dîner au « Bouchon » Beverly Hillsmardi, 6 mars 2012

Un ami américain que j’ai connu sur le forum de Robert Parker m’avait annoncé son passage à Paris début avril et m’avait demandé si nous pourrions nous rencontrer. Prenant la balle au bond, sachant qu’il habite Berverly Hills, je lui ai dit : « rencontrons-nous d’abord lors de ma visite ». Il m’a répondu : « rejoignez un dîner que je fais, rendez-vous au restaurant ». Rien d’autre, pas d’indication sauf celle de ne pas apporter de vin car il y en aura. Le lieu et la date changèrent, mais au bout du compte, nous nous retrouvons au restaurant « Bouchon » Beverly Hills, qui fait partie du groupe de Thomas Keller propriétaire du fameux « French Laundry » dans la Napa Valley. Surprise, je me retrouve avec des jeunes vignerons de Saint-Emilion qui étalent sur un étagère les 2009 que nous allons boire : Clos des Jacobins, Château la Commanderie, Clos de la Vieille Eglise qui est un pomerol, Clos du Breuil, Château Fleur Cardinale, Secret de Cardinale, Rol Valentin qui a ajouté un 2005 au 2009. Voilà un programme sympathique. Alors qu’on nous avait réservé une belle table sur un balcon de l’immeuble où se situe le restaurant, mon ami Jeff nous fait préparer une table deux fois plus petite où nous sommes serrés comme des sardines.

Alex, le sommelier qui avait travaillé dans le passé pour les dîners de Bipin Desai nous sert un Marcassin Chardonnay 2005. Ce vin est étrange car il semble d’une jeunesse extrême. Dire que c’est un 2010 serait logique. Il est typé californien, avec une puissance très prégnante. On sent qu’il a un beau potentiel de développement. Mais je trouve que le final est trop court et l’amertume trop grande. Le Kongsgaard 2006, lui aussi chardonnay est très oxydé. Il déplait à tous, malgré un gros fruit et un fort caramel.

Nous passons aux rouges avec un Cain Concept 2002 à dominante cabernet sauvignon, doucereux et fort poivré. C’est le second vin du Cain Five 2003 où le cabernet sauvignon ne fait que 45% contre 84% pour le précédent, avec un pourcentage significatif de petit verdot (20%). Le nez est plein de charme. Il est très doux, avec un final de cassis. Il titre 14,7°, ce qui doit être d’une grande modestie. Il est vert, fort, avec du fenouil et des tannins durs. Il ne manque pas de charme.

Le Arrowood 1997 cabernet sauvignon est très bon, délicat vivant et vibrant. Il a une belle fraîcheur. Les vignerons et moi-même, nous commençons à trouver que l’introduction américaine est bien longue et nous commençons à penser que les vins français ne seront pas bus. La Rota Vineyard 1994 cabernet sauvignon a un nez très élégant. Le vin est bon, joli, charmant. Mais il manque vraiment de longueur et assèche la bouche. La Conn Valley Right Bank 2007, petit clin d’œil aux vignerons qui sont de la rive droite de Bordeaux, est majoritairement merlot. C’est un joli vin très boisé et un peu râpeux.

Vient enfin un vin français mais qui ne provient pas des présents, Château La Croix Saint-Georges 2001, vin beaucoup plus frais et léger que les précédents, d’une belle élégance. Jeff, du fait de ma présence, a apporté un Château Cheval Blanc 1970. Comment faire quand le vin a été ouvert à mon intention, et quand il est bouchonné, si celui qui l’a offert prétend que non ? Une des vigneronnes avait déjà sans crier gare vidé son verre dans un crachoir. Le vin, malgré une belle attaque, est envahi par le goût de bouchon. L’intention était amicale.

Le Spottswoode cabernet sauvignon 2007 est un vin très riche qui a obtenu 100 points Parker. Il est surpuissant. C’est du copeau de bois, riche bien sûr, mais sans véritable émotion.

Le « Bouchon » est un bistrot à la cuisine d’une belle précision. Le jarret de veau fourré au ris de veau est d’une tendreté remarquable. Ce dîner fut curieux, puisque les vignerons avaient apporté leurs vins pour qu’on les boive. Ils vont les présenter à la presse demain. Ces vignerons sont sympathiques, motivés à promouvoir leurs vins auxquels ils consacrent toute leur énergie. Leurs avis sur les vins américains ont été contrastés, parfois opposés. J’avais à côté de moi un sommelier qui est inscrit aux plus prestigieux concours de sommellerie. Cette soirée dont je ne savais rien, fut fort sympathique, avec des vins américains qui ne m’ont pas franchement convaincu et la défaillance d’un vin emblématique. On conservera surtout la chaleur de l’amitié.