déjeuner au Bistrot du Sommeliermercredi, 16 février 2011

Il y a longtemps que je n’avais pas rejoint mon groupe de conscrits. C’est à mon tour d’inviter, aussi est-ce le Bistrot du Sommelier de Philippe Faure-Brac que je choisis pour notre déjeuner. Nous disposons de la jolie petite salle dans la cour de l’immeuble où nous sommes huit.

Le menu conçu par Philippe Faure-Brac comprend une langoustine à la sauce épicée, un brick de foie gras, une pièce de bœuf, des fromages et un dessert à l’ananas, à la pomme, avec un biscuit au gingembre.

Le Champagne Delamotte à Mesnil sur Oger 1990 est un blanc de blancs qui n’est pas le petit frère de Salon, mais un champagne qui vit sa vie et la vit bien. Il est d’une belle acidité, frais, et l’année 1990 lui donne une assise sereine. C’est un grand champagne de belle personnalité qui se boit bien.

Le Champagne Dom Ruinart 1990 est plus dosé. Il a une structure plus opulente, un charme certain. Certains amis préfèrent le Delamotte et j’avoue que c’est difficile de choisir tant ils sont différents. Le Dom Ruinart fait plus évolué et met en valeur la jeunesse du Delamotte. Le foie gras donne une tension au Ruinart qui accentue sa grandeur et me fait le préférer maintenant, confirmant que 1990 est une grande réussite de Dom Ruinart. J’avais envie que mes amis puissent comparer deux 1990 et constatent à quel point l’âge magnifie ces deux champagnes, l’un très jeune et l’autre plus accompli.

Il y a deux bouteilles de Château Mouton Rothschild 1987 et Philippe Faure-Brac a fait ouvrir ce matin vers dix heures une seule des deux. Ce Mouton a un nez très riche, dense, plein de séduction. En bouche, il montre une plénitude supérieure à ce qu’on attendrait de l’année. J’adore ce Mouton qui a une grande noblesse, de la finesse, de jolis tannins et combine ces qualités en un message délicat. La puissance est supérieure à ce que l’on pourrait attendre et le final est élégant. Philippe Faure-Brac nous explique en quoi 1987 est meilleur que l’image qu’on a généralement donné à cette année. Quand la viande est servie, par un phénomène assez compréhensible mais d’une grande intensité, le vin devient frêle et plus conforme à son année, car il a du mal à soutenir le choc de la viande délicieuse. Il faut rapidement ouvrir la deuxième bouteille, qui, dans sa fraîcheur est plus intense que la première, aux tannins lourds. Ces deux expressions de Mouton me plaisent beaucoup.

Le Chambertin Denis Mortet 1993 n’aurait pas cohabité sur la viande avec les bordeaux, aussi est-il bu sur un Saint-nectaire. Là encore, ce chambertin est très au dessus de ce qu’on attendrait de l’année. Il est charmant. Il a le velouté, le soyeux délicat d’un beau chambertin, peu puissant, à la longueur mesurée, mais à l’effet en bouche de grand plaisir. J’aime ce bourguignon.

Le Château Salins 1ères Côtes de Bordeaux 1941 est une grande surprise. Sa robe est d’un jaune d’or comme les blés d’été. Le nez est discret. En bouche il est plaisant comme un bonbon. Il n’a pas une grande complexité, mais il est tout simplement charmant. Un de nos amis le choisit comme son favori. Il cohabite très bien avec une fourme et un fromage des Pyrénées.

Le Château Rayne Vigneau Sauternes 1988 a une étiquette presque illisible sur laquelle on voit distinctement le sceau de la Tour d’Argent, puisque j’ai acheté ce vin à la vente d’une partie de la cave de ce restaurant. Le sauternes a une couleur encore pâle, de grande jeunesse. C’est un beau sauternes d’une grande année, mais encore bien bambin. On reconnaît la vigueur de Rayne-Vigneau sous un discours mesuré de jeune sauternes.

La cuisine du Bistrot du Sommelier est simple mais juste. C’est une belle cuisine agréable qui sied bien aux vins. L’accord du dessert avec le Rayne-Vigneau est d’une exactitude exemplaire. Je voulais que mes amis entrent dans le monde de ma passion. De leurs sourires, je crois que but fut atteint.