Nouveau voyage à Bordeauxlundi, 7 juin 2004

Nouveau voyage à Bordeaux. Je persiste et signe : la gare Montparnasse est laide. On connaît des pays peu démocratiques où l’on cherche à contenir toute velléité de culture. En ce lieu, il s’agit d’extirper toute forme de beauté. Je me perds moins dans les rues de Bordeaux où la prolifération des tramways me pèse moins.

Le château Smith Haut Lafitte a des bâtiments d’une architecture originale où les charpentes apparentes en bois ont une importance inhabituelle. C’est étrange mais l’endroit a d’une façon générale un esthétisme de bon aloi. Les Sources de Caudalie ont un niveau d’hôtellerie de classe internationale. La merveilleuse chartreuse à la splendide façade d’un pur 17ème, demeure privée des propriétaires qui l’ont restaurée et aménagée avec un goût raffiné accueille un groupe d’espagnols. Parmi eux, le jeune propriétaire des fabuleux jardins botaniques d’Elche. Dans la cuisine rustique on goûte les blancs de Smith Haut Lafitte. Le 1998 est puissant, technique, imposant. Par comparaison, le 2002 est frais, discret, citronné, de belle intelligence.

Nous dînons au lavoir et par une merveilleuse soirée d’une des plus longues journées de l’année un couple de paons vient saluer le soleil se couchant sur les vignes. Le blanc de 2001 a beaucoup de charme. C’est l’archétype du Graves blanc bien fait, qui miroite de tous ses parfums. Je le déguste sur une viande confite de canard bien dégraissée.

Le Smith Haut Lafitte rouge 1961 de la cave de Florence et Daniel Cathiard se présente avec un nez d’une délicatesse et d’une finesse rares. Ce n’est pas le 1961 qui arrive en fanfare. C’est un 1961 tout en charme. En bouche le message est simple, discret, sans ajoute inutile. Et la synthèse est belle, signe d’un vin de grand plaisir. Un dos de cabillaud me ravit car il l’accompagne avec une subtilité certaine.

Les propriétaires de cet ensemble, dont l’esprit d’entreprise est justement récompensé, ont une saine ambition. Ils peuvent être fiers de ce lieu de charme où se combinent le culte du corps, le culte du bien vivre et le culte du vin. Un original vin blanc doux de Cahors apporté par un jeune sommelier plein de talent glisse en bouche sans histoire. Des discussions se poursuivent ensuite fort tard avec des amis retrouvés sur place, au rythme réglé par un vieux Rhum Clément de bon confort.