dîner au domaine Faiveleyjeudi, 21 février 2008

Nous revenons au siège et Bernard Hervet nous entraîne de nouveau dans des caves et je me demande si ce passage en cave est vraiment nécessaire. Mais, sans qu’on s’y attende, une belle salle voûtée est aménagée dans un recoin de la cave, où une table joliment apprêtée va accueillir notre dîner. C’est Thomas Protot du restaurant La Cabotte à Nuits-Saint-Georges qui a préparé la cuisine. Voici le menu : amuse bouche qui est une crème à la châtaigne et petite gamba / Saint-Jacques poêlées, pousse de soja et boudin noir / noix de veau rôtie, pulpe de racines et truffes noires / assiette de fromages / biscuit moelleux aux noix, poire pochée et confiture de lait. Nous somme particulièrement sensibles au fait d’être traités d’aussi belle façon.

Le Meursault 1er Cru « Le Blagny » Faiveley 2000 a un nez de beurre et de fumé. En bouche, c’est bon. Le final est joli. C’est un vin assez simple mais très agréable. Le Corton Charlemagne Domaine Faiveley 1998 a une magnifique couleur dorée. Le nez de petit mousseron est charmant. Le vin est opulent et généreux.

Le Mazis-Chambertin Domaine Faiveley 1996 a un nez sauvage, fragile, timide, mais de grande profondeur. En bouche il est assez strict, astringent, poivré. Il y a peu de fruits mais un poivre important. Bernard n’a pas le même avis que moi sur l’ampleur du fruit. Bernard nous donne un tuyau. Il dit que les deux rouges réussis de 1996 sont ce vin et le Richebourg d’Anne Gros 1996. Il se trouve que j’ai bu le Richebourg d’Anne Gros 1996 avec Bernard il y a quelques années chez Guy Savoy. Je partage son avis sur le Richebourg plus que sur le Mazis. Le vin qui s’ouvre maintenant dans le verre devient subtil et délicat, mais je ne rejoins pas l’enthousiasme de Bernard.

Mon ami américain nous sert un vin rouge à l’aveugle. Bernard y sent l’eucalyptus et le moka qui l’orientent vers Margaux. Jacky pense que l’année doit être 1955 compte tenu de ce qu’il ressent. Le vin est un peu fatigué et il faut dire qu’il a beaucoup voyagé. On sent que c’est un grand vin d’une trame noble, même si la fatigue se sent. On nous sert en même temps le Gevrey-Chambertin 1er Cru « La Combe aux Moines » Domaine Faiveley 1935 que Bernard ne connaît pas et découvre avec nous. Bernard n’a jamais bu de vins de cette petite année alors que j’en ai bu plus d’une demi-douzaine. Nous sommes tous éblouis par l’incroyable performance de ce vin. Il est d’un velouté que jamais son année ne devrait donner. La couleur est un peu évoluée mais belle. C’est une grosse surprise de le voir aussi vivant, velouté, passionnément bourguignon. La trace de thé en bouche est magique. Bernard ne peut pas cacher sa joie indicible d’avoir découvert un 1935 d’une telle valeur, ce qui remet en cause tout ce que l’on lit dans les livres.

Mon ami ne veut toujours pas révéler le nom de son vin que nous supposons grand car il veut que nous découvrions le deuxième vin qu’il nous sert à l’aveugle, vin de dessert. Je reconnais au nez qu’il s’agit d’un Yquem, et la couleur me porte vers les années trente, mais l’abondance du sucre me trouble car ce n’est compatible avec cette décennie. Il s’agit de Château d’Yquem 1955, très puissant et d’une trace en bouche infinie. Il y a des abricots, de la mangue confite, du coing. Le fruit est légèrement caramélisé. C’est un très grand Yquem. Nous connaissons enfin le nom du rouge : c’est Château Palmer 1955, ce qui confirme les pistes proposées par Bernard et Jacky qui sont, comme mon ami nés en 1955, ce qui n’est pas un hasard dans les choix de vins qu’il a faits. Bernard est très heureux de la générosité de mon ami américain.

Bernard Hervet a une hauteur de vue dans l’analyse des vins qui m’enchante, comme m’enchante l’approche très différente mais oh combien percutante de Michel Bettane.

Ces quatre jours passés en Bourgogne, où tous les événements ont été amicaux, personnalisés, pensés avec une attention et un soin remarquables m’ont fait un infini plaisir. Je me suis rendu compte que j’avais tissé avec quelques vignerons des relations qui dépassent de loin l’accueil formel et poli. Je repars avec une cargaison de souvenirs qui marqueront ma vie. Cette amitié montrée partout est aussi riche que les vins de ces géniaux vignerons sont bons. Vive la Bourgogne !