dîner wine-dinners n° 182 au restaurant Laurentjeudi, 18 septembre 2014

Après trois mois et demi de pause estivale, le 182ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Laurent. Les rites ne sont pas encore tous reconnectés car partant de mon bureau, je m’aperçois que j’ai oublié mes « outils » d’ouverture des vins chez moi. Il faut vite faire un crochet par mon domicile, ce qui fait que l’ouverture commence à 18 heures, alors qu’habituellement le début est entre 17h et 17h30.

Le bouchon du Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990 est noir au dessus, avec de la poussière noire abondante sous la capsule, mais le vin n’en est pas affecté. Le bouchon du Château Olivier Blanc 1949 est collé au verre et se déchire en mille morceaux. J’arrive à l’extirper sans qu’aucune miette ne tombe dans la bouteille. Le nez de l’Ausone est encore fermé mais il va s’ouvrir. Les autres ouvertures se font sans aucune difficulté, avec des parfums prometteurs. Il n’y aura aucun besoin de piocher dans les vins de réserve.

Nous serons huit ce soir, dont cinq nouveaux parmi lesquels un couple d’américains qui connaissent les restaurants français certainement mieux que moi. Leurs connaissances impressionnent un fidèle des dîners, membre du Club des Cent.

Une des participantes étant arrivée en avance, nous trinquons avec une coupe du Champagne Duval-Leroy Clos des Bouveries 2005, agréable champagne de soif qui souffre d’un final un peu court et abrupt. Sur l’étiquette on peut lire : « cuvée oenoclimatique » ce qui veut dire que contrairement aux champagnes d’assemblage qui veulent chaque année offrir un goût presque constant, comme une signature, cette cuvée de chardonnay reflète le climat de son millésime.

Les invités arrivent, et nous prenons l’apéritif dans la jolie rotonde avec un Champagne Bollinger Grande Année 1979. Sa bulle est très active, sa couleur très fraîche et jeune, et ce champagne combine la jeunesse encore très présente pour ses 35 ans avec une maturité qui l’arrondit fort agréablement. Ma voisine pense à des évocations de moka. Je suis plutôt sensible à ses accents de pâte de fruit. Lorsqu’on nous passe les petits canapés, le champagne prend immédiatement de l’ampleur, s’étoffe. C’est un magnifique champagne mi-jeune mi-mûr. S’il n’a pas eu de vote lors du classement de fin de repas, ce n’est pas parce qu’il n’en mérite pas, mais l’expérience démontre que le champagne d’apéritif est souvent oublié dans les votes. Il y a trop de vins qui en occultent la mémoire.

Nous avons une jolie table ovale dans le beau restaurant. Le menu créé par Alain Pégouret est : Carpaccio de daurade en vinaigrette citronnée, condiments / Pinces de tourteau décortiquées et nappées par un beurre monté citronné, enoki /Noix de ris de veau dorée au sautoir, girolles poêlées et « grenobloise » /Aiguillettes de canard sauvage, mille-feuille de pommes de terre / Comté / Mousseline d’abricots frais au romarin, spéculos et sorbet.

Le Champagne Alfred Rothschild 1966 est une immense surprise. Sa bulle est extrêmement active et sa couleur jaune pâle est d’une jeunesse folle. En bouche le vin est miraculeux. Il est totalement intégré car toutes ses composantes sont cohérentes. La vinaigrette citronnée est trop forte pour ce vin délicat qui doit se boire sans le plat. Il est surprenant, d’une jeunesse inattendue, et de belle longueur joyeuse. Il a lui aussi des accents de pâtes de fruits. Son équilibre est rare.

Les pinces de tourteau sont d’un goût exquis et d’une mâche particulièrement agréable. Aussi les deux vins blancs vont-ils en profiter. Et ce qui fascine mes convives, c’est que ces vins très dissemblables puissent si bien s’entendre. Le Château Olivier Blanc 1949 est d’un or ambré, au niveau dans le goulot dans la bouteille, et son parfum est capiteux. On sent le botrytis qui serait celui d’un sauternes, mais le vin est bien sec en bouche. Il a une longueur infinie et des parfums innombrables. J’ai fait faire à ma voisine un exercice que j’adore. Je lui ai demandé de boire quelques gouttes de l’Olivier 1949, puis de boire à la suite quelques gouttes du champagne 1966. Et l’Alfred Rothschild prend tout-à-coup une ampleur qu’il n’avait pas auparavant comme s’il bombait le torse. J’ai souvent remarqué combien les vins blancs étoffent les champagnes anciens.

Le Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990 surprend tout le monde, car personne ne connaît vraiment les viticulteurs qui ont embouteillé ce vin. Il a une puissance sereine, une palette de saveurs épanouie, et il est gourmand, fruité, large. De couleur très jeune, ce vin vif et charmant est un régal. Les deux blancs sont si dissemblables que désigner un vainqueur est quasiment impossible. Il faudra bien choisir au moment des votes.

