Déjeuner au restaurant l’Ami Louisvendredi, 11 novembre 2016

J’ai un frère aîné et une sœur cadette et chacun invite à son tour. C’est le mien. Choisir le restaurant l’Ami Louis, c’est accepter l’excommunication puisque le péché de gourmandise est un péché mortel, malgré l’adresse faite au Pape par Lionel Poilâne, dont je suis un signataire.

J’arrive vers 11 heures alors que le rendez-vous est à 12h30 car j’ai apporté une bouteille que j’aimerais faire goûter. A cette heure, le restaurant est en pleine effervescence pour préparer les tables. J’ouvre ma bouteille et je m’éclipse pour que la ruche fasse son travail. Un café crème peuplera ma solitude dans un café dont la serveuse est née pour faire du bruit. C’est assez drôle de constater que chacun de ses gestes doit faire du bruit, le plus spectaculaire étant celui de la manette qui contient le café, qu’elle tape avec vigueur sur une planche pour que tombe le marc. Elle fait partie de cette secte où l’on retrouve les bricoleurs du dimanche pour qui une perceuse ne peut fonctionner que le dimanche matin à 8 heures, pour que les voisins s’en souviennent.

A l’heure dite nous nous retrouvons, avec une ponctualité militaire. La surabondance des plats invite à partager avec ses convives aussi profiterons nous de : foie gras / coquille Saint-Jacques / escargots / pour l’entrée. Ensuite les parcours se séparent entre les tenants du poulet, du faisan ou du civet de lièvre. Le dessert sera aussi individuel, le mien étant pruneau à l’Armagnac qui m’a plus été imposé par Louis Gadby que consenti.

Nous commençons par un Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle non millésimé
qui a besoin d’être frais pour être réellement vibrant. C’est un grand champagne dont le romantisme est moins évident sur cette bouteille. Le foie gras est d’une exactitude parfaite, la coquille est à se damner et l’escargot appartient à la catégorie « no limit » car il est si bon qu’on voudrait en redemander encore et encore. Son ail en impose. Le Chablis 1er cru Forest Dauvissat 2014 est une petite merveille de gourmandise. Il joue juste. Un détail à signaler : le corail des coquilles est joint, ce qui est apprécié.

A noter que lorsque ma femme cuisine, la coquille est servie avec un vin blanc et le corail avec un vin rouge, ce qui justifie qu’on les présente en deux services.

Le Château Haut-Brion rouge magnum 1992 est servi maintenant sur le poulet, le faisan et le civet. On sent immédiatement une matière lourde et noble. Le nez est d’une grande noblesse. Le vin est un peu plus âgé que le même bu à la maison avec mes enfants il y a peu mais on est manifestement en face d’un grand vin, noble. C’est d’Artagnan. Et on sait que d’Artagnan est d’Artagnan. Il n’a pas besoin de surjouer. Haut-Brion est dans ce cas.

A l’Ami Louis, toutes les barrières diététiques ont fondu plus vite que celles de corail. Alors les desserts sont baba au Rhum, framboises (hypocrites) noyées sous un déluge de crème fraîche, et pour moi prune à l’Armagnac. Et lorsque le dessert est fini, ce sont Quetsche, calvados, chartreuse verte ou chartreuse jaune. Et le temps nécessaire pour vérifier si on préfère la verte ou la jaune nous permet d’atteindre des niveaux qui dépassent les graduations des alcooltests.

Au restaurant l’Ami Louis, on dirait que le temps s’est arrêté en 1925, lorsque le mot diététique n’était pas au dictionnaire. Si Joséphine Baker avait à cette époque deux amours, son pays et Paris, elle aurait pu ajouter l’Ami Louis. Nous sommes hors du temps, avec des saveurs de bon aloi. La montagne de frites est changée en cours de route pour que les frites soient chaudes ce qui est un B.A. BA de la gourmandise. Louis Gadby est un hôte charmant. Si l’on est prêt à faire jeûne pendant les trois jours qui suivront, il faut vite aller à l’Ami Louis.

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