une critique, à la marge, ce serait que le vin manque un peu de largeur, mais j’en aurai l’explication demain. La pureté du vin et sa fluidité sont impressionnantes. Son acidité subtile supporte son énergie. Le poulet est idéalement neutre pour laisser s’exprimer les finesses du vin.

N’ayant pas tout bu je remets un bouchon et laisse le vin en cuisine. Le lendemain midi, le parfum est toujours aussi parfait. Hier le vin avait été bu juste après sa remontée de cave. Là il est servi à la température de pièce et je le trouve beaucoup plus large, glorieux, accompli. Je retrouve le côté généreux du chambertin. J’étais heureux hier et je le suis aujourd’hui. Il n’a pas bougé d’un pouce par rapport à hier mais a gagné en largeur à cause de la température de service. Quel grand vin !

Pour un gâteau au chocolat j’ai sorti pour ma femme et moi une goutte du Madère 1740 ouvert il y a cinq mois et qui a encore de très beaux restes, et j’ai bu, mais après le chocolat, une goutte d’une Chartreuse jaune qui doit bien avoir plus de 40 ans. Une contre-étiquette indique qu’il faut la boire glacée. C’est ce que j’ai fait et à ma grande surprise, on ne perd pas le gras de cette liqueur inspirée.

Un champagne souvenir samedi, 25 avril 2020

Une semaine plus tard, c’est mon anniversaire. Le confinement pousse à l’audace dans les choix. En rangeant ma cave, j’ai retrouvé des demi-bouteilles de Champagne Léon Camuset 1er Cru vinifié par la coopérative de Vertus. Je dois les avoir depuis plus de trente ans et l’une d’elles me semble indiquée pour le déjeuner. Mon grand-père avait une lointaine cousine, une Camuset, à qui il commandait son champagne, régulièrement présent sur sa table. Lorsque jeune enfant je servais la messe à la chapelle où un moine, le Père Jean venait officier en collaboration avec le curé local, cette cérémonie religieuse était suivie de bombances païennes et pantagruéliques car le Père Jean venait chercher la contribution annuelle que lui offrait mon grand-père. Bons vins, large chère, alcools, cigares et des propos de table enjoués. Mon grand-père disait toujours : lorsque je sers ce champagne sans montrer l’étiquette, tout le monde l’adore. Lorsque je la montre, tout le monde boude ce champagne. J’imaginais donc que mon grand-père avait trouvé une pépite et plus tard, quand j’ai commencé à acheter du champagne, ce fut à cette lointaine cousine. Cette demi-bouteille est un vestige de cette époque.

Le bouchon vient sans aucun pschitt, il est très court et resserré dans sa partie basse, ce qui lui donne plus de trente ans. La couleur est d’un ambre affirmé et très beau. En le goûtant, je suis heureux car il offre une belle maturité et une acidité très agréable. Je me sens bien, comme avec une madeleine de Proust. Ce qui est confortable, c’est cette belle maturité avec une petite pointe gracile d’acidité. Il ne m’en faut pas plus pour que des milliers de souvenirs reviennent pour égayer ce déjeuner.

la table préparée par ma femme :

Les grands vins de Bourgogne au 19ème siècle – Livre mercredi, 22 avril 2020

Jacky Rigaux, universitaire, créateur de la dégustation géo-sensorielle et auteur de livres sur le vin, me demande d’aider à la promotion du livre d’un de ses anciens stagiaires, livre qu’il annonce comme passionnant !

Frédéric Villain avait été impressionné par le fait que Jacky Rigaux cite souvent les livres des intellectuels du XVIIIe et du XIXe et il a décidé d’en faire une forme de synthèse très réussie.

C’est publié par Terre en Vues. En voici la présentation :

Frédéric Villain, grand amateur de la Bourgogne viticole, fin dégustateur s’est passionné pour la viticulture de « hauts-lieux », cette viticulture de « climats », comme on la nomme en Bourgogne. Dans cet ouvrage, il nous livre dans une synthèse remarquable l’essentiel de ce que les auteurs du XIXe siècle nous ont légué, une mine inépuisable de recherches et de réflexions au service de cette noble cause : la défense des vins de lieux.