Le Château Ausone Saint-Emilion 1953 est noble. Son nez est intense, raffiné et en bouche, c’est l’expression de ce que l’on attend d’un grand Saint-Emilion. Ce vin qui a plus de soixante ans n’a aucun signe d’âge ou de fatigue. Il évoque la truffe, une légère torréfaction. Avec les giroles, le vin est vif et avec le ris de veau il est opulent. Déguster ce vin est un grand moment.

Les délicieuses aiguillettes de canard sauvage sont accompagnées de deux bourgognes de deux années immenses. Les deux sont, comme pour les blancs, très dissemblables. Le Chambolle-Musigny A. Rossigneux & Fils 1947 est un vin terrien, un vin fouchtra, les pieds dans la glaise, un vin paysan avec une forte mâche. Il est simple mais roboratif et gourmand.

Le Gevrey-Chambertin Labouré Roi 1949 est beaucoup plus noble, plus raffiné, plus précis, mais a un peu moins de coffre. De ce fait il laisse entrevoir son alcool plus qu’il ne devrait. Nous serons partagés autour de la table. Mon cœur irait vers le plus roturier, mais mon vote retiendra le plus racé. Les pommes de terre aux lamelles empilées en un millefeuille, croquantes sur le pourtour et moelleuses au cœur sont d’un talent extrême. A se damner.

Le Château Chalon Fruitière Vinicole de Voiteur 1959 est à une maturité idéale. On a l’expression la plus aboutie d’une beau Château Chalon. Avec le comté d’affinage idéal, l’accord est un des plus démonstratifs de la gastronomie française. L’amertume du vin est capturée par le soyeux du comté pour produire une symbiose du plus bel effet. Ce Château Chalon est l’archétype des vins jaunes équilibrés et intégrés.

Le dessert est une merveille et offre probablement le plus bel accord du repas. Une troisième fois, les vins associés sont extrêmement dissemblables. Le Château Caillou Barsac 1943 est d’un or clair et joyeux. Il porte ses soixante-dix ans avec bonne humeur. Il épouse l’abricot au point qu’on ne sait plus si le fruit est dans le dessert ou dans le vin. J’adore ce très beau Barsac qui n’aura aucun vote, parce qu’il est associé à un vin impérial.

Le Château Coutet Barsac 1922 au niveau dans le goulot et bouchon d’origine est d’un ambre extrêmement foncé dans la bouteille et d’un or plus clair et joliment ambré dans le verre. Ce vin a tout pour lui. Il serait impossible de lui trouver un défaut. Il est gras, opulent, pénétrant, à la longueur infinie. Il épouse le dessert mais n’en a pas vraiment besoin, car il s’impose et se boit pour lui-même.

Nous arrivons au moment du vote et nous ressentons tous l’extrême difficulté de voter. Je pense qu’à une heure d’intervalle, nous ne voterions pas de la même façon. Je ne suis pas sûr que je garderais les mêmes vins, tant chacun a délivré des qualités qui mériteraient d’être récompensées.

Nous sommes huit pour désigner quatre vins préférés sur dix vins. Huit vins recueillent des votes et quatre d’entre eux ont été nommés premiers : Le Gevrey-Chambertin Labouré Roi 1949 trois fois, le Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990 et le Chambolle-Musigny A. Rossigneux & Fils 1947 deux fois et enfin le Château Coutet 1922 une fois. Mais ce vin figurant dans sept votes sur huit termine premier.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Coutet 1922, 2 – Gevrey-Chambertin Labouré Roi 1949, 3 – Chambolle-Musigny A. Rossigneux & Fils 1947, 4 – Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990, 5 – Château Chalon Fruitière Vinicole de Voiteur 1959.

Mon vote est : 1 – Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990, 2 – Château Chalon Fruitière Vinicole de Voiteur 1959, 3 – Château Coutet 1922, 4 – Chambolle-Musigny A. Rossigneux & Fils 1947.

Les saveurs que j’ai trouvées les plus belles sont la chair des pinces de tourteaux, le millefeuille de pommes de terre et le dessert. L’accord le plus beau est celui des deux liquoreux avec le dessert du fait de l’osmose complète entre eux. Le ris de veau avec l’Ausone est aussi un très bel accord.

La cuisine du Laurent et son service sont un des grands atouts de mes dîners. Je suis toujours heureux de voir les visages souriants des convives quand ils boivent des vins anciens dont ils n’auraient jamais imaginé la vitalité. Nous bavardons tard dans la nuit et je suis obligé de donner le signal du départ, car par un hasard de calendrier, le 183ème dîner de wine-dinners, c’est demain !

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Champagne Bollinger Grande Année 1979

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Champagne Alfred Rothschild 1966

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Château Olivier Blanc 1949

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Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990

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Chateau Ausone Saint-Emilion 1953

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Chambolle Musigny A. Rossigneux & Fils 1947

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Gevrey-Chambertin Labouré Roi 1949

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Château Chalon Fruitière Vinicole de Voiteur 1959

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Château Caillou Barsac 1943

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Château Coutet 1922

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les vins ouverts et mes outils

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couleur du Alfred Rothschild 1966

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les plats. J’ai photographié le dessert en ayant mangé plus de la moitié !

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la jolie forêt de verres

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le menu

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les votes

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