Dîner à Val Thorens au restaurant Jean Sulpicesamedi, 9 janvier 2016

A l’occasion de mon anniversaire, des amis m’avaient annoncé qu’ils m’offriraient, ainsi qu’à mon épouse un week-end gastronomique dans un restaurant de notre choix. Mon choix s’était porté sur le restaurant de Jean Sulpice à Val-Thorens, où Jean a été gratifié de deux étoiles au guide Michelin.

De bon matin un vendredi nous nous retrouvons à quatre à la Gare de Lyon, direction Moutiers. Un taxi nous conduit à Val-Thorens, à 2300 mètres d’altitude, ce qui permet à Jean Sulpice d’affirmer avec humour qu’il est le chef étoilé le plus haut du monde.

L’hôtel Fitz Roy est situé au départ de pistes de ski et tout est organisé pour favoriser les skieurs. Les chambres sont petites mais bien agencées. L’accueil est très professionnel ce qui est agréable. A 18h30 nous nous retrouvons au salon bibliothèque de l’hôtel pour partager une bouteille de Champagne Veuve Clicquot Carte Jaune sans année. La bouteille arrive chaude et lorsqu’il est refroidi, il est sympathique mais n’a pas la vivacité habituelle que je lui connais.

Nous nous rendons par navette au restaurant Jean Sulpice, qui s’appelait Oxalys mais est rebaptisé de son nom. L’accueil est chaleureux. La salle est grande, d’une décoration compliquée et parfois un peu chargée. J’avais téléphoné à Jean pour lui demander si je pourrais apporter une bouteille. Lorsque Jean voit la bouteille il regrette de ne pas avoir eu le temps d’étudier un plat pour elle et suggère qu’elle soit laissée pour demain car il est prévu que nous dinions ici à nouveau le lendemain. Dans le même esprit Jean suggère que nous ne fassions pas d’emblée un grand menu ce soir mais que nous répartissions ses spécialités sur deux jours. Nous sommes d’accord et nous allons nous laisser entraîner au rythme du chef.

Il faut maintenant choisir les vins. La carte des vins est intelligente et proposée avec des prix dont la plupart sont raisonnables, ce qui permet d’avoir de beaux choix. Alexandre, le jeune sommelier est sympathique et de bon conseil. Il va gérer les choix et le service de façon brillante.

Le menu composé par Jean Sulpice est : galette de polenta / rissole au Beaufort / les amuse-bouche : parmesan, poire et roquette polenta, truite marinée, citron caviar, risotto de céleri, vin jaune, comté / œufs aux cèpes / tartiflette, bouillon d’oignons / légumes retrouvés, truffes / truite, sapin / Saint-Jacques, oseille, vanille / pigeon, foie gras, réglisse / beaufort, esprit d’un alpage / safran, biscuit de Savoie / pomme, meringue, miel de montagne, Antésite / comme un éclair, café, cardamome, orange.

Il paraissait opportun de commencer par un vin de la région et ce sera une Roussette de Savoie Marestel Dupasquier 1991. Le vin est légèrement ambré. Le nez est très noble, avenant. En bouche le vin est un peu oxydé et a perdu de la vivacité de sa jeunesse. Il a des notes de tisanes et de thé. C’est avec les œufs aux cèpes qu’il va trouver toute sa puissance et sa joie de vivre. Les vins de Dupasquier sont remarquablement faits et nous trouvons notre bonheur avec ce 1991.

L’Hermitage Jean-Louis Chave blanc 2010 est mis en valeur par le vin précédent car il a une ampleur ensoleillée remarquable. Il est serein, puissant, large, glorieux. Il va créer un accord d’anthologie. La truite du lac Léman est un plat exceptionnel de subtilité, de raffinement et de gourmandise. La sauce au fumet de sapin est diabolique et le vin s’en empare pour une symbiose rare, de celle qui donnent des frissons dans le dos. Ce moment de grâce gastronomique pure est un de ceux que l’on recherche et que l’on savoure lorsqu’ils apparaissent. A notre table, ce ne sont que des « oh », des « ah », et des échanges de regards de complicité, face à ce plaisir absolu.

Le Champagne Jacques Selosse 1999 dégorgé en 2010 est d’une année où Anselme Selosse a fait des miracles. J’ai le souvenir d’avoir bu ce vin en magnum dans un état d’accomplissement exceptionnel. Ce champagne est bon, mais n’atteint pas le niveau du souvenir que j’en ai. Il a le charme énigmatique des vins de Selosse et rappelle un peu les notes fumées que l’on a trouvées dans le Dupasquier. Il est largement mis en valeur par les magnifiques coquilles et la combinaison oseille vanille si exotique et originale.

Le Champagne Krug Vintage 1995 claque sur la langue comme un coup de fouet. Ce champagne d’une vivacité extrême est au sommet de sa gloire. C’est le plus grand Krug 1995 que j’aie bu, qui affiche sa grandeur, plus généreux que le Selosse.

Le repas est d’un très haut niveau. On sent des influences de Marc Veyrat mais Jean Sulpice a une cuisine qui se caractérise par sa cohérence, son intelligence et sa gourmandise. Car ce n’est pas la complexité qui est mise en avant, mais le plaisir de manger. Et c’est le plus grand compliment que je pourrais faire à sa cuisine. Il ne fait pas de doute que l’on est au niveau de trois étoiles Michelin. Le plat le plus brillant, magnifié par l’accord avec l’Hermitage, c’est la truite avec ce goût de sapin exceptionnel. L’œuf aux cèpes est d’un dosage parfait. Les coquilles avec l’oseille et la vanille sont d’un rare niveau. En un mot, c’est un repas de première grandeur.

Nous classons rapidement les vins. Mes deux amis mettent le Chave devant le Krug puis Selosse et Dupasquier. Mon choix est Krug puis Chave et Selosse et Dupasquier. C’est le coup de fouet magistral qui m’a fait placer le Krug devant l’opulent et glorieux Chave.

Comme au restaurant de David Toutain, on nous annone les plats avec : « c’est le plat signature du chef », « c’est le plat exceptionnel du chef ». De plus en enlevant les assiettes on nous demande : « comment avez-vous trouvé le plat merveilleux du chef ». Rien n’empêche d’annoncer ce que le chef a voulu faire sans avoir le besoin de multiplier les coups d’encensoir. En contraste avec ces présentations l’attitude du sommelier est parfaite et celle du chef encore plus. Jean est venu s’asseoir à notre table et nous avons longuement bavardé de façon décontractée de sa cuisine et de ses ambitions. J’ai connu Jean lors de dîners à quatre mains qu’il a réalisés aux Avisés d’Anselme Selosse et avec David Toutain et en d’autres occasions. C’est notre ami Jean-Philippe Durand, co-auteur du livre de Jean « d’un hiver à l’autre » qui m’a fait connaître Jean et m’a donné envie de découvrir sa cuisine chez lui.

Ce dîner est mémorable, et nous recommençons demain !

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