L’Union des Grands Crus de Bordeaux présente ses 2003vendredi, 24 février 2006

Le président de l’automobile club de France déclare ouvert le dîner annuel de l’Union des Grands Crus. Il rappelle que Noé fut le premier à faire rougir l’alcootest, et avec un langage fleuri, il nous compte l’histoire de la vigne. Quand au bout de cinq minutes on en est encore à Horus et Osiris, on se dit que la soirée sera longue, mais son discours fait pschent, ce qui est assez abracadabrantesque, et c’est au tour du président de l’Union des Grands Crus de s’exprimer.

Le discours d’un chef d’entreprise donne assez exactement l’indication sur le taux de profit. Si le chef d’entreprise dit qu’il faut donner un nouvel élan à une participation des salariés à la bonne marche de l’entreprise, on se dit que celle-ci fait des pertes. Si le patron passe un temps infini à remercier ses collaborateurs, sans qui rien n’eût été possible, on sait que le niveau de profit est quasi indécent. A chaque situation son discours convenu. Là, quand l’Union des grands crus de Bordeaux présente ses 2003 superbes au moment où l’on s’attend à des prix ahurissants pour les primeurs 2005, à des niveaux jamais atteints, il est urgent de ne rien dire. Jamais discours ne fut plus vide, et cela en dit long. Les grands vins français vont devenir intouchables. Amateurs de vins tremblez. Ce vide discursif (présenté par un président fort efficace et courtois) annonce des prix redoutables.

Avant le dîner, je butine de stand en stand mais il est très dur de juger les 2003. Ceux que j’aime sont évidemment aimés : La Conseillante, Haut-Bailly, Phelan Ségur, Malartic-Lagravière, sont conformes à ce que j’en attends. Une belle surprise vient de Petit Village que je trouve très bon, de La Lagune et de Lagrange. Pichon Comtesse est fidèle à lui-même.

Quand la pièce et les vins se réchauffent, le jugement se perd. On a quand même un joli Coutet, un Fargues serein et un très beau Sigalas-Rabaud qui concluent cette dégustation debout.

A table, c’est un florilège. Clos Fourtet 1990 en dit moins que ce que j’espérais, Fourcas-Hosteins 1995 est bien joli, Maucaillou 1996 est timide, Batailley 1998 est indéniablement plaisant. Les papilles sont assez chamboulées, mais c’est à Fargues qu’ira mon amour avec ce Fargues 1990 de réelle maturité qui rappelle à s’y méprendre un bel Yquem. J’ai eu la joie de rencontrer des vignerons amis et d’être à la table d’Alexandre de Lur Saluces. Le baromètre de l’Union des Grands Crus est au beau fixe. Attendons-nous à des prix sévères.