Dîner de famillemardi, 25 janvier 2005

Dans la foulée, je vais dîner chez ma fille cadette et l’on goûte un Mercurey blanc premier cru Les Veleys 2003 de François Raquillet. Cela me rappela le Lussac Saint Emilion Château de Bellegarde 2001 discrètement inséré au déjeuner du Mesnil. Quand un Lussac titre 13°, à mon sens – mais je peux me tromper – on quitte l’esprit de Lussac. Là, ce vin de Mercurey, qui pourrait accompagner à merveille une cuisine thaï, en fait trop. C’est le bon élève qui veut obtenir une bonne note. Alors, « zyva » la technique comme on dit dans le neuf trois qui n’est pas une terre viticole. La même remarque s’appliqua au vin « Conquêtes » Coteaux du Languedoc 2001 de Sylvie et Philippe Ellner. Il titre 14° ce qui fausse tout examen. C’est un concentré de jus de mûres et de cassis. Bien sûr ce n’est pas mauvais. C’est même flatteur. Mais on a perdu l’esprit du terroir. Et cela m’a conduit à penser au caviste local qui veut se créer une clientèle. Il s’applique à chercher des vins au travail extrême, fortement alcoolisés qui plairont toujours. Ce matin j’avais préféré le champagne de coopérative qui était dans l’esprit de ce qu’est le Mesnil sur Oger. Je préférerai toujours un vin de terroir léger mais authentique à un vin qui franchit une limite au-delà de laquelle l’alcool et la technique tuent l’authenticité.

Dans ce même esprit, je fus agréablement surpris par un Château Lynch Bages 1999, car la recherche moderne s’appuie sur un terroir préservé. Bien sûr, boire un 1999 ouvert au moment où l’on s’assied à table n’a pas de sens. On ne profite que de 20% du potentiel réel de ce grand vin. Mais la partie découverte de l’iceberg a tant de charme qu’on goûte le réel plaisir qu’il est déjà capable d’offrir.

Pour revenir au dîner de ma fille, un Château Haut-Brion 1976 surprend agréablement par sa générosité. On a évidemment les traces de l’année sèche, mais avec élégance et abondance de plaisir. Il y a même encore du fruit. Alors que le Cheval Blanc 1984 demande un effort intellectuel. D’abord, c’est frais, léger et jeune, ce que l’on n’attendrait pas d’un 1984. Ce vin pourrait être daté de dix ans de moins. Ensuite, on voit que le vin  joue tout en douceur, évocation, subtilité. Pour savoir qu’il s’agit d’un premier grand cru classé, il faut un effort mental que le Haut-Brion ne demandait pas. Mais la joliesse de ce Cheval Blanc entraîne l’adhésion, quand on a compris où l’on allait. Comme il précédait le « Conquêtes », la tâche devenait rude pour le Languedoc.