La Tâche 1989 à l’hôtel des Rochessamedi, 7 février 2009

Nous allons déjeuner au restaurant de l’hôtel des Roches à Aiguebelle au Lavandou. La pluie s’est arrêtée, la mer de ce côté de la côte est plus calme. Nous sommes en avance et j’ai le temps d’étudier la carte des vins. Dans un recoin secret, je repère La Tâche 1989. Mathias Dandine qui vient nous saluer avec un large sourire est immédiatement informé de ce choix pour qu’il compose un menu adapté. Ayant eu le réflexe conditionné de prendre une pastille rafraîchissante en voiture, il me faut une coupe de champagne pour reformater mon palais, comme on fait « reset » sur son ordinateur. C’est un champagne Taittinger millésime 2003 qui fait office de logiciel de redémarrage. Un peu dosé à mon goût, il joue parfaitement son rôle sur des amuse-bouche aux goûts appréciés. Le jeune sommelier ouvre La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1989 d’un niveau très haut dans le goulot. Il se sert généreusement du vin dans son verre de contrôle, sorte de prélèvement à la source dont j’aimerais bien être non-imposable.

Le vin a un parfum envoûtant. Il y a comme un concentré de fruits noirs mais aussi un fumé qui évoque tous les trésors de la Romanée Conti. L’approche en bouche joue comme une douche froide, car le nez annonçait les trompettes de la renommée et voici qu’un vin un peu fatigué se découvre. Ceci est dû à l’ouverture trop récente. L’intérêt que je vais montrer à son retour à la vie est directement lié au fait que c’est La Tâche. Car pour un autre vin, j’aurais fustigé son évolution certaine. Mais j’ai raison d’insister, car lentement mais sûrement, La Tâche va déployer tout ce que j’aime dans ce vin.

Nous commençons par une petite entrée non annoncée, composée de langoustine et de coquille Saint-Jacques crues ou quasi-crues, et de caviar d’Aquitaine. Le sucré de la coquille et le salé du caviar ont un effet réanimateur spectaculaire sur La Tâche qui prend une salinité que j’adore.

L’épanouissement va devenir définitif avec la brandade de morue généreusement noircie de tranches de truffes noires excellentes. La chair de la morue a une astringence qui épouse totalement celle de La Tâche. Et ce moment est un délice rare. Le sommelier me demande quelle est l’influence de la truffe dans l’accord. Mon avis est que la truffe qui apporte son parfum entêtant au goût du plat n’apporte rien à l’accord, car c’est la chair rêche de la morue qui sort de La Tâche toute son âme. Le vin gagne en longueur, gagne en race, et je retrouve vraiment tout ce que j’aime.

Le plat qui suit est un cochon noir en cocotte, piperade de poivrons confits, crème de haricots blancs, jus infusé au thym. Le plat est délicieux et la chair du cochon est chaleureuse, surtout dans ses parties grasses. Je n’ai pas touché à la piperade qui ne convient pas au vin. La Tâche est évidemment à l’aise, mais comme je l’ai expliqué à Matthias Dandine, je préfère les accords plus provocants comme celui créé par la brandade que ceux qui rendent la situation trop confortable pour le vin.

La fin de La Tâche s’est bue sur un saint-nectaire et le dernier verre, dont la consistance est entre nectar et marc, est un bonheur incommensurable. Après une entrée en matière sur un vin un peu fatigué, le final en fanfare m’a comblé.

Nous avons pris rendez-vous avec Matthias pour aller communier aux festivités rugbystiques prochaines. L’atmosphère de l’hôtel des Roches est amicale et motivée. Ce fut un grand repas.