Pour acquérir ce livre à petit prix mais à grand contenu :

livre en souscription

Château Haut-Brion 1947 samedi, 18 avril 2020

Cela fait un mois que nous sommes en confinement. Ce jour est important pour mon épouse et moi car nous fêtons notre 54ème anniversaire de mariage. C’est l’occasion d’ouvrir une belle bouteille. Faisant l’inventaire de ma cave j’ai repéré des bouteilles qu’il faut boire vite. Je jette mon dévolu sur une bouteille de Château Haut-Brion 1947 qui est à la limite basse de la zone de « basse épaule ». La couleur vue à travers le verre de la bouteille m’avait tenté.

A 16h30 j’ouvre la bouteille. Le bouchon est très sale sur le haut, au contact de la capsule. De la poussière noire colle à la capsule. J’estime nécessaire de lever le bouchon avec la grande mèche sans passer par la phase préalable de levée au tirebouchon limonadier. Je tire extrêmement doucement et j’arrive à lever entier le bouchon. Sur trois quarts de la hauteur, le bouchon est noir, comme rongé et heureusement le bas du bouchon est d’un beau liège sain. C’est étonnant que la noirceur ait envahi aussi profondément le bouchon.

Lorsque je sens le vin, un mot s’impose dans mon cerveau : pureté. Ce parfum assez discret ne semble pas avoir été affecté par la baisse de niveau. Nous verrons.

A 20 heures, nous passons à table. Après avoir grignoté quelques chips au fromage et à l’oignon, il y aura des pastillas à l’agneau, un saint-nectaire et des crêpes au sucre. Dans le verre le parfum du vin est pur, délicat et réservé. Le premier contact montre un vin délicat, noble aérien et fluide. Il n’y a aucun signe de puissance ce qui est un peu frustrant.

Mais après quelques verres, la puissance apparaît. Il y a du charbon, de la truffe noire et cette densité propre à Haut-Brion. Et progressivement il montre du charme. C’est manifestement un vin noble, mais je ne suis pas conquis. Et je comprends pourquoi. Le vin est partage, et je n’ai pas de dialogue avec quelqu’un qui boirait le vin avec moi. Ma femme sent le vin et elle sait interpréter les parfums, mais elle ne boit pas. Les sensations sont faites pour être partagées.

Je dirais de ce vin qu’il a la pureté, la noblesse et la fluidité, mais qu’il lui manque un peu d’extravagance, de séduction et de puissance. La lie m’a réconcilié avec lui car elle donne une expression plus intense et plus intime de ce grand vin de Graves.

Histoire de bouchon jeudi, 16 avril 2020

Continuant d’inventorier la cave, je prends en main une bouteille de Vosne-Romanée Bouchard Père & Fils 1971. Le niveau est convenable mais je vois que le bouchon a baissé dans le goulot. La moitié est dans le goulot, et l’autre dans l’air lorsque la bouteille est verticale. Il est urgent d’ouvrir cette bouteille qui est en danger.

Je la remonte à la cuisine et je découpe le haut de la capsule. Le bord du goulot est sale et des morceaux de poussière sont comme cristallisés. On voit dans le goulot du vin un peu sale qui surplombe le bouchon. J’essaie de piquer le bouchon avec la pointe d’une mèche mais rien n’y fait, le bouchon plonge dans la bouteille.

Je carafe le vin et le parfum que je sens est très conforme à ce que devrait être ce 1971. Aucun défaut évident n’apparaît. Nous verrons.

Lorsque je verse le vin dans un verre, le parfum est plus lisible et je le ressens limité. En bouche l’attaque est belle, celle d’un vin large. Le milieu de bouche montre une légère acidité que le nez ne désignait pas et le finale du vin montre une petite imprécision. Le vin est manifestement buvable, mais on est loin de ce que ce vin de ce domaine devrait offrir sur le millésime 1971. Il n’y a pas de secret, quand le bouchon est malade, le vin souffre. Je n’ai pas poursuivi au-delà de trois ou quatre verres.

Le lendemain, il est intéressant de vérifier. Le vin offre un nouveau visage. Il est plus carré et a des tonalités de vin torréfié. Il n’offre aucune émotion suscitant l’intérêt. Une fois de plus on peut vérifier que l’avenir du vin est directement lié à la bonne santé de son bouchon.

Un mois de diète lundi, 13 avril 2020

Nous sommes le 13 avril, le lundi de Pâques. Le 243ème dîner était le 12 mars. J’avais décidé de faire diète et un maximum de sport. C’est ce que j’ai fait. La balance m’en a récompensé. Et en ce mois de 31 jours, j’aurai donc bu seulement quatre demi-bouteilles, dont trois de 1929 et une de 1948. Et comme j’ai utilisé ma timbale, la consommation d’alcool est infinitésimale sur cette période.

