déjeuner de rêve chez Veuve Clicquotmercredi, 5 décembre 2012

La demeure de réception de la maison de champagne Veuve Clicquot est au centre de Reims. C’est un bel hôtel particulier récemment restauré, décoré avec beaucoup de goût, avec un délicat mélange entre classicisme et modernisme et d’audacieux choix de couleurs judicieuses. Je suis reçu par Fabienne Moreau qui est la mémoire de Veuve Clicquot, gardienne de l’histoire. Nous sommes rejoints par Dominique de Marville, l’homme qui fait Veuve Clicquot. On nous verse un verre de Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 2004, champagne chaleureux d’une année qui va compter dans l’histoire. C’est assez rare qu’un champagne aussi jeune puisse être aussi décontracté, facile à vivre, tout en étant riche et enveloppé. Nous gardons nos verres à la main pour visiter les caves de l’hôtel du Marc. Dominique me dit : "ici c’est la cave du jour" et mon rire éclate quand je vois une pile imposante de Bouzy 1943. Je lui réponds : "c’est vrai que boire du Bouzy 1943 c’est ce qu’on fait tous les jours". Nous allons ensuite dans la cave aux trésors. Dominique me montre des reliques et j’estime que c’est le moment opportun de lui parler du vin que j’ai apporté. C’est un Vin Blanc Vieux d’Arlay Bourdy 1934. Dominique réagit avec classe et décide que nous boirons un Veuve Clicquot 1934. Je vois une bouteille de la Baltique identique à celle que j’ai acquise. Nous visitons aussi la cave des rouges, mis en cave pour des repas au château.

Nous remontons de cave et j’ouvre le vin que j’ai apporté en montrant ma méthode, même si elle n’est pas de grande utilité dans une maison où l’on boit surtout du champagne. Le nez du vin est un bouquet explosif de saveurs où la noix existe mais pas seulement elle.

Nous passons à la magnifique et spacieuse salle à manger. Elle est lambrissée mais les lambris ont été peints en noir avec des filets dorés. La table est noire, ce qui met en valeur la verrerie. Les fleurs sur la table sont jaunes et dorées. On sent l’intention de recréer les couleurs de Veuve Clicquot, avec élégance.

Le menu mis au point par le chef Laurent Beuve est : homard breton, pomme de terre à la fourchette, crémeux truffes noires / pigeon fermier, légumes d’hiver, jus court réglissé / comtés de divers affinages / douceur vanille et noix, caramel beurre salé.

Le Champagne Veuve Clicquot Vintage 2004 est plus strict, plus droit, moins opulent que la Grande Dame (je parle ici de champagne, évidemment). Mais il est aussi très pénétrant. Le Champagne Veuve Clicquot Cave Privée rosé magnum 1975 est d’une énergie à couper le souffle et je suis d’ailleurs assez impressionné par la qualité de présentation de ces champagnes. Est-ce le fait de jouer sur leurs terres, sans avoir jamais voyagé qui leur donne cette force, cette énergie et cette conviction ? C’est assez spectaculaire. Ce rosé est élégant, de grande classe et la qualité du pigeon est telle que cela le propulse à des hauteurs rares. C’est un rosé de grande valeur et je ne suis pas sûr que si j’en avais un en cave, il arriverait à atteindre ce niveau. C’est le jus court que l’on prend seul sur la pointe du couteau qui donne un coup de fouet magistral au 1975.

Le Champagne Veuve Clicquot Cave Privée 1980 est une bombe olfactive. Il est brillantissime, conquérant, renversant toute résistance à sa séduction. La couleur du Champagne Veuve Clicquot carte d’Or 1934 est ambrée. Le nez est délicat. On voit tout de suite qu’il aurait été meilleur s’il avait été ouvert quelques heures auparavant. Et nous allons assister, avec un plaisir pour moi sans cesse renouvelé, à l’influence qu’a le vin du Jura sur le champagne. Lorsque l’on boit le délicieux et pénétrant Vin Blanc Vieux d’Arlay Bourdy 1934 puis juste après le champagne 1934, celui-ci grimpe de trois échelons dans l’échelle de Richter du plaisir. Le champagne gomme tous ses défauts et devient brillant, joyeux avec la profondeur de la trame d’un champagne ancien noble. Le vin blanc est profond, typé, à la longueur rare et les deux compagnons dont les couleurs sont proches s’entendent comme deux brigands qui préparent un gros coup. Inutile de dire que la joie est à son comble.

Dominique pressent que le Champagne Veuve Clicquot Vintage Rich 2002 surdosé n’aurait pas sa place à cet instant. Il a raison, car même si je suis à l’écoute de ce champagne, les deux 1934 ont trop d’attrait pour qu’on s’y intéresse. Nous avons eu une discussion passionnante avec le chef qui a goûté avec nous et avec le maître d’hôtel les deux vins de 78 ans.

De ce magnifique déjeuner, un champagne sort du lot, c’est le 1980 glorieux et pénétrant. Je mettrai ensuite au même niveau le rosé 1975 et les deux compères de 1934.

Les discussions furent riches, la cuisine est d’un très haut niveau. L’ambiance créée par Dominique est directe et amicale. Après une visite des impressionnantes archives je suis reparti, heureux de ce grand moment de communion. Et, ça ne s’invente pas, ma femme savait que j’étais à Reims mais ne savait pas ce que j’y faisais. Au dîner, un omble chevalier au riz rouge a permis de finir les restes des deux 1934 que j’avais rapportés. Prolongation de l’extase, la vie est belle !

l’hôtel

la cave

le champagne, apparemment, craint la chaleur des chaudières (en version bilingue)

le vin de la Baltique

les deux 1934

la belle salle à manger

le jeu de couleurs des champagnes et des fleurs est d’une grâce extrême (le 1980, le 1934 et le Jura 1934)

le chef

le chocolat VCP