Dîner du 13 août chez des amisdimanche, 14 août 2016

A dix-neuf heures précises, je me présente chez les amis qui nous reçoivent pour le premier « dîner de gala » du week-end du 15 août. Par ces chaleurs, il n’est pas nécessaire d’ouvrir les vins quatre heures à l’avance. J’ouvre toutes les bouteilles prévues pour ce dîner, selon la tradition et aussi parce que j’adore ouvrir les vins.

L’ouverture étant faite, Philippe propose d’étancher nos soifs avec un Champagne Egly-Ouriet Blanc de Noirs sans année. Le champagne est agréable, bien typé avec un joli fumé, mais nous nous réservons pour le programme très lourd qui va suivre. Tout le monde est à l’heure à vingt heures. Le programme commence.

Le Champagne Initial Jacques Selosse dégorgé en septembre 2011 est invraisemblablement puissant. Jamais on n’attendrait un « Initial » à ce niveau de force. Le champagne est légèrement ambré, son parfum est subtil et puissant. Le vin est très long, conquérant et guerrier. Il sait aussi être gastronomique.

Le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en juillet 2008 est très ambré formant un contraste fort avec le précédent. Son nez est beaucoup plus subtil et charmeur que celui de l’Initial. Le champagne est beaucoup moins fort mais plus complexe et plus énigmatique. On est là dans l’âme du travail d’Anselme Selosse car ces complexités et énigmes sont dans le cœur de sa démarche. Décider de préférer l’un ou l’autre de ces deux Selosse et très ardu, tant ils sont dissemblables.

Le Champagne Krug Grande Cuvée est ancien comme en témoigne son étiquette qui a été utilisée de 1983 à 1995. Ce champagne a très probablement trente ans et il est envoûtant de charme. Avec lui on revient dans le monde des champagnes, faciles à comprendre, raffinés à l’extrême. Il est aussi complexe que le Substance mais avec beaucoup moins d’énigmes car on est de plain-pied sur la terre des champagnes nobles.

Ce tir groupé de trois champagnes est exceptionnel et je serais bien incapable de désigner un vainqueur. La matière vineuse du Krug est probablement plus belle que celle des deux autres, du fait d’une plus grande variété de grands crus, mais les trois méritent nos amours.

Pour l’apéritif nous avons pu profiter des talents de la maîtresse de maison qui a fait des tartines de poutargue, des toasts de confiture de framboise et fromage de brebis, du Pata Negra et des petites cuillers d’anchois et caviar d’Aquitaine. Nous nous sommes amusés à doser les proportions entre caviar et anchois car l’anchois est naturellement un rouleau compresseur de goût qui écrase le caviar.

Nous commençons à table par un saumon cuit en papillotes absolument délicieux, garni de champignons. Deux blancs sont côte-à-côte, mais le match n’existera pas. Le Trévallon Vin des Alpilles blanc 2013 a un parfum de grande précision et généreux. En bouche, c’est ce que l’on attend d’un grand blanc, race, opulence, vivacité et une longueur extrême. C’est le gendre idéal.

A côté de lui, le Grange des Pères Vin de pays de l’Hérault blanc 2012 a un nez trop riche et une bouche trop opulente. En voulant trop en faire, il rate sa cible et met en valeur le Trévallon. Servi seul et peut-être dans deux ans pour qu’il s’assagisse, on peut imaginer qu’il devienne un bon compagnon. Mais pour l’heure il ne nous a pas séduits.

Pour la pièce de bœuf aux délicieuses pommes de terre, nous avons quatre vins rouges qui vont aussi accompagner les fromages.

Le Sassicaia Bolgherri 2007 a un nez raffiné. Le vin est extrêmement élégant. Il est racé, n’étale pas trop de puissance, a un beau fruit et une longueur respectable. C’est un vin de grand plaisir.

Le Gaja Sperss 2011 est un vin qui normalement me séduit par son expression de nebbiolo raffinée. Mais là, force est de constater que le vin est coincé et n’ose entrer en scène. Tout au long du repas nous attendrons qu’il se réveille, mais ce ne sera pas le cas.

Le Vega Sicilia Unico 1991 qui est un vin que j’adore est dans le même cas que le Gaja, plat, sans vibration. Bien sûr on perçoit ses qualités qui ne demandent qu’à s’exprimer, car elles sont là. Mais hélas, l’espagnol trop timide ne se mettra jamais au centre de l’arène.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 2005 est le vin que j’ai ajouté aux apports de mes amis. Et chauvin comme je suis, j’ai tendance à le préférer, mais je ne suis pas le seul. Ce vin a tout pour lui. Parfum capiteux, force, puissance, élégance, c’est le bonheur parfait. Il est gouleyant, amical, facile à vivre. Cette année lui réussit à merveille et il est impossible de lui donner un âge tant il est équilibré. C’est du plaisir pur.

En fait la Mouline et le Sassicaia sont deux rouges merveilleux qu’il est inutile de départager, vins d’extrême plaisir. Les vins cohabitent très bien avec un reblochon et avec le Darley, fromage breton à pâte lavée délicieux.

Sur un bleu de Gex et un stilton est servi le Château Gilette crème de Tête 1971 à la couleur d’un or glorieux, au parfum intense, et à la prestance conquérante d’un fort sauternes. C’est un vin de puissance et de conviction. Le stilton est nettement préférable au bleu de Gex avec ce grand vin.

Pour le Megève dessert créé par nôtre hôtesse, fait de meringue et de chocolat, j’ai apporté un Mas Amiel Prestige 15 ans d’âge que je dois avoir en cave depuis plus de vingt ans. Vin délicieux qui évoque le pruneau, riche sans être entêtant, qui se boit avec plaisir malgré tout ce qui a été bu jusqu’à présent.

Sur la terrasse surplombant la mer, par une nuit d’une douceur agréable, sous un ciel constellé d’étoiles, nous avons passé une excellente soirée, avec des chants, des histoires et des rires, une belle cuisine, de beaux vins et surtout une chaude amitié.

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le bouchon du Krug s’est cisaillé et le bas a dû être extirpé au tirebouchon

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