Déjeuner au Cercle Interalliévendredi, 27 mai 2016

Un américain d’origine espagnole vivant en Californie aurait aimé participer au 200ème dîner mais s’était manifesté après que la table a été constituée. Il est de passage à Paris car avec trois compères il va assister à l’un des chapitres de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin en Bourgogne. Comme ses amis il est membre de la Confrérie californienne et fait partie d’un important club de vins riche de 120 membres. Il souhaite me rencontrer et m’invite à le rejoindre vers 11 heures au Cercle Interallié. Il fait beau, des tables ont été dressées devant la magnifique pelouse et nous commandons du champagne non pas au verre mais en bouteille. La jeune serveuse nous dit qu’en bouteille au bar du rez-de-chaussée, il n’y en a qu’une et nous impose sans alternative un Champagne Laurent Perrier Brut sans année. Voilà qui est bien curieux et lorsque nous irons déjeuner deux étages plus haut, nous constaterons que la carte des vins comporte deux pages de champagnes. La communication ne semble pas le point fort de ce si joli cercle.

Jorge et moi partageons ce champagne dont je dirai avec plaisir qu’il est nettement meilleur que ceux que j’ai bus de ce brut. Il est plaisant, facile, se boit avec enthousiasme. C’est un solide brut sans année. Nous sommes rejoints par un français vivant en Californie puis par un américain californien, ce qui impose de prendre une deuxième bouteille toujours sans alternative du même champagne qui se montre aussi plaisant que le précédent.

Nous montons quelques étages pour déjeuner dans la grande salle du restaurant du Cercle. La décoration est magnifique, ce lieu ayant un raffinement beaucoup plus prestigieux que celui de l’Automobile Club ou celui du Yacht Club de France. Seul le Club de la Chasse – parmi les clubs que je connais – pourrait rivaliser en distinction avec le Cercle Interallié.

Mes trois convives me donnent la lourde charge du choix des vins ce qui me permet de regarder attentivement la carte des vins. C’est assez impensable que de tels clubs qui se gèrent dans la durée longue, comme l’indique l’âge moyen des membres que j’ai aperçus, ne soit pas capable d’avoir une gestion à long terme de leur cave. L’essentiel des vins est de 2007 et 2008, le reste étant plus jeune, sauf de rares exceptions dont nous profiterons. C’est en des lieux comme celui-ci que devrait s’exprimer l’excellence des vins français. Je feuillette les pages sans trouver de pépite et tout-à-coup, j’en vois une, un Clos de la Roche Armand Rousseau 2009. Voilà qui est sympathique. Cinq minutes plus tard, notre sympathique serveur revient la mine triste : le denier flacon de ce vin a été vendu. Mes amis me demandent de chercher aussi un blanc et la proposition que je leur soumets est de deux vins que j’adore, ce qui montre qu’il faut bien regarder dans les coins de la carte.

J’ai commandé comme menu un saumon fumé fourré aux petits légumes qui est très bien fait et un cabillaud dont l’assemblage des saveurs ne me plait pas, sentiment partagé par deux amis qui l’ont aussi choisi.

Le Corton Charlemagne Bonneau du Martray 2004 est extrêmement agréable et joue sur son velours. D’aucune force excessive, ce vin ne veut pas s’imposer. Il est courtois comme le vigneron qui l’a fait. Son équilibre fin le rend gastronomique et avec l’entrée, c’est un régal. Dans des années non tonitruantes, l’élégance se montre mieux.

Le Corton Grand Cru Bonneau du Martray 2003 est un vin que j’adore. C’est un noble guerrier. Il impose son discours et l’on est entraîné à sa suite. Vif, avec une jolie petite acidité, il sait aussi avoir une mâche opulente en bouche. J’adore le style de ce Corton.

Mes amis ayant une grande capacité d’absorption, un vin est nécessaire et je demande à passer mon tour laissant le soin au français californien de choisir. Le serveur qui a cherché le Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 2008 veut le carafer car il sort très froid de cave. Nous refusons cette opération et le vin est une merveille de fraîcheur et de vivacité, vin qui claque sa vinosité. Bu frais, c’est un véritable régal. Par contraste il nous fait comprendre que le Corton rouge avait été servi un peu chaud.

Mes nouveaux amis devant partir très vite j’ai pris mon café au bar du rez-de-chaussée. Ce qui est assez frappant, c’est qu’il n’y a aucune communication entre les étages. Le café arrangé par le serveur du restaurant est ignoré par les serveurs du bar qui me disent qu’on ne leur a rien dit. On a l’impression que le personnel est celui d’une vieille pension de famille, engoncé dans ses attitudes et subissant la routine. Les vraies brasseries parisiennes ont un personnel qui agit à 200 à l’heure quand le personnel de ce lieu d’un prestige rare est encore en draisienne. Ce qui n’empêche pas que ce lieu soit hautement enviable, d’un luxe raffiné.

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