Grand tasting – première journéevendredi, 21 novembre 2008

Le Grand Tasting se tient au Carrousel du Louvre et c’est la onzième édition du successeur du Salon des Grands Vins. De nombreux vignerons tiennent stand et font déguster des vins de haut niveau, et des séances de présentation sont de quatre familles, les bars gourmets, les ateliers gourmets avec un piano de haut niveau pour créer des accords mets et vins élaborés, les Master Class et les Master Class de prestige. Les programmes sont plus alléchants les uns que les autres, et ma première matinée commence par une séance intitulée : « les cinq producteurs au sommet ». Nicolas de Rabaudy rappelle l’histoire de ces salons dont il fut l’un des pères fondateurs, et Michel Bettane, Thierry Desseauve ou l’un des membres de leur équipe animeront les dégustations. Pour celle-ci, c’est Michel et j’ai la chance de pouvoir figurer à la table des présentateurs, tout au long de ce salon.

Les cinq producteurs au sommet ont été choisis par Michel et Thierry. Le Château Ducru-Beaucaillou 2004 a un nez très doux, capiteux. En bouche, ce sont des fruits noirs très doux comme la quetsche qui apparaissent. Le final est de poivre et d’un bois très bien dessiné, qui indique un beau potentiel de vieillissement dans la rondeur. Michel Bettane vantant les méthodes de sélection des grains de raisin dit de ce vin que c’est du caviar qui est mis en barrique.

Le Nuits-Saint-Georges Clos de la Maréchale domaine Jacques Frédéric Mugnier 2005 est présenté par Frédéric Mugnier qui représente la cinquième génération des propriétaires de ce domaine dont le dernier achat de vignes date de 1902 et c’est du Clos de la Maréchale qu’il s’agit. C’est un grand honneur qui nous est fait de nous présenter un 2005. Le nez est discret mais extrêmement subtil. En bouche, le fruit rouge poivré est magnifique de joie et d’expansion, ce qui résulte aussi bien du travail qui est fait que de l’année qui est magique. La perfection est associée au millésime. Le fruit rouge est enthousiasmant. C’est un vin d’une rare subtilité.

La Syrah Leone, Domaine Peyre-Rose Coteaux du Languedoc 2002 est présentée en l’absence de Marlène Soria. Le nez est particulièrement subtil et fin. C’est une belle surprise. La bouche est ample, ronde, portée par des fruits bruns et un beau poivre. Ce qui frappe, c’est l’équilibre et l’absence d’excès. L’astringence finale montre un potentiel de vieillissement. Le vin est un peu torréfié, méditerranéen. Il est délicieux à boire.

Le Château Rayas, Chateauneuf-du-Pape 1998 est présenté par Emmanuel Reynaud, gérant du domaine que sa famille possède depuis 1880. La couleur est très claire. Le parfum est racé, évoquant le porto. La fraîcheur est ce qui frappe en premier. Il y a des fruits jaunes et de la cerise blanche. Le vin est très capiteux tout en étant léger, ne révélant pas du tout ses 14,5°. Très fluide, il se présente plus vieux que son année qui est une grande année. Ce vin n’est pas un Chateauneuf-du-Pape, c’est un Rayas.

Noël Pinguet présente le Vouvray Le Mont Demi-Sec domaine Huet 2002. Son domaine est en biodynamie depuis vingt ans. Il considère que c’est le demi-sec qui représente le mieux la qualité du Vouvray. Ce vin est magnifique. Sa fraîcheur est extrême. Le sucre est discret et le final à l’acidité citronnée est frais. Litchi, citron vert, mandarine s’exposent subtilement. La pureté et la fraîcheur de ce vin sont enthousiasmantes. Ces cinq vins méritaient d’être mis en valeur en début du Grand Tasting.

La séance suivante est la présentation par Véronique Drouhin de trois Chablis et d’un vin de l’Oregon de la maison Joseph Drouhin qui est aussi en biodynamie.

Le Chablis Premier Cru Vaillons Joseph Drouhin 2007 a un nez discret. La robe est d’un jaune d’or assez soutenu. Ce vin très pur manque un peu d’ampleur. Il a un beau final avec des agrumes légèrement poivrés. C’est un vin équilibré. Le Chablis Grand Cru les Clos Joseph Drouhin 2006  a un nez beaucoup plus puissant. Il montre une belle minéralité. La bouche est ample, équilibrée. Le final est un peu astringent mais très subtil. La longueur est significative et charmante. C’est un vin qui donne soif d’en reprendre.

Le Chablis Grand Cru les Clos Joseph Drouhin 2002  a un nez plus doux et moins minéral que le 2006. Son goût est plus doux et plus flatteur. Véronique remarque que sa palette aromatique est plus large en 2002, alors que je préfère le 2006, car le 2002, dans une phase intermédiaire de sa vie, s’est un peu civilisé. Il offre des évocations de noisettes et d’amandes, avec un beau final.

Le Pinot Noir d’Oregon Laurène Joseph Drouhin 2005 est une belle surprise. Il titre 13,5°. Son nez est hyperpuissant mais pur. Le vin est gourmand, bon à boire, joyeux. Il est très bien fait, léger et frais en bouche. Ce vin déjouerait toutes les supputations s’il était dégusté à l’aveugle. Ce fut une présentation originale de quelques vins de la gamme très étendue de la maison Drouhin.

C’est Sandrine Garbay, maître de chai du château d’Yquem qui présente une verticale de Château d’Yquem. La salle de cette Master Class de prestige offrait 80 sièges. Il fallut à la hâte en rajouter vingt pour contenir une foule avide de déguster ce vin légendaire.

