déjeuner au restaurant Pagesvendredi, 15 mars 2019

Un ami journaliste et écrivain du vin envisage d’écrire sur le restaurant Pages qu’il a connu à la lecture de mes bulletins. J’ai envie de lui parler du projet de livre que j’ai en cours. Nous allons donc déjeuner au restaurant Pages. Pour étayer les thèses de mon livre, j’apporte dès 11h30 une bouteille qui est l’une de celles qui n’ont pas été ouvertes en cave lors de la visite de mon ami Florent. Il s’agit d’une bouteille sans étiquette et sans aucune indication, qui a été soufflée à la bouche (j’ai du mal à dire qu’on souffle une bouteille à la main), qui a un cul profond et quelques bulles dans le verre qui indiquent une bouteille au moins centenaire. La capsule est rose et sa couleur m’indique avec une quasi-certitude qu’il s’agit d’un Chambertin 1913, car j’avais acheté un lot de Chambertin Sosthène de Grésigny 1913 dont la capsule est la même. Je prends évidemment un risque avec une bouteille centenaire, puisque je veux convaincre mon ami (il l’est déjà) de la perfection des vins anciens.

J’ouvre la bouteille dont le niveau est correct pour une bouteille de cet âge. Le bouchon a des parties noircies par l’âge mais il est sain et vient entier. Le parfum que je fais sentir à Lumi et aux deux sommeliers Matthieu et Bixente est très prometteur. D’habitude j’essuie l’intérieur du goulot avec mon annulaire, pour enlever d’éventuelles traces de gras, mais la bouteille ancienne a un goulot étroit et mon auriculaire ne pénètre même pas entièrement dans le goulot. Il me reste presque deux heures avant que mon ami n’arrive ce qui permet de voir le ballet du personnel de cuisine dont tous les gestes sont harmonieux et utiles.

Le menu est quasiment imposé mais je suggère à Ken, le très précieux chef-adjoint de Teshi, d’adapter les présentations et les sauces pour le vin rouge. Les amuse-bouches sont excellents, celui à la poutargue très goûteux et celui en forme de cromesquis peut-être un peu trop épais. La tourte de homard à la truffe est divine avec sa bisque et se marie parfaitement au chambertin au goût intense et profond de grande vivacité et de grande présence. Le nez est précis, convainquant et la bouche emporte par son charme car le vin profond sait aussi être de velours.

Les asperges blanches sont de grande qualité et pour qu’elles accompagnent le vin il faut surtout éviter le beau bouillon. Le poisson aussi se marie au vin si on oublie la feuille de chou qui le coiffe. Le plus bel accord sera avec le canard dont la sauce est faite pour le vin.

En revanche, les excellentes viandes de bœuf, d’une normande et d’une charolaise, sont trop puissantes pour le vin délicat qui continue à montrer sa force. Je finis la lie noire de ce vin de 106 ans qui, une fois de plus, a montré à quel point ces vins sont d’une vivacité exemplaire. La main de fer dans le gant de velours s’applique bien à ce vin. C’est évidemment un vin ancien mais on ne saurait pas lui donner un âge.

Les desserts de Yuki la très compétente pâtissière sont d’une légèreté remarquable et d’un goût parfait. Son interprétation originale d’un forêt-noire est à signaler.

Mon ami a tout ce qu’il faut pour encenser ce restaurant que j’adore, mais il reviendra pour finir d’écrire son papier. C’est sans doute l’excuse pour une nouvelle gourmandise.

Je suis heureux car quand j’ai fait porter un verre de vin pour toute l’équipe, Matthieu et Bixente m’ont dit à quel point ils ont été enthousiasmés par ce vin centenaire. Une fois de plus les repas au restaurant Pages sont brillants et les vins centenaires aussi !


l’ambiance en cuisine

le vin de 1913 du jour et celui bu il y a cinq ans, authentifiée comme Chambertin Sosthène de Grésigny 1913

la capsule du jour et la capsule de la bouteille bue il y a cinq ans

photos de la bouteille du jour

la couleur du dernier verre avec de la lie et la couleur de la lie seule