Et cela m’a donné une idée. J’ai toujours considéré que ma femme ne buvant pas, je ne boirais pas à la maison, car le vin, c’est le partage. Mais vu le nombre de bouteilles qu’il faut boire très vite car depuis de nombreuses années je ne prélevais quasiment rien dans cette cave, ça me donne envie de continuer à prélever de temps à autre une des bouteilles à risque. A suivre…

un mois !

Deux demi-bouteilles offrent une belle surprise lundi, 13 avril 2020

En continuant l’inventaire de la cave de la maison, je trouve évidemment des bouteilles dont les niveaux ont baissé mais j’ai aussi la belle surprise de voir des bouteilles très anciennes qui ont conservé un niveau dans le goulot pour les bordelaises, et à moins de quatre centimètres du bouchon pour les bourguignonnes. Pâques approche et il me paraît opportun de fêter Pâques et le confinement avec du vin.

Je remonte de cave deux demi-bouteilles qui ont des niveaux très bas ou trop bas. Je commence par ouvrir la demi-bouteille de Château Mouton-Rothschild 1948. Le niveau est sous le bas de l’épaule ce qui s’exprime dans les catalogues des maisons de ventes aux enchères par ce mot terrible « vidange ». Ce Mouton est donc « vidange ». La capsule se déchire lorsque je la découpe, car le centre est collé fortement au haut du bouchon. Le bouchon vient entier. Il est d’une qualité superbe, mais hélas, ça n’a pas suffi pour qu’il joue complètement son rôle puisqu’il y a eu trop d’évaporation.

Le parfum me rassure sur un point, il n’y a aucune trace de bouchon. Le nez est discret, mais semble indiquer que le vin n’a pas de défaut. Par précaution je remets le bouchon au-dessus du goulot pour éviter une aération trop rapide de ce vin fragile.

La demi-bouteille de Château Beychevelle 1929 a un niveau basse épaule, ce qui est beaucoup moins risqué que pour le Mouton. Le bouchon vient entier mais en trois morceaux, car au centre du goulot il y a une surépaisseur à l’intérieur du cylindre, qui bloque la montée du bouchon. Le nez est manifestement très prometteur, annonçant probablement un grand vin.

Ma femme a préparé un coquelet cuit au four et badigeonné d’une fine pellicule de miel à la truffe noire. Il sera accompagné d’un gratin de pommes de terre au parmesan. Les deux vins ont profité de trois heures d’aération, celle du Mouton étant réduite par précaution.

Le Château Beychevelle demi-bouteille 1929 a un nez discret, subtil et raffiné. En bouche, les qualités du parfum se retrouvent à l’identique. Le vin est charmeur, c’est un gentilhomme. C’est incroyable à quel point je suis sensible à sa séduction. Je me sens si bien avec lui.

Le Château Mouton-Rothschild demi-bouteille 1948 a un nez qui s’est affirmé. C’est un vin conquérant. En bouche, il est beaucoup plus affirmé, plus viril que le Beychevelle. C’est un vin puissant et riche. Si le finale est à peine imprécis, cela ne gêne pas la dégustation. Comment est-ce possible qu’un vin au niveau aussi bas, ce qui normalement le condamne, soit aussi présent et gratifiant ? La magie du vin me surprendra toujours.

Les vins sont très différents et beaucoup d’amateurs, choisiraient le plus riche, celui qui a le plus de matière. Mais je ne peux pas m’empêcher de succomber au charme tétanisant du Beychevelle et je m’observe, me demandant comment je peux être aussi énamouré pour ce vin. C’est sans doute l’effet du millésime 1929 que je porte aux nues.

Les deux vins se comportent parfaitement jusqu’en fin de bouteille. Il y a une belle lie noire pour chacun des deux. La magie de Pâques a permis que ces deux vins me ravissent, au-delà de ce que je pouvais espérer.

la couleur du Mouton est à gauche

En confinement, un beau Mouton 1929 mercredi, 8 avril 2020

Juste après le 243ème dîner, la pandémie du coronavirus devenant le seul sujet dont on cause, je décidai de me confiner avant même l’annonce qui sera faite quatre jours plus tard. Ce repli sur soi ne fut interrompu, avant l’annonce, que par les élections municipales. Cette retraite s’annonçant certainement très longue, je me suis dit que ce serait l’occasion de faire régime, ce qui impose de bannir tout grignotage, et de faire abstraction de tout vin. Le Château La Tour Blanche 1928 est donc le dernier vin que j’ai bu avant mon abstinence.

