DRC les pieds dans l’eauvendredi, 23 juin 2006

Nous avons pris nos quartiers d’été avec l’apparente intention de faire diète. Mais il faut se ménager des espaces de liberté, excuses à la gourmandise.

Mathias Dandine avait obtenu une étoile dans un joli petit restaurant coincé dans une étroite et escarpée rue piétonne de Bormes-les-Mimosas. Ambition, goût du challenge, voici qu’il décide en décembre dernier de reprendre la restauration de l’hôtel des Roches au Lavandou. Il devenait indispensable que nous allions vérifier si la greffe avait pris.

L’hôtel des Roches jouit d’une implantation unique sur l’eau, un peu comme Eden Roc, et l’on a une jolie vue sur les îles du Levant et Port Cros. Voulant jouer tropézien, le lieu accueille façon plutôt branchée. C’est plus Dior Haute Couture que Raimu accoudé à son comptoir. La décoration s’améliore, et le site incite au farniente. A l’étage du restaurant, on est tout sourire. Mathias et son frère sont prévenants. Sébastien, l’agréable et facétieux sommelier se souvient de nos habitudes ou manies.

Nous commençons par un champagne Amour de Deutz 1995 de belle couleur dans son flacon transparent. Assez expressif, à la bulle forte, il est plutôt joli en bouche, mais je trouve qu’il joue un peu en dedans, comme l’équipe de France de football, qui à l’heure où j’écris ces lignes, juste après les matches du premier tour, n’est pas encore éliminée, sans un but de trop. Plus le temps passe, plus le champagne s’ouvre et devient joyeux. Comme je suis marqué par des champagnes très expressifs, je ne mords pas trop, mais cet Amour mérite de l’intérêt.

J’ai suggéré à notre table que l’on commence par un risotto de truffes d’été pour accompagner le vin que j’ai choisi : Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 1987. Le plat est délicieux, le toast de truffe étant d’une justesse absolue. Et avec ces saveurs, le Corton-Charlemagne chante. C’est un vin immense. Et mes amis comprennent pourquoi je disais que le champagne était un peu coincé, car ce vin blanc est totalement débridé. Une exubérance rare, qui renvoie toute réserve sur l’année 1987 dans ses dix-huit mètres. Des notes citronnées mêlées de miel, des évocations d’amandes et de noix, et cette élégance propre à ce domaine délicat. Un vin résolument grand, où la subtilité se dévoile d’autant plus que la puissance est retenue.

Le homard thermidor est goûteux mais doit pouvoir encore se travailler. J’ai décidé de lui associer un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1997. Là aussi, c’est la délicatesse qui prime sur la force. Toutes les caractéristiques d’un grand vin expressif sont réunies. Un léger voile qui écorne une partie du message ne gênera pas suffisamment pour qu’on éprouve moins de plaisir. Ce vin joyeusement juteux est d’un plaisir franc et sincère. Et le homard lui va bien. Le cochon de lait d’une autre partie de la table fut jugé fort approprié à ce grand bourgogne.

On nous offrit un Comtes de Champagne Taittinger 1997 fort agréable en fin de repas, après des mignardises qui demanderont au moins un marathon pour retrouver le tour de taille que l’on avait en entrant. Ce champagne n’est pas très compliqué, mais de belle soif.

Matthias Dandine a un magnifique outil de travail pour développer son élégante cuisine. Sébastien est souriant, le service est attentionné. C’est une adresse dont on reparlera.