les préparatifs du 126ème dînermardi, 3 novembre 2009

Le prochain dîner de wine-dinners se tiendra au restaurant Guy Savoy. Lors du cocktail de signature du livre de Nicolas Rabaudy, j’en ai profité pour discuter de deux ou trois plats avec Guy. Peu de jours après, quelqu’un m’appelle au nom de Guy Savoy, me demandant de passer au restaurant pour mettre au point le menu. Tant qu’à passer chez Guy Savoy, autant y déjeuner. Pour ne pas déjeuner seul, j’y convie Nicolas de Rabaudy. Etant arrivé au restaurant avant que la salle ne se remplisse, nous faisons un tour d’horizon sur les vins et les plats propices. Guy a un sens du vin qui est intuitif. Nous allons droit au but, car nous savons ce qui va fonctionner. Nicolas arrive et Guy nous propose de goûter les plats que nous avons choisis, du moins ceux disponibles aujourd’hui, afin d’en vérifier la pertinence pour mes vins.

Le sommelier, dont l’oreille approuvait les pistes que nous explorions me propose de prendre un Meursault de la même année que le Perrières Comtes Lafon 1992 du futur dîner. Ce sera un Meursault Perrières Robert Ampeau et Fils 1992.

L’entrée au salsifis et noisettes avec une discrète touche de cresson est un plat de première grandeur. La noisette est moelleuse, le salsifis est expressif. C’est goûteusement parfait. A ce stade, le Meursault sortant de cave est encore trop chaud mais prometteur. Son nez est intense, puissant, sa robe est d’un or appuyé.

Le fromage de tête aux foie gras et champignons est un plat de copains. C’est de la tortore de luxe, celle qui appelle les vins francs du collier. Sans aucune gelée, le liant se faisant au champignon, ce plat est un bonheur, et le Meursault l’aime. Il devient charmeur, plus fais, et même s’il n’a pas la précision des plus grands, il compense par une générosité et une joie de vivre qui en font un grand vin.

La coquille Saint-Jacques est panée, car la panure, selon Guy Savoy, répond au chardonnay. C’est vrai, mais je préfèrerais une panure moins appuyée. La truffe blanche est un régal sur le meursault.

La soupe d’artichaut avec sa brioche crémée est un des piliers de la maison. Nicolas n’aime pas l’artichaut, en général. J’ai un faible pour ce légume de patience. Le rouget est un plat de haute dextérité. C’est un régal. Pour le Pétrus, il faudra enlever l’épinard, supprimer la crème, et faire une sauce plus terrienne que marine. Guy, venu pour chaque plat recueillir nos avis, accepte ces modifications.

Le menu du futur repas prévoit un pigeon en deux services. Vais-je le garder après avoir goûté la marmite de gibier à plumes ? La question est posée. Il y a trois filets d’oiseaux. Le faisan a une chair rassurante, connue et sans surprise. Le colvert a un goût plus prononcé, clair et précis. C’est la palombe qui emporte mon cœur, avec une chair intense, virile, changeante selon les bouchées, petit chef-d’œuvre de gibier. Le foie gras sert de liant à ces trois chairs et la sauce éveille tous mes souvenirs d’enfance, de repas dominicaux. Je dis à Nicolas que ce plat est la sublimation de la cuisine bourgeoise.

Si le meursault avait joué son rôle avec une remarquable adaptabilité jusqu’alors, il ne peut le faire sur ce plat, sauf sur le foie gras à la feuille de chou. J’ai été très agréablement surpris par ce vin accompli, riche, équilibré et joyeux.

Ce restaurant est, selon une expression de Guy Savoy appliquée à la haute restauration, un des derniers ilots de civilisation. On est bien. Guy sait élégamment aller à chaque table, le service est parfait, comme celui de neuf différents pains associés intelligemment à chaque plat. Guy a un sens aigu du vin. C’est certainement le restaurant dont j’apprécie le plus l’atmosphère. La marmite et le salsifis aux noisettes sont des plats d’un niveau de justesse extrême. Ce déjeuner de préparation est en soi une merveille.