Ma sagesse nouvelle est aussi encouragée par ce que colportent les médias, que l’on abandonnerait à leur sort les personnes de plus de 75 ans. L’idée que la France abandonne ses anciens me choque au plus haut point. Un pays qui ne respecte pas ses anciens n’est pas respectable. Ma diète devenait encore plus nécessaire, si je devais combattre seul cette terrible agression virale.

Seul avec ma femme dans une grande maison entourée d’un grand jardin, du moins grand pour la proche banlieue parisienne, nous avons profité du temps estival et nous n’avons pas à nous plaindre. J’en ai profité pour commencer à inventorier la cave de la maison dont je n’avais que des bribes d’inventaire. Au 26ème jour de mon jeûne, je prends en main une caisse en bois marquée Mouton Rothschild 1980. Je regarde et que vois-je, sept demi-bouteilles de vins très anciens et un souvenir me revient. Il y a environ 35 ans j’avais acheté et j’en étais fier, quatre demi-bouteilles de Château Palmer 1900. Je les avais probablement mis dans cette caisse, car à l’époque le mode de rangement sur les supports en fer qui serpentent ne convenait qu’aux bouteilles. Il y a sans doute trente ans, j’ai voulu en goûter une. Je prends dans la caisse une demi-bouteille et, oh horreur, le vin s’était évaporé. Il ne s’agissait pas d’une baisse de niveau mais d’une véritable évaporation. Tellement triste, je n’ai pas osé regarder les autres, car une perte était déjà une trop grande tristesse.

Depuis, je ne savais pas où elles étaient stockées. Les revoilà et hélas, à des niveaux divers, aucune n’a gardé plus de la moitié de son contenu. Affreux. Dans la caisse il y a des demi-bouteilles de Château Margaux 1929. Les niveaux ne sont pas brillants, comme s’il y avait eu contagion, et l’une d’elles a un niveau sous l’épaule, mais mérite qu’on l’essaie. J’ai donc décidé de briser mon jeûne au 26ème jour, pour goûter ce Margaux 1929.

Je remonte la bouteille et j’extirpe le bouchon en beaucoup de miettes car paradoxalement, alors qu’il y avait eu une perte de volume, le bouchon est très serré dans le goulot. Une forte odeur de bouchon exhale de la demi-bouteille. Y aurait-il un retour à la vie ? En sentant plusieurs fois de suite, cela me paraît compromis. Dans mon rangement, j’avais inventorié quatre demi-bouteilles de Château Mouton-Rothschild 1929. C’est l’occasion d’en goûter une. J’ouvre cette bouteille et le bouchon vient entier. Le parfum est prometteur, d’une grande subtilité.

Ma femme a préparé du poulet. Je verse le Château Margaux demi-bouteille 1929. Le nez est affreusement bouchonné. Mais à ma grande surprise, l’attaque du vin et sa première présence en bouche n’ont aucune trace de bouchon. Le vin est rond, velouté. Ce n’est qu’en fin de bouche qu’une amertume forte rappelle le bouchon. J’ai essayé plusieurs fois de le goûter et l’absence de trace de bouchon pendant la moitié de la dégustation est vraiment surprenante. Je n’ai pas poussé plus loin l’analyse car au total le plaisir n’est pas là.

Le Château Mouton-Rothschild demi-bouteille 1929 offre un parfum beaucoup plus plaisant, noble et subtil et généreux et joyeux. En bouche le vin est moins large que le Margaux mais il a tellement de qualités que la comparaison ne peut pas aller plus loin. Ce vin a du velours, du raffinement et une présence qui rappelle tout ce que l’année 1929 à Bordeaux offre de grandeur. On sent que l’on est sur un millésime mythique. Je jouis grandement de ce noble bordeaux qui a toutes les caractéristiques d’un grand 1929. Il avait montré dans les trois premières gorgées une petite acidité dans le finale, qui a disparu dans la suite de la dégustation. Un comté de plusieurs mois d’affinage m’a permis de finir ce vin délicieux.

Le fait de compenser une tristesse par un grand vin, ce Mouton 1929 compensant la vision de quatre Palmer 1900 morts, me fait penser à une autre compensation. Lorsque j’avais cassé en cave une bouteille de Château Margaux 1900, j’avais tenu à ouvrir une bouteille d’Ausone 1919 et cet Ausone s’est montré un vin totalement exceptionnel, la plus grande émotion d’un Ausone, même au-dessus d’années légendaires.

