déjeuner à La Cagouillejeudi, 9 février 2012

Dans un dîner de wine-dinners, j’avais parié une bouteille d’Yquem sur une citation poétique. J’ai perdu. Voulant troquer ma dette contre un repas, j’ai proposé à l’heureuse bénéficiaire de l’inviter à déjeuner. Elle accepte mon invitation. Mes tempes grises m’ont appris que bien fol est qui s’y fie. Aussi suis-je arrivé au restaurant avec dans ma musette une bouteille d’Yquem.

Je dis à l’heureuse gagnante que nous avons deux solutions : soit boire l’Yquem lors de ce déjeuner, soit nous oublions l’Yquem, et nous ouvrons une bouteille mythique que le restaurant est un des seuls à avoir. Mon heureuse gagnante applique le principe de réalité : un pari est un pari, donc « l’Yquem m’est dû. Maintenant déjeunons ».

Nous sommes au restaurant La Cagouille du truculent André Robert qui malheureusement ne peut pas nous accueillir car il est retenu ailleurs. Nous commençons par des coques toujours aussi délicieuses, que j’aurais rêvé d’associer à Yquem. C’est un Champagne Henriot qui est là, et ne crée pas de réelle vibration à ce moment précis. Nous prenons ensuite de délicieuses fines de claires qui se marient idéalement au Champagne Laurent Perrier Ultra Brut. Et ce que j’étudie, c’est l’interaction avec la petite merveille que j’ai fait préparer : Corton Charlemagne Jean François Coche-Dury 2002. Il arrive un peu chaud, aussi est-il comme un Zodiac à peine gonflé : ça flotte, mais ça n’inspire pas.

Ce qui est intéressant sur les huîtres, c’est que le Corton Charlemagne n’est pas hors sujet. Le champagne est idéal pour les huîtres, car les bulles contrebalancent l’iode, mais le vin blanc a une telle réserve de générosité qu’il s’adapte bien. Et le vin blanc excite le champagne qui le lui rend bien.

Les couteaux sont moins percutants que d’habitude, et le Corton-Charlemagne, frappé dans un seau à glace, commence à atteindre son plateau d’excellence. Le filet de bar est tout simplement délicieux, tant il est exposé dans sa pureté. Pendant ce temps, le vin de Coche Dury se met à jouer de toutes ses palettes chromatiques. On n’est pas du tout dans le fruit tonitruant, on est plus dans la réserve. Ce qui permet de jouir des subtilités de ce grand vin. C’est un vin très complexe, l’un des fleurons de la Bourgogne, mais que j’ai trouvé un peu en dessous de son niveau. A sa décharge, on peut dire que l’on sent plus certaines subtilités quand un vin trompette moins.

J’ai honoré mon pari. La gagnante m’a promis que nous boirons l’Yquem ensemble. Il est des paris qu’il fait savoir perdre.