Dîner au restaurant Le Parc de l’hôtel Les Crayères à Reimssamedi, 11 octobre 2014

J’avais dîné la veille de mon côté à l’Assiette Champenoise. Au retour à l’hôtel, Andrei m’avait dit qu’il m’inviterait à me joindre à son groupe qui dîne ce soir au restaurant Le Parc de l’hôtel Les Crayères à Reims. Nous sommes douze, dont la si mignonne fille d’Andrei, de dix ans, qui dormira, la tête penchée sur l’accoudoir de son fauteuil, adouci par des couvertures, pendant la quasi-totalité du repas. C’est Andrei qui a fait le choix de presque tous les vins, avec une sûreté de connaisseur.

Le menu à douze mains est une originalité qui est servie pendant un mois. Il a été composé par six chefs. Leurs noms figurent devant leurs plats : Philippe Labbé, langoustines royales en habit vert, beurre de champagne au caviar osciètre impérial / Vincent Thierry, lasagne de homard breton, contrepoint de giroles et noix de ris de veau, mouillée d’une bisque légère / Philippe Mille (le chef des Crayères), blanquette de cèpes et truffes blanches, cuisses de grenouilles meunières / Alain Passard, turbot grillé, béarnaise au vin jaune, gratin dauphinois au céleri-rave / Gérard Boyer (ancien chef historique des Crayères), le feuilleté de pigeonneau au foie gras, émincé de choux, son jus au fumet de truffes / Philippe Mille, brie farci de fruits secs à la fève de tonka, pain de campagne aux sarments de vignes / Arthur Fèvre, soufflé chaud praliné fruité, crème glacée au café torréfié.

Nous commençons par le Champagne Billecart-Salmon magnum 1961, dégorgé très probablement dans les années 80, comme nous le déduirons de l’examen que j’ai fait avec le sommelier. La couleur est de miel. La bulle est extrêmement active. Le nez est superbe et élégant, amplifié par les superbes verres dessinés par Philippe Jamesse, le célèbre sommelier du restaurant, qui nous accompagnera ce soir dans un parcours riche de vins extrêmes.

Le vin a tout pour lui. Le fruit est puissant, suave, complexe et élégant. Ce vin est extraordinaire, jeune, noble, avec une arrière-bouche de liqueur de fruit et de miel. C’est un champagne exceptionnel qui est d’un niveau qualitatif hors du commun. Il pourrait figurer dans mon Panthéon.

Pendant ce temps, ma charmante voisine et son voisin sirotent un Cognac Cuvée Louis XIII, sans se soucier du choc que cet alcool aura sur les mets et les vins. J’ai eu l’occasion en fin de repas de demander à ma voisine de tremper mes lèvres dans son verre. Ce cognac aux eaux-de-vie centenaires est magique de concentration et de maturité.

Le vin suivant, dont nous boirons trois magnums, excusez du peu, est un Auxey-Duresses Les Clous, Domaine d’Auvenay, Lalou Bize-Leroy magnum 2006. Le nez est très riche, très prononcé, très intense et profond. La bouche est douce, suave, contrastant avec le nez. On sent du lait, de la crème, une matière onctueuse. Le final est salin, minéral. La douceur est surtout dans l’attaque. La précision est dans le final. C’est un vin éblouissant. Je ne le connaissais pas, et je suis très impressionné. Ça commence au nez comme la puissance d’un Coche-Dury et ça finit avec la grâce d’un Bonneau du Martray. Il ne passe pas en force mais convainc en douceur, avec un final incroyable. Je trouve ce vin absolument magnifique. Sur un homard exceptionnel et qui ne surjoue pas, il crée un accord de première grandeur. J’ai trouvé le ris de veau trop cuit et m’en ouvrant à Philippe, il m’a dit que c’est la volonté du chef qui a créé le plat du homard avec la volonté que le ris ait ce croquant. Question de goût.

Andrei me demande de trouver un vin pour le turbot, mais après ce blanc transcendantal, comment choisir un vin qui ne soit pas écrasé ? Alors, j’en choisis deux pour que nous puissions les comparer.

Le Riesling Clos Sainte-Hune Maison Trimbach 2003 est parfait avec la chair du turbot, alors que l’Hermitage domaine Jean-Louis Chave blanc 2006 est parfait avec le céleri. Pour Andrei, le riesling après l’Auxey-Duresses a du mal. Mais Andrei n’a pas de penchant pour les rieslings. Le Chave a une douceur sucrée. La douceur d’un céleri exceptionnel adoucit les deux vins. La mission que j’avais donnée à ces deux vins après le bourgogne était quasiment impossible alors que ces deux vins sont grands.

L’Ermitage Cuvée Cathelin domaine Jean-Louis Chave 2009 est de couleur noire. Le nez est riche. C’est une concoction de fruits rouges et noirs. C’est un jus élégant. Il crée un bel accord sur le pigeon emblématique. Il est très beau sur la truffe, simple dans son expression et complexe dans son énergie. Si jeune, le Cathelin ne montre pas vraiment sa singularité.

Je suis content qu’Andrei, après le repas, m’ait dit qu’il n’aurait pas dû commander les deux bouteilles de Cathelin, car le vin, trop jeune, ne s’exprimait pas comme il faut. On donne tellement aux russes l’image de rustres dépensant sans compter et sans savoir, que cette remarque conforte mon impression d’un homme généreux qui dépense car il peut, mais lucide et connaisseur. Quand on commande un magnum de Billecart-Salmon 1961, trois sublimes vins d’Auvenay et quand on regrette deux Cathelin trop jeunes, on ne peut pas être ce que dit la caricature.

J’ai voulu offrir un vin en fin de repas mais Andrei a refusé, pour retourner au plus vite à l’hôtel. Le repas que nous avons eu, ainsi que le service exceptionnel poussent à considérer que si les recettes provenaient d’un seul chef et non de six, ce repas donnerait, haut la main trois étoiles aux Crayères.

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