Le Château d’Yquem 2005 a un gras énorme. Il ressemble un peu à des pastilles acidulées qui chavirent le palais, tant on est confondu par la balance entre le sucré et la fraîcheur. On sent la perfection formelle de ce vin. Il y a du miel, du citron, des agrumes. Le fruit confit viendra plus tard et le sucre se dominera dans le goût riche de ce vin prometteur.

Le Château d’Yquem 1999 a un jaune déjà très doré. Le nez est intense, et la bouche est élégante. Ce vin se goûte bien. Le final est sucré, pâte de fruit. Son élevage a été de quarante mois, alors que depuis l’arrivée de Pierre Lurton au domaine, donc pour le millésime 2005 que nous venons de goûter, l’élevage a été réduit de dix mois. Ce 1999 est le meilleur de ceux que j’aie goûtés, ce qui montre le progrès au fil du temps.

Le Château d’Yquem 1996 a un  nez généreux. L’attaque est puissante et très équilibrée. Comme dit Sandrine, c’est un millésime académique pour le développement de son botrytis. Ce vin fait de mangues, de fruits confits et poivrés et d’oranges, au final très frais, est un archétype de l’Yquem historique. Sa fraîcheur est extrême.

Le Château d’Yquem 1989 a un or déjà foncé. Il est affirmé, très joli. C’est le seul qui montre des notes de thé, indice de la fusion du sucre dans le goût. La fraîcheur est extrême et l’amertume est belle. C’est le 1989 qui est le plus frais des quatre présentés. Nous avons animé le débat avec Sandrine sur les mets qui s’allient à Yquem en montrant de petites divergences comme j’avais pu le faire avec Alexandre de Lur Saluces lors de la récente présentation de Fargues. Ce qui compte au final, c’est la générosité du château d’Yquem et la possibilité qui a été donnée aux inscrits de boire quatre vins de légende.

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Le Château Bahans Haut-Brion 2000 est le second vin de Haut-Brion. Il ne provient pas de parcelles différentes de celles du grand vin mais d’une sélection par la dégustation. Le nez est assez amer. Le vin est servi trop froid. L’amertume est forte au goût ainsi que l’astringence.

Le Château Haut-Brion rouge 1998 est un vin très élégant qui montre un saut qualitatif majeur. Il y a des fruits noirs et des notes mentholées. Il est magnifiquement fait, frais en final. C’est un vin très subtil.

Le Château Haut-Brion rouge 1995 qui nous est servi est bouchonné. Le deuxième est plus chaleureux mais il a une astringence qu’il ne devrait pas avoir. Il ne peut pas être jugé.

Jean-Philippe Delmas présente l’histoire du Château Haut-Brion, le plus ancien cru classé de Bordeaux, car il s’est appelé « cru » dès 1525. Jean-Philippe fait le vin pour la famille Dillon, à la suite de son père qui avait fait les vins depuis 1961.

Angelo Gaja devait présenter ses vins en même temps que Philippe Guigal présente les siens, mais il n’est pas venu. Philippe raconte l’histoire de La Côte Rôtie La Turque. Cette parcelle d’un hectare était la propriété d’un homme qui n’avait qu’un seul client : l’Elysée. Après de sombres histoires ce vignoble fut vendu à Vidal-Fleury où travaillait le grand-père de Philippe. Quand celui-ci, après avoir fondé la maison Guigal en 1946 racheta Vidal-Fleury, il inclut La Turque dans sa gamme. Cette terre de la « Côte Brune » n’a pas produit de vins pendant cinquante ans, aussi trouve-t-on des Turque d’avant 1935 ou depuis 1985, les vignes ayant été replantées vers 1980.

La Côte Rôtie La Turque 2004 a un nez poivré. Ce vin est poivre et fruit noir. Ce qui le caractérise, c’est une fraîcheur extrême. Le final est de mûre et de cassis. C’est un grand vin.

La Côte Rôtie La Turque 1998 a un nez de framboise, de fruit rose et de pâte de fruit. Son goût est joli, fruité, de fruits rouges ou roses comme les framboises. Le final est assez astringent et la fraîcheur est extrême.

Les vins d’Angelo Gala sont des Barolos, mais comme ils n’ont pas 100% de cépage nebbiolo, ils n’ont pas le droit à l’appellation. Angelo a découvert que l’ajoute de 5 à 10% de barbera profitait à son vin. Se souciant comme d’une guigne des obligations, il a fait le vin que nous dégustons, baptisé Sperss, qui veut dire nostalgie.

Le Sperss Gaja 2004 a un nez d’une race étourdissante. Très doucereux en bouche, doux, il est d’une belle astringence. Noble et généreux, il a des points communs avec le Guigal de la même année. Le vin est ample, coloré, complexe dans ses teints veloutés. Il appelle la truffe blanche dont il évoque le goût. Michel précise que 2004 est un millésime exceptionnel dans le Piémont, comme l’est 2005 en France. Le fumé de truffe est charmant.

Le Sperss Gaja 1996 a une couleur très noire et un parfum très profond. La rondeur est immédiate et l’astringence est forte. Michel parle de cèdre et de tabac. Grand, puissant et rond c’est un vin très fort, différent et distant de La Turque 1998. Ce vin qui évoque encore plus la truffe blanche est un vin impressionnant. Il se trouve que Gaja et Guigal présentent souvent leurs vins ensemble par amitié et aussi pour partager les frais de ces expositions. Ils nous ont offert quatre vins d’un immense plaisir.

Idealwine a retenu une centaine de leurs principaux clients ou correspondants et Angélique de Lencquesaing m’a fait le plaisir de m’inviter. Les vins présentés sont spectaculaires, mais pensant au dîner qui m’attend je ne goûte qu’un champagne William Deutz 1998 fort bon et bien structuré. Je salue des amis présents et m’éclipse vite pour me rendre au dîner de jubilé d’un ami.