Féerie de Haut-Brion dans le suddimanche, 28 avril 2013

Henri, ami de longue date est l’ami d’enfance de ma voisine dans le sud. Il lance l’idée d’un dîner de Haut-Brion chez son amie. Je propose d’apporter des Haut-Brion mais il m’est dit qu’il y a ce qu’il faut, car en plus des apports d’Henri choisis par son fils Jean, il y aura ceux d’Olivier. Je prends donc en charge le champagne final. Ma femme collabore avec la maîtresse de maison et réalise plusieurs moments du menu. Les conditions sont remplies. Nous voilà dans le sud.

A 17 heures, je viens ouvrir les bouteilles. Les parfums sont très engageants, sauf celui du Haut-Brion 1978 qui est une menace de bouchon. Pour encourager le travailleur, Henri ouvre un Champagne Dom Pérignon 2003 absolument parfait. Alors que depuis quelques mois j’hésite sur ce 2003, celui-ci est d’un épanouissement idéal, floral et évoquant les groseilles blanches. Il est magnifique de percussion, de joie et de noblesse. Je me rends compte que Richard Geoffroy a vu juste en faisant ce champagne difficile à faire compte tenu des conditions climatiques. Il a pris un pari et l’a réussi. Le bouchon du Haut-Brion 1933 part en charpie, s’émiettant tout au long de sa montée, mais le parfum est divin, de coulis de fraise subtil.

A 20 heures, nous prenons l’apéritif avec de multiples saveurs, œufs de cabillaud, tartines d’oursins, œufs de saumons sauvages, sur un Champagne Mumm sans année qui a l’intelligence de sa politesse. Le Champagne Ruinart rosé qui le suit est aussi politiquement correct, c’est-à-dire agréable et sans folie.

Les choses sérieuses commencent à table. Ma femme a préparé un foie gras avec une gelée délicate à la réglisse qui se devine à peine. Elle est idéale pour un Château Haut-Brion 1969 qui est très au dessus de ce que son année suggère. C’est un beau Haut-Brion velouté, serein, délicat et subtil, joliment épanoui. Il n’est pas tonitruant mais il joue juste.

Les homards sont cuits à la perfection, c’est-à-dire quelques secondes de moins que ce que tout le monde ferait. Le Château Haut-Brion 1993 à la couleur presque noire est infiniment plus puissant que ce que son année indiquerait. Ce n’est pas le Haut-Brion tel qu’on l’attend. On sent que le vin surjoue. Ce n’est pas qu’il serait mauvais, car il se boit avec plaisir, mais il a un petit goût de « too much ».

L’accord qui vient sur le homard avec le Château Haut-Brion 1981 est saisissant d’exactitude. Il y a une vibration entre le plat et le vin qui est un grand moment de bonheur. C’est avec de tels accords qu’on aime la gastronomie. Le vin est l’archétype du Haut-Brion dans les années moyennes, qui réserve toujours des surprises positives. Il est précis, profond, d’une grande authenticité.

L’agneau cuit à basse température avec des petites pommes de terre à la provençale est fondant à souhait. Si le Château Haut-Brion 1978 est vite éliminé pour son goût de bouchon qui, même discret, gauchit irrémédiablement le goût, le Château Haut-Brion 1976 est impérial, joyeuse définition du beau Haut-Brion d’une année solaire. Ce vin épanoui, velouté, ensoleillé, joue juste, car tout en lui est exactement dosé. C’est du travail de précision. On le boit avec gourmandise.

Le Château Haut-Brion 1933 nous fait changer de planète. Ce vin a un parfum d’une intensité rare. On trouve en lui des coulis de fruits rouges. Un ami répète à l’envi que ce vin sent Yquem. C’est vrai qu’il y a un peu de douceur dans ce vin, mais on est très loin d’Yquem. En bouche le vin est très vif, étonnamment vif. Il est très sec, droit, aiguisé comme un couteau, mais il mêle à cela une douceur et un velouté diaboliques. Ce vin est d’une qualité extrême, stratosphérique par rapport aux précédents, à la longueur infinie.

Sur d’excellents fromages mais surtout sur un fromage de brebis bien ferme et frais, le Château Haut-Brion blanc 1970 à l’acidité bien raisonnée et à l’évolution agréable impose sa puissance. Sa force de persuasion est extrême et sa matière vineuse est exceptionnelle. Si l’on peut comparer, le blanc de Haut-brion est plus précis et riche que les rouges.

Le dessert a été composé par mon épouse, salade de mangue avec des madeleines et des arlettes. Le Champagne Krug Vintage magnum 1990 est impressionnant de puissance. Il efface tout ce qui lui résiste et c’est pour cela que j’ai préféré qu’il ne soit pas servi en même temps que le Haut-Brion blanc. Ce champagne racé, pénétrant est d’une richesse aromatique envahissante. Il est idéal pour cette fin de repas.

Le classement des vins évolue tout au long du repas. Les avis sont différents. Mon classement personnel est :1 : Château Haut-Brion blanc 1970, 2 – Champagne Krug Vintage magnum 1990, 3 – Château Haut-Brion 1933, 4 – Château Haut-Brion 1976.

Ce repas fut un travail d’équipe entre Henri, ma voisine et mon voisin, mon épouse et moi pour réaliser un de ces repas dont on est fier quand on est au point final. Car les accords furent merveilleux, les plats sincères et les vins éblouissants. Le plus vibrant accord fut celui du homard avec le Haut-Brion 1981. Alors, ça donne envie de recommencer. L’idée est dans l’air.

DSC04863

DSC04873 DSC04872 DSC04871 DSC04870

DSC04856 DSC04854 DSC04852 DSC04864 DSC04855 DSC04857 DSC04859

DSC04860 DSC04861 DSC04862 DSC04865

DSC04876 DSC04877 DSC04874

la table avant et après le repas

DSC04875 DSC04878