Les moments qui précèdent le 207ème dîner de wine-dinnersvendredi, 9 décembre 2016

C’est le départ pour Londres pour faire deux de mes dîners au 67 Pall Mall club où j’ai déjà fait un dîner il y a huit mois. A la Gare du Nord, rien ne bouge. Je reçois une information sur mon téléphone : « tous les trains sont bloqués à la Gare du Nord ». J’entends ensuite un haut-parleur qui indique : « aucun train ne peut partir et nous ne pouvons donner aucune information ». Ensuite, c’est « le train de 15h13 est annulé. Nous vous informerons lorsque nous pourrons vous donner des informations ». Il semblerait que ce soit un caténaire qui aurait été arraché par un train régional. Comme des centaines de personnes, je cherche à changer de billet en faisant la queue aux guichets de l’Eurostar. Au rythme où se font les changements, je pourrais y être encore demain. Arrive alors un agent qui dit à un petit groupe : « si vous êtes du train de 15h13, je peux vous mettre sur le train de 16h13 ». Je m’accroche à cet espoir. Mon billet est changé. Puis commence une attente, là aussi sans explication. Ce n’est qu’après une heure de plus que je peux embarquer dans le train qui reste à quai. Le stress créé par l’absence d’information est intense. Enfin je pars, avec 2h30 de retard. En débarquant à Saint-Pancras, la vie reprend son cours.

Une bonne nuit de sommeil plus tard, je retrouve pour déjeuner deux amies américaines accompagnées d’une de leurs amies que je ne connais pas, qui vont toutes trois participer au premier dîner. Nous allons déjeuner au restaurant Avenue. La carte des vins est plutôt maigre. La seule réelle pépite est un Château de Pibarnon Bandol 2012. Sur un filet de bœuf écossais, le vin est fort agréable. La seconde bouteille de ce même vin est infiniment meilleure, plus vivante, plus typée, évoquant le sud et la garrigue. Une telle variation sur un vin aussi jeune est difficilement imaginable. Qu’en sera-t-il ce soir avec des vins qui ont de nombreuses décennies de plus ?

Je me présente au 67 Pall Mall Club à 15h30 pour ouvrir les vins du 207ème dîner. Un journaliste de la revue The Economist avait prévu de m’interviewer pendant l’ouverture des vins et comme le quorum du dîner n’est pas atteint, je lui avais annoncé que je l’invite à dîner ce soir.

Terry Kandylis, l’excellent chef-sommelier du club a préparé les bouteilles en cave, verticales depuis deux jours pour que les sédiments éventuels reposent au fond des bouteilles. L’espace qu’il m’a réservé en cave est très exigu et la température en cave est très froide, trop froide sans doute.

Les parfums des vins sont absolument enthousiasmants, avec, dans l’ordre des surprises heureuses, le Guiraud 1893 éblouissant et glorieux, complexe à l’infini, le Vega Sicilia Unico 1936, combinant fruits rouges et chocolat d’une folle jeunesse et Haut-Brion 1928, au magnifique fruit rouge. Le seul vin à peine incertain est le Haut-Brion 1961, qui a besoin de chasser des senteurs de poussière qui ne semblent pas devoir subsister.

Le bouchon qui a résisté le plus est celui du Haut-Brion 1928 totalement collé aux parois, que j’ai pu extirper en morceaux comme un archéologue qui trouverait les vestiges d’un dinosaure. D’autres bouchons se sont désagrégés mais tout est sorti comme il convenait.

C’est donc très confiant que nous nous remontons, Dan le journaliste et moi au bar du club pour que je réponde à ses questions. Le club propose cinq cents vins au verre grâce à l’utilisation intensive du Coravin, cette seringue qui permet de pomper du vin à travers le bouchon et de le remplacer par un gaz inerte qui permet de conserver le vin sans aucune oxydation liée au prélèvement. Dan m’offrira un verre de Bonnes-Mares Domaine Comte de Vogüé 2006 d’une grande vivacité suivi d’un verre de Chambolle-Musigny Domaine Comte de Vogüé 2005 plus discret mais quand même agréable à boire même s’il est moins noble que le Grand Cru précédent.

A 18h30, heure du rendez-vous, mes amies américaines toutes belles sont d’une ponctualité absolue. Nous sommes rapidement sept et les deux derniers me donnent des sueurs froides car ils n’avaient jamais répondu à mes mails. Lorsqu’enfin je les vois arriver, un lourd poids se libère et le dîner peut commencer.