Les macaronis d’Eric Fréchon au patrimoine …lundi, 22 décembre 2008

Jean-Philippe Durand envoie un message à quelques amis : il a faim, une grosse envie des macaronis truffés d’Eric Fréchon. Apparemment l’envie est urgente, car le message est envoyé un samedi après-midi pour un déjeuner le lundi midi.

Nous nous retrouvons à quatre au restaurant de l’hôtel Bristol. Nous disons à Marco, le sommelier que nous avons connu au Taillevent, que l’esprit est de ne prendre qu’un plat, le macaroni. Marco nous répond par une montée au filet instantanée : vous ne pouvez pas ne pas essayer l’oignon.

Après avoir tergiversé sur la taille des portions, nous décidons enfin qu’il s’agira de portions entières. Mon insistance a pesé dans la décision. Comme Edith Piaf, je ne regrette rien.

La carte des vins est une des plus dissuasives qui soient. Les prix ne sont pas stratosphériques, ils naviguent autour du monde du vin en navettes spatiales. Il y a quand même quelques bonnes pioches – tout est relatif – et après une discussion de mise au point avec Marco, nous jetons notre dévolu sur un Chateauneuf-du-Pape Château de Beaucastel blanc 1993. Nous pensions avoir un « vieilles vignes », mais celui-ci fit parfaitement l’affaire.

L’amuse-bouche en quatre parties est d’une délicatesse rare. Le foie gras à l’anguille met en place le palais pour la suite. C’est l’occasion de goûter le vin qui arrive beaucoup trop froid.

Sa couleur est ambrée et son nez n’est pas encore sensible. En bouche son charme est déjà présent et la bouchée lui va bien. La petite préparation au champignon de Paris fait irrésistiblement penser à l’Astrance et son plat d’anthologie.

La bouchée ronde à l’huître est d’une saveur unique. Toutes les vagues des mers du Sud qui secouent en ce moment les marins du Vendée Globe fouettent les narines. L’iode est extraordinaire. La petite sucette finale dont j’ai oublié la composition m’a laissé un souvenir de joie, car on se félicite du talent du chef. Chaque bouchée a un goût pur et jamais le chef ne sur-joue.

Un deuxième amuse-bouche est une Royale de foie gras fumé à l’écume d’oseille. C’est pour moi un enchantement total. Et l’accord avec le vin se fait merveilleusement, car le fumé du plat exhausse le fumé de la roussanne.

L’oignon rosé de Roscoff, carbonara, royale de lard fumé, truffe noire et girolles est envoûtant, car il nous fait découvrir des saveurs inconnues. C’est talentueux et chaque élément est pesé au trébuchet. Et, comme l’avait prédit Marco, l’accord avec le vin est talentueux, le fumé du lard gommant cette fois-ci le fumé du vin, pour lui donner un final encore plus enlevé.

Les macaronis farcis truffe noire, artichaut et foie gras de canard, gratinés au vieux parmesan, objet de la grande faim de Jean-Philippe, seraient classés dans les guides bleus dans la rubrique : « mérite le détour, à voir absolument ». Car c’est une institution. Tout en ce plat est d’un dosage parfait. La continuité avec le vin charnu est idéale. Ce plat pourrait accueillir beaucoup d’autres vins mais cet accord est extrêmement justifié. Le vin en lui-même est assez indéfinissable. Il montre des signes de maturité sans aucunement paraître assagi, il est calme, tranquille, apaisé, ses notes de fumé étant sereines. L’équilibre du vin n’empêche pas la vivacité, car il réagit à chaque saveur en imprimant sa marque. C’est un vin poli et très agréable.

La gelée à l’hibiscus, sorbet Campari pamplemousse est un avant-dessert délicat qui ne sera pas suivi de dessert mais de caramels, nougats et guimauve à la poire à se damner. Devant ce chariot, il est impossible de résister à la tentation, sauf Jean-Philippe qui résistera à l’appel de la guimauve. Même les êtres parfaits commettent des erreurs.

J’ai particulièrement apprécié la cohérence des saveurs dans chaque plat, qui montre une maturité et une sérénité exemplaires. Eric Fréchon qui est venu nous saluer à notre départ mérite les trois étoiles. Nous lui avons exprimé nos vœux que ceci se réalise sur le prochain guide.