Dîner au restaurant de David Toutainvendredi, 1 novembre 2019

Bipin Desai, célèbre collectionneur américain a été l’initiateur des dîners de vignerons que j’organise depuis 19 ans. Il vient d’arriver à Paris, en provenance de Los Angeles, et m’avait demandé de réserver une table pour nous deux au restaurant de David Toutain. Je suis heureux de cette occasion de revoir un chef que j’apprécie. Lorsque j’arrive, le chef prend l’air sur le pas de la porte et nous bavardons quelques minutes. La décoration a changé. Elle est plus souriante. Je reconnais des personnes familières car j’ai vu Gautier, responsable de salle, et la sommelière Suzanne en d’autres lieux comme le Crillon.

Bipin arrive assez fatigué par son voyage mais je le trouve en très bonne forme pour ses 84 ans. C’est lui qui va décider ce que nous boirons sur la carte des vins et manifestement, son regard va dans des zones tarifaires que j’essaie d’éviter. Comme nous partageons l’addition, son choix pèsera lourd, car les coefficients du restaurant sont élevés sur certains vins.

Nous commençons par un Champagne Bollinger R.D. 2002. Le champagne est évidemment très grand mais je suis fort gêné par sa bulle insistante. Ce midi j’avais bu un Laurent-Perrier 1981 sans bulle et délicieux. J’ai du mal à m’adapter à ce saut dans la jeunesse où la bulle est envahissante et limite mon plaisir, même si le champagne joue dans la cour des grands.

On nous donne le choix entre deux menus, l’un à onze plats et l’autre à huit plats. Le petit menu s’appelle Reine des Prés. Le grand menu s’appelle Lierre Terrestre, pour une raison qui n’apparaîtra pas dans ce que nous mangeons. Mais ce titre est poétique.

Le texte du menu Lierre Terrestre n’est donné qu’à la fin du repas. Du bout des doigts : salsifis épeautre / topinambour bœuf fumé / betterave oxalys chocolat / huître échalote / Au fil du temps : caviar avocat banane / brioche beurre demi-sel / foie gras butternut clémentine / céleri rave foin truffe blanche / foccacia sapin / choux asperge Saint-Jacques douglas / poisson cèpe noix / homard genièvre pamplemousse / anguille sésame noir / viande Celtus curry / lièvre cacao / bleu de Séverac poire / Instant T. : cédrat marron livèche / pistache poivre Timut pomelos / mignardises.

On peut soupçonner qu’un chef qui coup sur coup nous offre salsifis, topinambours et panais a l’envie de susciter des symphonies intestinales…

Suzanne nous a conseillé de prendre un vin blanc compte tenu de l’orientation du repas. Ce sera un Meursault Charmes Domaine Comtes Lafon 2014. Bipin et Suzanne sont des admirateurs du millésime 2014 dont j’avoue ma faible connaissance. Ils ont raison car ce vin blanc est divin, riche, plein, joyeux, virevoltant et nous offrant des éclairs de génie. C’est un très grand vin.

La cuisine de David Toutain est inspirée et de haute précision. Le plat que j’ai adoré, c’est l’anguille cuite avec une justesse extrême. C’est délicieux. Ensuite vient le homard remarquable. Mais pourquoi le présente-t-on avec la pince dans une coupelle devant soi et la queue dans une coupelle commune où les deux morceaux à se partager reposent sur des branches de pin. La présentation parfois confuse des plats rebute un peu. Ensuite vient le foie gras au goût exceptionnel. Le seul plat qui ne m’a pas convaincu est le lièvre à la royale selon la recette du sénateur Couteaux, car la crème ne fait pas ressortir la richesse de la viande au goût profond. Comme c’est une question personnelle je veux bien admettre que je n’ai pas raison, mais je n’ai pas été séduit.

Il y a dans la cuisine de David Toutain une grande recherche des présentations qui fait penser à celles de René Redzepi du restaurant Noma. C’est parfois un peu compliqué, mais ce qui compte c’est la cuisine très précise d’un chef de talent. Le dîner à huit plats eut été un meilleur choix car nous avons Bipin et moi de lourds programmes. Ce furent d’agréables retrouvailles de la cuisine de ce chef.

quelle imagination créatrice !