Je vais reprendre le jeûne et l’inventaire de ma cave que j’ai sans doute trop oubliée au profit de la plus grande cave, car elle est inventoriée.

La lie du Mouton

Collapse of Bordeaux and explosion of champagnes in my consumption dimanche, 29 mars 2020

Collapse of Bordeaux and explosion of champagnes in my consumption.

I have made a study of what I drink for the last 20 years, because I have a data base on that, for 16285 wines drunk. I chose a criteria of age which is : drunk when the wine has less than 20 years, or when the wine has 20 years or more. It is not a study on millesimes, but a study on age of consumption. To understand well what it means, let us take the year 1990. The wines of 1990 that I drank on the period 2000 – 2009 are in the category ‘less than 20 years’ and the wines of 1990 that I drank on the period 2010 – 2020 are in the category ’20 years or more’.

I studied that per region or per color of wine.

Having made this study I found that over the time, there is a collapse of Bordeaux and an explosion of champagnes in my consumption.

Let’s first look at general consumption in three periods: 2000 to 2007, 2008 to 2013 and 2014 to 2020 (as of March 15). These are periods of 417 weeks, 313 weeks and 324 weeks, of which the numbers of wine drunk are fairly close: 5357 – 5973 – 4955 (line 1).

In the first period I was still active in my industrial companies, which explains a lower consumption, or at least, I drank in my industrial activity wines for which I did not always take notes. The second period is one of full activity in my hobby. The pace drops a bit in the third period, and it’s not impossible that age plays a role.

The distribution of consumption between wines of ’20 years and more’ and wines of ‘less than 20 years’ is fairly stable, the percentage of 20 years and more evolving thus: 51% – 50.3% and 52.3%. Note that I drink more than one wine per day over twenty years, which is important. But the wines of my dinners are shared between ten or eleven people and those on other occasions are drunk between three and ten people, and the wines drunk at the winemaker’s place or in the salons are served in portions for about twenty people, this which makes my consumption is relatively low, to which is added the use of a timpani to spit out what I drink, except the champagnes.

Second note, it is generally said that I drink only old wines, but young wines represent 48,8% of what I drink, because there are many occasions in which young wines are served like winemaker’s place or restaurants, or dinner in friends’ homes.

Now let’s look at the situation of the red Bordeaux, which shows a particular collapse. Consumption of red Bordeaux fell from 3 per week to 1.6, which is almost halved. And compared to general consumption, the red Bordeaux decreased from 23.2% to 10.6%. It has dropped by more than half. For Bordeaux under 20 years, it is a great collapse, with a division by three, of 1.2 wine per week to 0.4. This is certainly voluntary, since I find that the red Bordeaux of less than 20 years are far from having reached what they are able to express. But it is also linked to the fact that after buying the 2000 vintage, I stopped buying Bordeaux for two reasons: on the one hand, their price, since for many wines the price of old wines is lower than the price of recent wines from great years and secondly because it is unlikely that I will drink the young Bordeaux in my lifetime. I have only kept purchases of recent wines when I benefit from allocations which require me to buy all vintages. I am surprised that the old Bordeaux wines, which I adore, fell by one third in my consumption over the period 2014-2020 because I have stocks in my cellar that would have allowed me to drink them, even without purchasing. The reason is probably the rise of champagnes.

My consumption of champagnes has almost tripled, with consumption per week of 1.8 – 4.9 and 5.2 bottles per week. The consumption of old champagnes has almost increased fivefold. I drink almost twice as much old champagnes as old red bordeaux, whereas I drank three times less in the first period.

If we look at what is neither champagne nor red bordeaux we see a set of great stability, which seems to show that there has been a phenomenon of communicating vases between red bordeaux and champagnes, for reasons that are not of substitution, because the construction of wine’s types accompanying the meals is little changed but it is due to a love for champagnes and especially old champagnes and a disenchantment for the young red bordeaux which reflected on the old ones too.

What can be taken from this study? I am not really a normal consumer, so my experience cannot be taken as general. But contrarily to people who write on wines, I never drink a wine because I have an obligation to drink it because I will publish a study. I drink a wine because I want to drink it and I am fully free.

I have discovered old champagnes lately, in the 90ies, and my love of old champagnes has dramatically expanded. But why has it only affected my love for red Bordeaux. I think that I have been influenced by the evolution of the prices at the beginning of the 21st century. Crazy prices (for my opinion) when buying and crazy prices in restaurants.

