dîner au Ledoyen n’efface pas la perte de Garnierjeudi, 22 septembre 2011

J’ai perdu plus d’une heure dix, rien n’égale mon malheur. Sort cruel …

Ce sujet pourrait s’appeler : de l’influence des circonstances sur l’appréciation des mets et des vins. Quand le sort penche d’un côté ou de l’autre, l’objectivité s’en ressent.

Avec Tomo et son épouse, ma fille et mon gendre, nous devions aller à l’Opéra Garnier. Selon une habitude qui fait partie du génie français, les machinistes de l’Opéra ont déclenché une grève à 16 heures. Nous avions prévu de souper après le ballet. Bloqués dans nos envies, nous transformons la soirée en un dîner, et grâce à la gentillesse naturelle de ce restaurant, ce sera au restaurant Ledoyen. Un rhume qui ne veut toujours pas me quitter depuis un mois n’ensoleille pas mon aptitude à l’enthousiasme.

Nous avons le petit salon bibliothèque de taille idéale pour un repas intime. Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 1999 est d’une platitude tout à fait étonnante. C’est bien la première fois que je le vois aussi peu causant. Une anomalie sans doute. Tomo a apporté trois vins. Il a peur que son Puligny-Montrachet Les Combettes Etienne Sauzet 1985 ne soit bouchonné mais ce n’est pas le cas. Il a besoin de s’ouvrir, et il se révèle absolument délicieux, fruité, légèrement fumé, complexe à la longueur très impressionnante. Et il va accompagner les plats avec une pertinence remarquable.

Le Pommard les Vignots Domaine Leroy 1993 n’est pas mal fait, mais du fait de l’année, il ne dégage pas une émotion particulière. C’est un pommard, mais discret, trop discret. On pouvait s’attendre à ce que l’année du deuxième pommard le propulse au-delà, mais le Pommard Clos des Epeneaux Comte Armand 1990 joue franchement en dedans. Pas un gramme de vibration et un discours limité. La bonne pioche trouvée sur la carte des vins, c’est le Chateauneuf-du-Pape Clos des Papes, Paul Avril 1998. Ça, ça cause ! Et ça cause juste, précis, joyeux et remplit la bouche de soleil.

Nous avons pris des menus différents. Avec mon gendre, nous avons choisi les trois spécialités : grosses langoustines bretonnes, émulsion d’agrumes / blanc de turbot de ligne juste braisé, pommes rattes truffées / ris de veau en brochette de bois de citronnelle rissolée, jus d’herbe. Là aussi, est-ce mon rhume insistant, je n’ai pas eu le plaisir que me donne habituellement la cuisine de Christian le Squer et son turbot, trouvé légèrement trop cuit par mon gendre et moi, ne nous a pas autant plu que d’habitude. Qui est responsable, l’observant ou l’observé ? Je parie que mon humeur en est la cause.

Les deux vins qui sortent du lot sont le Puligny-Montrachet et le Clos des Papes. Ce n’est pas facile d’effacer totalement la perte d’un ballet. Les occasions de compenser ne manqueront pas.