Les miracles, ce n’est pas tous les joursjeudi, 30 mai 2013

Mon fils vient dîner à la maison et nous sommes seuls à grignoter cochonnailles et fromages. Je descends en cave et je prends en main un Ausone 1943. Enfer et damnation, le niveau est largement sous l’épaule. Si c’est comme cela, autant essayer de voir ce que donneront des bouteilles dont le ticket n’est apparemment plus valable. J’en avais repéré quelques unes, sans avoir le moindre espoir de bonnes surprises. Bien sûr, j’ajoute une bouteille saine, pour que la punition ne soit pas trop grande. Alors, allons-y pour le bal des éclopés.

Le Champagne Mumm Cordon rouge 1937 a un niveau baissé de moitié. Le bouchon tout recroquevillé est tout noir. Le parfum qui sort de la bouteille n’est pas désagréable, mais n’est pas précis. La couleur est trop grise. Du fait de l’odeur qui n’est pas détestable, nous attendons une bonne heure avant de le boire, mais le vin est trop déplaisant pour que nous insistions. Le score est : mort 1 – vie 0.

Le Meursault-Charmes Thomas Bassot 1950 a un niveau bas, mais pas extrêmement bas. C’est la couleur foncée qui n’est pas engageante. Le nez est poussiéreux. Le verdict est sans appel : mort sans possibilité de résurrection. Le score est : mort 2 – vie 0.

Le Château Gruaud-Larose Faure-Bethmann 1928 a un niveau nettement sous la moitié. Il n’y a rien à attendre. Et contre toute attente, le parfum du vin est doux et fruité. Le vin n’a aucune tension, mais il est buvable et ne pourrait tirer de grimace à personne. Mais de là à l’aimer, le pas ne sera pas franchi. Le score est : mort 2,5 – vie 0,5.

Le Château Ausone 1943 a un bouchon d’une qualité effrayante et sent horriblement. Le vin a une odeur qui n’est pas marquée comme celle du bouchon, mais il n’est pas brillant. Tout indique que le plaisir n’apparaîtra pas. Le score est : mort 3,5 – vie 0,5.

La conclusion à ce stade est claire : à un certain niveau de dégradation, le miracle n’existe pas, tout du moins aujourd’hui. Mais il fallait essayer.

Le Chateauneuf-du-Pape Ch. Bader-Mimeur 1961 au niveau parfait a un nez très expressif avec des intonations bourguignonnes. En bouche, le vin est puissant, fait apparaître son alcool et a des évocations de bois flotté, presque de thé en superposition à une force vineuse certaine. Il allie force et charme. Il est la récompense de notre approche précédente. Ce vin épanoui, plein et profond séduit par sa maturité.

Nous avions l’envie de comparer la Bénédictine de mon anniversaire avec une Tarragone des années 20 ouverte depuis longtemps. Hélas, en levant le bouchon je me rends compte que la bouteille est vide. Mais le parfum est tout aussi vivace que si la bouteille était pleine. Et la cause est entendue au nez, faute de pouvoir boire : le parfum de la Tarragone est dix fois plus racé et complexe que celui de la Bénédictine. Ce qui n’enlève rien à la séduction sucrée et florale de la Bénédictine.

Mon fils est la personne la plus propice à ces expériences de « spirites » qui tentent de ressusciter les morts. Ce soir, ça n’a pas marché. Mais ça ne nous empêchera pas de recommencer, car l’expérience nous a déjà démontré qu’il faut croire aux miracles, puisqu’il y en a.

Et fort heureusement, les bouteilles à bas niveau sont plus que minoritaires dans la cave.

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