Déjeuner au restaurant Pierre Gagnairejeudi, 9 novembre 2017

J’ai envie de refaire un dîner avec Pierre Gagnaire, car celui que j’avais fait avec lui en 2007, le dîner n° 91, a laissé dans ma mémoire une trace très positive et excitant ma curiosité et mon envie de recommencer. Un rendez-vous est pris avec lui en son restaurant gastronomique parisien, le restaurant Pierre Gagnaire, à midi. C’est évidemment une perche que je me suis tendue pour que je réserve une table pour le déjeuner, ce que je fais.

Nous travaillons dans un recoin de la cuisine, évoquant mille idées sur une liste de vins que j’ai préparée. Pierre Gagnaire est d’une infinie gentillesse et d’une ouverture d’esprit rare. Nous nous reverrons dans quelques semaines pour continuer les mises au point. Au cours de notre discussion Pierre me fait goûter un fromage que je ne connais pas, le Stichelton, qui me semble encore meilleur que le Stilton pour les sauternes.

Au lieu de déjeuner dans l’agréable recoin créé dans la cuisine je vais déjeuner en salle. Je suis seul, je commande le menu du déjeuner et je vois à une table de l’autre côté de la salle un ami gastronome et gourmet. Il déjeune avec une personnalité politique. Je lui fais tendre ma carte et il me propose de me joindre à leur repas. Ils ont pris le lièvre à la royale en trois services et ont déjà fini le premier aussi vais-je gérer mon repas sans le synchroniser avec le leur. Ils me font servir un verre d’un Côtes du Roussillon rouge cuvée vieilles vignes domaine Gauby 2005 que je trouve chaleureux et généreux et dont le relatif manque de longueur, peu marqué, se remarque à peine. L’impression est positive.

Le menu classique du déjeuner est enrichi de quelques préparations que Pierre Gagnaire veut me faire goûter : eau de betterave rouge fumée, sablé de crevettes grises , couteaux et maquereau au sel / crème de maïs, quartiers d’artichaut, copeaux de foie gras de canard pochés / aile de raie bouclée voilée de farine de maïs, poêlée de câpres La Nicchia et cornichons maison, oignons cébettes grillées / Tomatillo, chou-fleur, vuletta / velouté vert, coquillages du moment, algues sauvages du Croisic / Pepe bucato, avocat, sirop gluant de pamplemousse rose.

La cuisine de Pierre Gagnaire est élégante, complexe et les goûts sont enthousiasmants. Certaines associations sont d’une rare richesse mais d’autres sont déroutantes. J’avoue que les algues sauvages m’ont heurté. Il faudra travailler les plats pour assurer une cohérence des à-côtés et Pierre Gagnaire y est prêt. L’aile de raie est superbement présentée mais les légumes verts ne lui conviennent pas. Il y a tant de talent dans cette cuisine que la bonne voie s’imposera d’elle-même.

J’ai tenu à honorer mes convives impromptus en leur offrant de boire ensemble un Champagne Pierre Péters Les Chétillons Blanc de Blancs 2000. Le nez de ce champagne est impressionnant. Il est d’une profondeur et d’une richesse très au-dessus de ce que l’on pourrait attendre. Et la bouche est gourmande, pleine, joyeuse. C’est un très grand champagne.

Mes hôtes ayant des rendez-vous à honorer je me suis retrouvé seul pour poursuivre mon repas. Un maître d’hôtel vient me dire qu’un client, assis seul à une table, souhaite me rencontrer. Je le rejoins et il m’explique qu’ayant entendu une discussion sur le dîner des Romanée Conti que j’ai en projet, il souhaitait en savoir plus. Nous commençons à bavarder, le contact est sympathique aussi suis-je convié à m’asseoir à sa table. Lui aussi avait pris le lièvre à la royale et allait être servi de la tourte que mes convives précédents m’avaient proposé de goûter.

Me voilà parti pour une troisième table au restaurant, comme dans jeu de chaises musicales et mon nouveau convive partage avec moi sa tourte, ce qui fait que mon menu se complète ainsi : tourte feuilletée traditionnelle / confiture d’églantine, prunelles sauvages / sorbet ananas / papaye à la cardamome, kaki / quelques desserts Pierre Gagnaire.

La tourte est accompagnée d’un verre de Château Rayas Châteauneuf-du-Pape rouge 2003 qui est dans un état de grâce absolu avec une râpe très bourguignonne. Quelle énergie, quelle élégance dans ce vin du Rhône qui sourit à la tourte comme après un premier baiser. Mon nouveau convive a quatre-vingts ans, habite Dinard et fait une fois par mois la tournée des grands restaurants pour boire de grandes bouteilles. Il est hautement probable que nous nous reverrons pour partager des vins de la Romanée Conti dont il est friand.

La cuisine raffinée de Pierre Gagnaire ainsi que sa personnalité de chef me plaisent énormément.