déjeuner à l’Atelier Robuchonjeudi, 8 septembre 2011

Bipin Desai arrive de Los Angeles pour une semaine de gastronomie vineuse. Nous nous rencontrerons deux fois au restaurant Taillevent pendant son périple au rythme infernal. Il connait Kristoffer, l’ami danois et m’avait proposé de déjeuner ensemble. Comme ce déjeuner se tient entre le dîner à l’Agapé Substance et le dîner au Taillevent, j’avais trouvé sage de dire non. Et puis j’ai dit oui, bien fol est qui s’y fie.

Lorsque Joël Robuchon avait fermé son restaurant trois étoiles parisien, il y a maintenant très longtemps, je perdais d’un coup mon Dalaï-lama de la cuisine. De dépit, orphelin, je ne suis jamais allé à ses nouvelles adresses parisiennes et c’est seulement à Las Vegas que j’ai retrouvé « mon » Robuchon, c’est-à-dire celui de ma mémoire de fan total.

Le déjeuner à l’Atelier Robuchon de la rue Montalembert est une première pour moi. La réservation étant faite pour 14 heures, j’attends sur le trottoir car il n’y a pas de place pour les arrivées précoces. A l’heure dite nous nous asseyons au comptoir sur de haut tabourets, plus confortables que ceux de l’Agapé Substance qui sont sans dossiers. C’est curieux cette forme de restauration de comptoir. Mais ça me plait assez que l’on bouscule les codes. Je retrouve avec plaisir Philippe Braun qui supervise les cuisines des ateliers de Robuchon et je fais la connaissance de François Orisé, sommelier mais aussi directeur de l’établissement. Nous sommes accueillis par une coupe de Champagne Bruno Paillard sans année servie par une jolie sommelière coréenne polyglotte. Le champagne sans prétention est très agréable. Il vibre bien sur du Pata Negra et un toast au saumon cru.

C’est un adjoint de Philippe Braun qui compose le menu qui débute par un consommé dont je n’ai pas mémorisé le contenu. Il est suivi par un ravioli de langoustine, un diabolique toast de pied de porc aux truffes d’été, des macaronis aux abats et champignons et nous finissons par un demi homard. Ce n’est pas franchement ce qui convient à mon programme, mais c’est succulent. J’ai trouvé cette cuisine rassurante, divine pour le pied de porc, mais un peu conventionnelle et passe-partout pour le reste des plats. C’est bon, c’est bien fait, mais il n’y a pas le déclic que l’on aimerait. Même si la comparaison n’a pas beaucoup de sens sauf pour les tabourets et le comptoir, on est à Agapé-Substance dans un endroit tout jeune, créatif, qui offre de l’imprévu. Alors que l’Atelier Robuchon est plus cossu, plus bourgeois et plus prudent.

Nous avons bu un Puligny-Montrachet « les Folatières » Domaine Leflaive 2002 absolument superbe, d’une puissance inouïe, au goût presque fumé et à l’alcool fort. C’est un vin qui envahit la bouche et qui s’impose en force. J’aime beaucoup. On aurait presque dit un Bâtard-Montrachet si on l’avait bu à l’aveugle.

Ensuite, c’est un Clos-Vougeot Grand Cru domaine Georges Mugneret 2007 qui est séducteur surtout par sa jeunesse folle. Il est frais, excessivement fruité et on ne retient que la jeunesse. Il a très probablement moins d’avenir que le blanc qui deviendra impérial dans vingt ans.

Je comprends mieux les ambitions de Joël Robuchon de l’époque de quitter la trace des trois étoiles lorsqu’il entrait dans sa pause sabbatique. L’endroit a une cuisine solide. L’absence de réservation est un handicap certain pour en faire sa cantine.