dîner au restaurant de Patrick Pignolsamedi, 15 octobre 2011

Le lendemain avec ma femme, nous arrivons très en avance, ce qui nous permet de bavarder avec Nicolas, le sympathique sommelier et avec Patrick Pignol avec qui j’esquisse le menu en fonction des produits de saison. C’est encore un peu tôt pour le lièvre à la royale, mais c’est encore temps pour la grouse. Le néozélandais étant reparti sous d’autres cieux nous sommes cinq avec Murray, Steve et Ted, tous trois californiens. J’ouvre les bouteilles que j’ai apportées pour montrer ma méthode. Les bouchons m’obligent à livrer bataille tant ils s’émiettent. Les nez des deux vins sont spectaculaires, chacun dans son genre : le Richebourg exprime toute la classe des vins du domaine de la Romanée Conti et le Vega Sicilia Unico a un fruit presque irréel.

Comme hier je choisis le champagne, un Champagne Comtes de Champagne Taittinger 1988 délicieux. On mesure à quel point l’âge est nécessaire au Comtes de Champagne, car, même si le champagne paraît très jeune, c’est le temps qui lui a donné de l’ampleur et une étoffe rassurante. Il a une belle acidité et une longueur riche. Mes nouveaux amis l’apprécient alors que nous le goûtons sur une gelée de pieds de porc et une crème de chou-fleur.

Murray est un adorateur des vins de Raveneau qu’il a du mal à trouver aux U.S.A. aussi grappille-t-il dans les cartes des vins. Celle du restaurant de Patrick Pignol a deux pages pour les vins de ce domaine. Il choisit un Chablis Grand Cru Valmur domaine François Raveneau 1996. Lorsqu’il arrive seul, avec une acidité très prononcée, ce vin nous séduit par sa précision. C’est de la belle ouvrage que ce vin là. Sur un excellent damier de coquilles Saint-Jacques et truffe, il trouve un peu d’ampleur.

Mais lorsqu’arrive le Meursault Les Perrières Leroy négociant 1995, force est de constater que le Leroy fait de l’ombre au Raveneau, essentiellement à cause de l’acidité du chablis. Le Meursault est rond, généreux, chatoyant, ample et nous ravit sur une originale composition de moules et de girolles où s’exprime sa jeunesse citronnée. Il poursuit son festival sur une assiette de cèpes en prenant de la rondeur, puis sur une aile de raie absolument délicieuse avec des févettes et traitée sans aucun accompagnement pour avoir la richesse de sa chair.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 a un niveau assez bas, ce qui est un facteur d’incertitude mais sa couleur vue en cave m’avait plu. Son odeur à l’ouverture était splendide et maintenant, on pourrait se contenter de respirer le vin tant il exprime l’A.D.N. des vins du domaine, fait de pétales de rose et de sel. Je n’arrête pas de m’extasier devant cette odeur divine. Sur un foie gras poêlé, le vin est impérial et si la rose abonde, on peut noter de petites pointes de truffe. La délicatesse et la noblesse de ce vin sont extrêmes. Mes amis se pâment comme moi. C’est un grand moment de communion.

Pour la grouse délicieuse, avec une sauce lourde, c’est le tour du Vega Sicilia Unico Reserva Especial mis en bouteilles en 1979 et donc composé de 1962, 1964 et 1968 de ravir nos papilles. Le nez est entièrement de fruits rouges et noirs. En bouche, l’ampleur est extrême mais je ne retrouve pas le velouté onctueux que le nez suggère. Le vin est grand, racé, avec des notes de chocolat et de café judicieusement orientées par la sauce, mais il est plus strict que velouté.

Patrick Pignol a préparé un soufflé au cognac (assez présent !) pour que nous continuions de jouir de l’immense Cognac Adet vers 1880.

Après ce Marathon, Ted est quasiment mort mais Murray et Steve sont en pleine forme et ne tarissent pas d’éloge pour le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 qu’ils considèrent comme le vin le plus brillant de leur voyage. Nous nous sommes promis de nous revoir, et ces deux repas ont forgé une amitié nouvelle avec de vrais amateurs de vins, sympathiques, charmants et généreux.

L’amour du vin quand il est partagé crée de belles rencontres et de grands moments de communion.