dîner de réveillon de Noëlmardi, 25 décembre 2012

Le dîner du réveillon de Noël est précédé de la distribution des cadeaux, sous les rires, les « oh » et les « ah » et les embrassades. Mon gendre a apporté un Champagne Krug 1995 qui se boit en croquant de délicieuses gougères. Le champagne est un peu trop acide à mon goût et ce sont des bulots qui vont corriger cette impression pendant que le champagne s’élargit dans les verres. C’est un champagne raffiné aux beaux fruits acidulés.

En attendant le dîner, nous décidons de faire un sort au Pétrus 1992 de la veille. Le vin s’est épanoui et son parfum est toujours d’une incroyable force. Les tannins sont puissants, la truffe est présente, et c’est surtout le velouté qui s’exprime sur de petites langoustines froides que l’on grignote sans aucun accompagnement. Le Pétrus est étonnant pour ce millésime et se classe sans hésiter dans les grands Pétrus, même s’il est loin des plus grands.

Nous passons à table. Des coquilles Saint-Jacques crues sont recouvertes des caviar d’Aquitaine Paris de la maison Prunier, et ce caviar est nettement meilleur que le Saint-James de la même maison goûté récemment. Le Champagne Krug Clos-du-Mesnil 1985 est absolument hors normes. Il est à cent coudées au dessus du Krug 1995 par sa complexité, par ses fruits jaunes et dorés délicieusement équilibrés et par la persistance aromatique en bouche quasi infinie. Ce champagne est renversant de grâce.

Mon gendre cuit des couteaux d’une façon parfaite. C’est rare que des couteaux aient autant de goût. Le vin qui les accompagne et unChâteau Corbin Saint-Emilion 1929. Lorsque j’avais voulu ôter le bouchon, celui-ci avait commencé à glisser vers le bas et malgré ma patience, aucune tentative de le rattraper ne fut couronnée de succès. En versant le vin dans une carafe, j’avais eu peur que le contact du liquide avec le vilain bouchon ne crée de mauvaises amertumes, mais il n’en est rien. Le nez du vin est pur et en bouche, même si l’on ressent de façon infime la trace du contact avec le bouchon, le vin est pur, clair, très saint-émilion. Il a de la truffe, des fruits noirs, et se boit agréablement, même si son imagination n’est pas débordante. On sent qu’il est loin de sa gloire passée.

Sur un dos de chevreuil cuit à basse température et deux purées, une blanche et une orange, la blanche de pomme de terre et de céleri, l’orange de butternut, je sers un Château Margaux 1929. Le nez de ce vin est très pur et sans défaut. En bouche, je commence à avoir un peu peur que le vin ne montre sa fatigue, mais en fait, il suffit d’attendre un peu et de magnifiques fruits rouges apparaissent, ensoleillant le goût de ce vin au velours le plus distingué. Mon gendre se pâme tant il est conquis par ce vin. Je le deviens aussi mais un peu moins. C’est un grand 1929 mais je pense que les heures de gloire de ce millésime se font plus rares. C’est en tout cas untrès grand Margaux.

Ma fille aînée n’aime pas ces vins d’histoire. Elle préfère les vins charnus dont le plaisir est immédiat. Aussi souffre-t-elle de ne rien avoir à boire. Mon dilemme est de lui servir un grand vin qui viendrait trop tôt dans l’ordre que j’ai prévu. Je précipite le service du troisième rouge, qui est un Richebourg domaine Méo-Camuzet 1991. Il me semblait que le Richebourg allait écraser le Margaux de sa jeunesse conquérante et j’en retardais l’entrée en scène. Mais en fait, pas du tout et c’est même le contraire : le Richebourg met en valeur le fruit délicat du Margaux, le rendant plus vivace encore.

Le Richebourg est un vin d’une rare perfection. Lui aussi est mis en valeur par le vin de bordeaux car sa jeunesse devient plus triomphale. C’est un grand vin de Bourgogne, au parfum subtil et retenu et avec une droiture d’expression en bouche particulièrement noble. Ce qui n’exclut pas un plaisir franc et droit. Le vin n’est pas à proprement parler un vin gourmand. C’est un vin noble et raffiné. Je l’adore. Il est très adapté au chevreuil.

Les vins rouges accompagnent à leur façon les fromages. La tarte Tatin accueille un Champagne Perrier-Jouët Belle Epoque 1978 que je croyais rosé puisque la cape est rose, mais il n’y a aucune indication du mot « rosé » sur la bouteille. C’est un beau champagne légèrement ambré à la bulle active, au nez pénétrant, et au goût de pleine maturité. Il est vivant, actif, et termine joyeusement ce repas de réveillon d’un beau Noël familial.

Mon gendre classe en premier Margaux 1929, puis Krug Clos-du-Mesnil 1985 et Krug 1995. Je classe ainsi : 1 – Krug Clos-du-Mesnil 1985, 2 – Château Margaux 1929, 3 – Richebourg Méo-Camuzet 1991.