Les vins du sud sont superbes quand ils ont de l’âgesamedi, 1 août 2020

Nous recevons des amis, dont une vigneronne qui possède un Grand Cru dans l’appellation Margaux. Plutôt que de leur proposer des vins classiques ou conventionnels, j’ai envie de leur faire goûter des vins de la région et de leur montrer à quel point l’âge sourit à ces vins que l’on boit beaucoup trop jeunes. Il y aura deux compétitions entre Côtes de Provence et Bandol, une fois pour des rosés et une fois pour des rouges.

Le menu du déjeuner est : Pata Negra, lomo, anchoïade, tapenade, anguille fumée pour l’apéritif, puis cœur de saumon / rôti de veau basse température, flan à la courgette / fromage Jort / salade de fruit avec mangue, abricot, grains de raisin et fruit de la passion.

La première confrontation est entre le Château de Pibarnon rosé Bandol 2004 et le Clos Cibonne Cuvée Prestige Caroline Tibouren Côtes de Provence 2013. La couleur du Pibarnon est rose orangé profond. Le nez est intense. Ce qui frappe immédiatement, c’est la rondeur et la cohérence de ce vin abouti. Il est d’une belle maturité, riche et complexe. C’est un grand vin. L’ami qui boit ce rosé jeune est subjugué par la différence entre ce qu’il a coutume de boire et ce breuvage divin, riche et sensuel.

Le Clos Cibonne a une couleur plus claire, plus rose pâle. Le nez est aussi intense. En bouche ce vin est un conquérant. Il veut s’imposer au palais. Il est riche, plus fonceur que le Pibarnon. Les deux vins conviennent à l’apéritif, et lorsqu’ils sont en face du saumon, c’est le Pibarnon qui s’impose, car il profite du gras du saumon pour offrir une longueur impressionnante. Les deux vins sont très différents. Le Pibarnon est plus un rosé et le Tibouren est plus un vin puissant qui pourrait se marier à beaucoup de plats très forts. Le gagnant de cette confrontation est le Pibarnon.

Sur le veau fondant à souhait, deux vins rouges sont servis, Rimaureq Côtes de Provence 1991 et Domaine des Baguiers Bandol 1989. Le nez le plus riche et complexe, envoûtant est celui du Baguiers. Le Rimauresq est surprenant tant il est grand. Il est accompli, à une maturité parfaite et s’il a les attributs des vins du sud comme la garrigue et le romarin, ses accents truffés suggèrent un noble Bordeaux. Je suis surpris qu’il soit d’un tel niveau.

Le Baguiers a une robe légèrement tuilée, au sang moins vif que celui du Côtes de Provence. Le vin est plus lourd, plus riche et a quelques accents de cuir et de café. Si l’on veut comparer, ce vin serait plus bourgogne, évoquant un puissant Musigny. Les deux vins sont d’une qualité idéale, mais le cœur penche vers le Rimauresq plus raffiné. Sur le fromage Jort, le 1991 forme un accord parfait, presque aussi brillant qu’avec un jeune Vega Sicilia Unico. Les étiquettes annonçaient 12° pour le Rimauresq et 12,5° pour le Bandol. Il faudrait ajouter au moins 2° à chacun.

La salade de fruit forme un accord transcendantal avec le Champagne Perrier-Jouët rosé 1969. Le bouchon de champagne est parfait comme le niveau. La couleur est d’un rose charmant. La bulle est rare mais le pétillant est fort. Ce champagne est un vrai bonheur. Et l’acidité du dessert lui donne une longueur infinie.

La vigneronne classe : 1 – Rimauresq, 2 – Pibarnon, 3 – Perrier-Jouêt. J’ai le classement inverse car mon palais est plus habitué aux champagnes anciens. J’avais pour ambition de montrer que les vins du sud profitent du vieillissement. La démonstration est réussie, dans une belle atmosphère amicale d’été.