Dîner à l’Epicure, la Table du Bristolmercredi, 10 décembre 2014

Dans une semaine aura lieu le 14ème dîner annuel que j’organise, appelé « dîner des amis de Bipin Desai » du nom du grand collectionneur américain, qui réunit certains des plus grands vignerons de France et d’Allemagne. Traditionnellement, nous dînons ensemble quelques jours avant ce dîner, pour faire le point. Nous avons une table réservée à « La Table du Bristol », le restaurant Epicure. C’est un dimanche soir aussi la clientèle est-elle constituée en majorité de touristes étrangers. Nous prenons une coupe de Champagne Pierre Moncuit Blanc de Blancs sans année. Ce champagne de Mesnil sur Oger est très peu dosé, de belle acidité et de grande vivacité. Il se boit bien.

Nous choisissons nos plats. Mon menu sera : céleri-rave « Monarch » cuit au gros sel, râpé de beaufort et truffe noire du Vaucluse, beurre battu au jus de truffe / merlan de ligne de Saint-Gilles Croix-de-Vie en croûte de pain de mie, imprimé aux amandes, tétragone mi cuite relevée à l’huile de curry et péquillos.

En attendant Bipin, j’avais regardé la liste des vins aux prix monstrueusement dissuasifs. Les plats étant définis, je propose à Bipin qu’il choisisse les vins du repas. Il voudrait commander un Clos de Tart 1999 et je lui dis que l’année la meilleure, selon les indications de Sylvain Pitiot lui-même, c’est 2005. Sur la carte des vins, le 2005 est proposé seulement en magnum. Au lieu de deux vins nous pourrions n’en avoir qu’un seul. Bipin ne me parle pas du prix, alors qu’il est prévu que nous partagions la note. Je suis obligé de me fier à son examen de la pertinence du prix du magnum.

Les amuse-bouche sont très bons et montrent la dextérité du chef. Peut-être juste un peu intellectuels, mais ne boudons pas notre plaisir.

Le céleri arrive entier et un maître d’hôtel vient creuser l’intérieur à la cuiller et dépose le cœur du céleri sur des assiettes mises à chauffer. Le beaufort est râpé puis sur table, la truffe noire très odorante est coupée en lamelles généreuses. Le plat est fort bon.

Le Clos de Tart magnum 2005 a un nez d’une richesse olfactive rare. D’emblée on sent que le vin est noble et généreux. Il est même impressionnant. En bouche, le mot qui vient à l’esprit est « velours ». On pourrait même parler de soyeux. Le vin est délicat, subtil, racé, d’un grand équilibre et d’une longueur entraînante. Si l’on devait évoquer les fruits, il s’agirait de fruits roses, comme la groseille ou la grenade, avec une acidité bien contenue. C’est un vin de plaisir bourguignon. L’accord avec le céleri est superbe. Le vin très accueillant se marie dans une très belle combinaison.

Le poisson est superbe. Arriver à donner au merlan un goût aussi noble est un travail d’artiste. Et je suis heureux de retrouver ici le talent d’Eric Fréchon. Si je prends soin de ne goûter que la chair du poisson, à la mâche gourmande, le Clos de Tart est mis en valeur. Je vis un grand moment.

Depuis quelques années, je demande qu’on ne carafe pas les vins jeunes de cet acabit, car j’aime voir l’éclosion des jeunes grands vins. Et j’ai préféré ce Clos de Tart sur la première moitié de la bouteille. Car le vin réchauffé dans nos verres prend progressivement une expression où l’acidité et l’amertume se révèlent plus. C’est dans la fraîcheur que l’on a tiré le meilleur profit du vin. Nous prenons un peu de fromage pour continuer le magnum et une Tome de Savoie est le meilleur ami du vin.

Lorsqu’arrive l’addition que nous allons partager, je sursaute et regarde Bipin avec des yeux qui en disent long. Comment a-t-il pu se laisser entraîner et m’entraîner dans une telle folie ? Le prix du vin est choquant. Bipin m’a dit qu’il croyait que le premier des quatre chiffres était un « un » alors que ce n’est pas le cas. Le coefficient multiplicateur est très probablement au-dessus de huit. De quoi être très mal à l’aise. C’est ma faute de ne pas avoir demandé à Bipin le budget prévisible. Si j’avais su, cela nous aurait privé d’un Clos de Tart absolument sublime, d’une distinction rare.

Il est dommage que le restaurant du Bristol, une institution parisienne, se comporte comme les restaurants de Courchevel, où la clientèle qui est visée est celle de riches amateurs qui se trouvent de moins en moins dans la clientèle française.

Ayant retrouvé avec plaisir le talent d’Eric Fréchon, je reviendrai en profiter, mais …. à l’eau.

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amuse-bouche

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les plats avec le service du céleri sur table chauffante

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pour une autre table, un service particulièrement élégant et raffiné

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