dîner à l’Abbaye des Vaulx de Cernayvendredi, 11 février 2011

C’est grâce à Jean-Philippe, le "cooking doctor" souvent évoqué dans mes écrits que j’ai fait la connaissance d’un amateur de vins à la culture vinique assez exceptionnelle. C’est lui qui pour ses cinquante ans avait réuni quelques amis autour de grands vins, dont une Romanée Conti 1981 superbe. Nous nous sommes rencontrés peut-être une quinzaine de fois, mais j’ai chaque fois l’impression, quand nous dégustons des vins ensemble, que nous sommes des amis de toujours. Luc se marie et le dîner se tient à l’Abbaye des Vaulx de Cernay. L’immense ensemble de bâtiments cisterciens est d’une beauté à couper le souffle. Dans une grande salle voûtée aux enfilades d’arches gothiques en nombre quasi infini, nous sommes près de 200 à célébrer en toute amitié les futurs époux.

L’apéritif se prend avec le champagne de l’association "Les Hôtels Particuliers" dont les propriétaires du lieu font partie. C’est un champagne Delamotte non millésimé fort agréable lorsqu’il est frais, car la grande salle est surchauffée. Je retrouve de grands amateurs de vins avec lesquels j’ai bu de belles bouteilles. Notre table est plus qu’éclectique, ce qui permet des échanges riches.

Le menu est : foie gras de canard au caramel de noisettes, gelée d’agrumes, pain fusette, salade d’herbes / filet de bar poêlé, croustillant de légumes, sauce saté / selle d’agneau rôtie, polenta crémeuse aux tomates séchées, jus à l’ail doux / fromages affinés / l’Automnal (mousse marron et caramel, pommes caramélisées, éclats de nougatine aux noix) et le Suspens (mousse chocolat noir, crémeux chocolat, gelée de fruits exotiques, biscuit chocolat et noisette).

Dans un lieu consacré aux réceptions en tous genres, on ne s’attendrait pas à une telle qualité de cuisine. Le bar est excellent, l’agneau goûteux. Tout est copieux et bon. Le Vouvray demi-sec Domaine La Navire 1989 est assez étrange, montrant des signes d’évolution plus marqués que son âge, légèrement ambré. Enigmatique, avec un léger aspect fumé il se marie très bien au foie gras.

Le Sancerre Cuvée Edmond Vieilles Vignes Domaine La Moussière Alphonse Mellot 1997 m’est d’abord versé dans le verre de Vouvray, ce qui donne un goût étrange. Lorsque le vin est servi pur, je suis encore troublé par la confusion, aussi mon appréciation n’est pas pertinente.

Le Château Cheval Blanc 1985 est servi aux quelques tables où Luc a regroupé ses amis amateurs de vins. Quel cadeau ! Le nez est superbe. On sent la richesse, la complexité, l’exubérance, la force. Instantanément, on s’installe au plus haut niveau. La bouche est belle, mais je dois dire moins impressionnante que le nez quand on boit le vin seul. C’est avec la selle d’agneau rôtie magnifiquement exécutée que le vin prend son envol. Il a tout : charme, élégance, complexité, précision, des aspects de truffes, de réglisse, d’anis. Sa longueur est grande et élégante. Sa densité est superbe. C’est une des plus grandes réussites de sa décennie. Un vin pour lequel on ne se pose pas la question de savoir s’il mérite sa place dans la hiérarchie des vins de Bordeaux, car il est au sommet.

Le Sancerre revient avec les fromages et là il n’y a plus de doute : c’est bien un Sancerre, agréable, juteux et joyeux, bon compagnon de fromages crémeux. Le Champagne Alfred de Rothschild rosé 1981 est très agréable, plutôt strict, et ce qui me plaît, c’est justement qu’il ne cherche pas à plaire. Il cultive des énigmes que j’aime déchiffrer et accompagne avec bonheurs les beaux desserts.

Notre ami nous a traités de façon royale pour son mariage où l’émotion et l’amitié avaient une belle part.