I could have thought that the decrease of Bordeaux would have helped a development of Rhône. It is not the case. And despite a very strong explosion of Burgundy prices, Burgundy has not decreased.

The more probable explanation of the collapse of red Bordeaux is that I am a disappointed lover of red Bordeaux.

Effondrement des bordeaux et explosion des champagnes dans ma consommation dimanche, 29 mars 2020

Effondrement des bordeaux et explosion des champagnes dans ma consommation.

Ayant fait une étude de ce que je bois par grandes régions ou par couleur en distinguant ce que j’ai bu de moins de 20 ans au moment où je les bois et de 20 ans et plus, j’ai constaté qu’au fil du temps, il y a un effondrement des bordeaux et une explosion des champagnes dans ma consommation.

Regardons d’abord la consommation générale en trois périodes ; 2000 à 2007, 2008 à 2013 et 2014 à 2020 (au 15 mars). Ce sont des périodes de 417 semaines, 313 semaines et 324 semaines, dont les nombres de vins bus sont assez proches : 5357 – 5973 – 4955 (ligne 2).

Dans la première période j’étais encore en activité dans mes sociétés industrielles, ce qui explique une moindre consommation, ou du moins, je buvais dans mon activité industrielle des vins pour lesquels je n’ai pas toujours pris des notes. La seconde période est celle d’une pleine activité dans mon hobby. Le rythme baisse un peu dans la troisième période, et il n’est pas impossible que l’âge joue un rôle.

La répartition des consommations entre vins de 20 ans et plus et vins de moins de 20 ans est assez stable, le pourcentage des 20 ans et plus évoluant ainsi : 51 % – 50,3% et 52,3%. A noter que je bois plus d’un vin de plus de vingt ans par jour, ce qui est important.

Remarque : les vins de mes dîners sont partagés entre dix ou onze personnes et ceux dans les autres occasions sont bus entre trois et dix personnes, et les vins bus chez les vignerons ou dans les salons sont servis en portions pour une vingtaine de personnes, ce qui fait que ma consommation est relativement faible, à quoi s’ajoute l’usage d’une timbale pour cracher ce que je bois, sauf les champagnes.

Regardons maintenant la situation des bordeaux rouges, qui montrent un effondrement particulier.

La consommation de bordeaux rouges est passée de 3 par semaine à 1,6 (ligne 3), ce qui fait une baisse de presque moitié. Et en rapport à la consommation générale, le bordeaux rouge est passé de 23,2% à 10,6% (ligne 4). Il a baissé de plus de moitié.

Pour les bordeaux de moins de 20 ans, c’est l’effondrement, avec une division par trois, de 1,2 vin par semaine à 0,4. Cela est certainement volontaire, puisque je trouve que les bordeaux rouges de moins de 20 ans sont loin d’avoir atteint ce qu’ils sont capables d’exprimer. Mais c’est aussi lié au fait qu’après les achats du millésime 2000, j’ai arrêté d’acheter des bordeaux, pour deux raisons : d’une part leur prix, puisque pour de nombreux vins le prix des vins anciens est plus bas que le prix des vins récents de grandes années et d’autre part parce qu’il est peu probable que je boirai les jeunes bordeaux de mon vivant. Je n’ai conservé des achats de vins récents que là où je bénéficie d’allocations qui imposent d’acheter tous les millésimes, comme c’est le cas en Bourgogne.

Je suis étonné que les bordeaux anciens, que j’adore, aient baissé d’un tiers dans ma consommation sur la période 2014-2020 car je possède des stocks en cave qui m’auraient permis d’en boire, même sans achat.

La raison est probablement la montée en puissance des champagnes.

Ma consommation de champagnes a presque triplé, avec des consommations par semaine de 1,8 – 4,9 et 5,2 bouteilles par semaine. La consommation de vieux champagnes a presque été multipliée par cinq, passant de 0,5 par semaine à 2,3 (ligne 7). Je bois presque deux fois plus de vieux champagnes que de vieux bordeaux rouges, alors que j’en buvais trois fois moins dans la première période.

Si on regarde ce qui n’est ni champagne ni bordeaux rouge on voit un ensemble de grande stabilité, ce qui semble montrer qu’il y a eu un phénomène de vases communicants entre bordeaux rouge et champagnes, pour des raisons qui ne sont pas de substitution, car l’équilibre des repas est peu changé mais tient à un amour pour les champagnes et les vieux champagnes et un désamour pour les jeunes bordeaux rouges qui a rejailli sur les anciens aussi.