Déjeuner au restaurant Astrancejeudi, 28 mars 2024

Deux mois exactement se sont écoulés depuis la dégustation des vins de Trévallon racontés dans le bulletin précédent. Deux mois sans vin car j’ai été opéré d’une prothèse totale d’un genou. Séjour dans deux hôpitaux, celui de la chirurgie à Toulon et celui de la rééducation à Hyères, ce qui a permis à mon épouse de venir me voir puisque notre résidence d’été (et en l’occurrence, d’hiver) est à courte distance.

On ne dira jamais assez l’engagement et la bienveillance du personnel hospitalier, du personnel soignant et de tous ceux qui accompagnent le retour à la vie normale des patients. J’ai été très impressionné par le travail qu’ils accomplissent avec engagement et sourire.

Pour le premier déjeuner de retour à Paris, nous avons choisi, avec un ami, le restaurant Astrance de Pascal Barbot et Christophe Rohat.

A mon arrivée nous avons bavardé en cuisine sur les péripéties et difficultés nées de l’ouverture du restaurant en plein Covid et de malfaçons contrariant le démarrage. J’y étais venu il y a un peu plus d’un an. D’emblée aujourd’hui on ressent que ce restaurant a pris un rythme de croisière de haute qualité.

Mon ami qui m’invite me laisse le choix des vins. Je repère sur la carte un Chablis Grand Cru Les Clos qui fera l’affaire et comme le menu-dégustation dont nous ne savons rien accueillera mieux les blancs, selon Christophe, s’ajouteront un Champagne Agrapart Terroirs extra brut et mon œil ayant glissé sur la carte, une Gueuse Lambic Cantillon.

Un craquelin aux pois chiches a des notes amères qui me semblent appeler la Bière Gueuse Lambic Cantillon mise en bouteille le 15 mai 2023. Quelle personnalité et quel accord ! J’ai suggéré à Christophe en fin de repas que cette combinaison soit proposée aux clients, tant elle est fusionnelle. La brioche est un délice et copine avec le Champagne Agrapart Terroirs extra brut fait de vins de 2011 et dégorgé en 2014. Ce Blanc de Blancs d’Avize me fait penser à une volonté très proche de celle d’Anselme Selosse. Le champagne est long, racé, vif et de grande intelligence. Au cours du repas si on ne savait pas quel vin prendre, la solution champagne était souvent la bonne.

Arrive le premier plat de bulot, huître et praire, sauce agrumes et piment qui offre des combinaisons de saveurs passionnantes. Le bulot appelle le Chablis Grand Cru Les Clos Vincent Dauvissat 2005. Le nez à l’ouverture est assez discret et ce qui me fascine, c’est la longueur de vin. Il est comme un ricochet réussi dont on voit qu’il pourrait être sans fin. C’est sans doute le plus accompli des vins de ce repas. L’huître impose l’Agrapart et la praire vogue avec la bière Cantillon. C’est un beau départ.

Il est à noter que la bière a une telle personnalité que l’on peut passer de la bière au champagne et inversement sans que cela heurte le palais. Les deux sont grands.

La coquille Saint-Jacques crue est accompagnée d’huître et de préparations assez vives. Vient ensuite du riz Koshihikari traité de façon japonaise avec une tartine de confiture de crevette particulièrement goûteuse. Le champagne accompagne le riz et la Gueuse le pain croquant.

Le turbot vapeur au koji est magique, d’une cuisson d’une rare justesse, et les barbes avec une sauce lourde sont à se damner. Le Chablis brille à coté de ce plat et sa longueur continue d’impressionner.

Un intermède de légumes est charmant.

Une feuille roulée crée une saveur qui nous fait réagir, mon ami et moi, car nous sommes face à un goût cohérent parfait où acidité et douceur sont à leur apogée. C’est flagrant.

Le plat de ris de veau et morilles fourrées à l’ail des ours et vin jaune est un plat gourmand. On se laisse aller à cet appel au bonheur. Le vin blanc est parfait et certaines parties du plat auraient pu accueillir un vin rouge.

Un plat combinant un granité de bleu d’Auvergne avec un kiwi rouge et un sorbet au basilic me séduit moins.

Une coupelle avec oseille et cacahuète est extraordinaire car les deux se combinent parfaitement. Bravo au chef d’avoir créé cette association.

Les œufs coque froids au jasmin rafraîchissants sont une tradition de Pascal Barbot. Et l’on finit avec des madeleines et des feuilles de chocolat.

Après deux mois sans vin et sans gastronomie, je me rends compte que ma vie actuelle se nourrit de gastronomie, de grands vins et de partage avec des amateurs et grands chefs. Je suis heureux dans ce monde de recherche de l’excellence. Pascal Barbot a un talent qui va s’exprimer dans ce bel écrin de la rue de Longchamp. J’ai passé un moment heureux dans ce restaurant qui promet d’être grand.